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Rossi (2008) note que le contrôle sur la vie peut être difficile à rétablir pour les proches de personnes assassinées. En effet, ces proches doivent se « donner le droit de souffrir de manière personnelle [ce qui] peut être un moyen d’accepter, de comprendre son propre vécu. Cela peut aussi représenter un espoir de reprise de contrôle dans sa vie » (Rossi, 2008, 193). Tant que les proches ne se donnent pas le droit de souffrir au même titre que la personne assassinée, il peut être difficile pour ces derniers de reprendre le contrôle et d’être satisfait de leur efficacité personnelle. Trouver un sens aux évènements ou à la souffrance peut également permettre aux proches de retrouver un but à leur vie : « […] finding meaning in the suffering restores a sense of purpose and agency and counters the meaninglessness of what had occured » (Armour, 2002, 114). Toutefois, ceci reste difficile pour les proches, en raison de la violence des évènements. Boss et Carnes, 2012 soulignent qu’autant pour les proches de personnes disparues qu’assassinées, des évènements traumatiques de ce genre ne se résolvent pas facilement. Pour les familles de proches disparues, le sentiment de finalité peut ne jamais se présenter. La famille peut ne jamais retrouver le contrôle de la situation et leur sentiment d’efficacité personnelle peut en être très affecté (Boss, 2004). Rossi note également que les proches de personnes assassinées peuvent avoir l’impression qu’il ne leur sera jamais possible de retrouver une vie normale (Rossi, 2008). Le deuil dans ce genre de situation est difficile à définir dans le temps. Les proches peuvent vivre des symptômes liés aux premières étapes d’un deuil ordinaire pendant des années et le deuil peut facilement devenir pathologique (Rossi, 2008). Il ne s’agit donc pas

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pour les victimes de retrouver l’équilibre émotionnel précédant les évènements traumatiques, mais d’apprendre à vivre avec la présence de la souffrance et du deuil (Boss et Carnes, 2012). Boss (2004) souligne toutefois que toutes les familles de personnes disparues ne vivent pas dans le deuil perpétuel et développent plutôt leur résilience, soit leur capacité à faire face. Sans oublier pour autant le proche disparu ou cesser de souffrir de son absence, les familles résilientes auraient la capacité de se soutenir et de continuer d’exister, ce qui pourrait les aider dans leur évaluation de l’avenir comme étant positif (Boss, 2004). Le besoin de satisfaction à long terme, l’impression pour les personnes que les choses vont finir par s’arranger est un besoin qu’il peut être difficile d’évaluer chez les proches. Rossi (2008) parle de différents portraits types de proches de victimes qui s’approprient des rôles qui leur permettent de vivre plus ou moins bien avec le drame. La typologie de Rossi (2008) ne sera pas abordée dans ce mémoire, toutefois, certains exemples permettent d’illustrer celle-ci. Selon Rossi (2008), certains proches deviennent extrêmement engagés dans la défense des droits des victimes, afin de donner une voix à leur proche disparu. D’autres se renferment sur eux-mêmes et se désengagent entièrement de leur vie et de leur entourage. Selon le rôle qu’adoptent les proches de personnes victimes, leur évaluation de la vie à long terme sera différente (Rossi, 2008).

Le besoin d’efficacité personnelle et de contrôle sur sa vie est donc grandement perturbé chez les proches de personnes assassinées ou disparues. En plus de ne pas avoir de contrôle sur le déroulement du dossier dans le processus judiciaire, les proches n’ont pas toujours le contrôle sur le déroulement de leur deuil, lorsque celui-ci est possible. La pression mise sur les proches pour « passer à autre chose » nuit à leur sentiment d’efficacité personnelle. De plus, certains proches de personnes victimes ne se donnent pas le droit de vivre leur deuil, ce qui peut compliquer leur capacité à reprendre le contrôle sur leur vie.

1.5.

Services aux personnes victimes

Peu d’études portent sur les services aux victimes d’actes criminels (Sims, Yost et Abbott, 2005, Davis, Lurigio et Skogan, 1999). Encore moins d’études portent sur les différences de l’utilisation et de l’évaluation des services selon le type de victimisation, au-delà de la différence entre les crimes violents et les crimes de propriété (Davis, Lurigio et Skogan, 1999, Horne, 2003). Selon les études, entre 1 et 15 % des personnes victimes directes d’un crime

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rapporté chercheraient de l’aide auprès des services aux victimes (Davis, Lurigio et Skogan, 1999).

L’Enquête sociale générale sur la victimisation menée par Statistiques Canada en 2004 a révélé que 90 % des personnes victimes de crimes violents ont recours à des sources informelles de soutien comme les amis et la famille (Brazeau et Brzozowski, 2005). Les résultats de la recherche sur l’utilisation des services aux victimes ne concordent pas sur les raisons pour lesquelles les victimes consultent ni sur les victimes qui sont les plus susceptibles de rechercher de l’aide. Ainsi, Davis, Lurigio et Skogan (1999) mentionnent que la présence d’un cercle de soutien social fort chez les victimes diminue leur utilisation des services, un résultat déjà obtenu dans l’étude de Friedman, Bischoff, Davis et Person (1982). Toutefois, Sims, Yost et Abbott (2005) constatent plutôt que la présence de soutien informel fort dans l’entourage n’a pas d’impact sur leur recours aux services aux victimes. Cette dernière étude vise à comparer les raisons pour lesquelles les victimes consultent ou non les services aux victimes ainsi que les caractéristiques des victimes qui les rendraient plus ou moins susceptibles de consulter. En comparant des groupes de personnes victimes qui n’ont pas consulté (par sondage téléphonique aléatoire) et des groupes de personnes victimes référés par des programmes d’aide aux victimes, les auteurs en viennent à la conclusion que l’âge et le type de crime sont les éléments qui influencent l’utilisation ou non des services. Ainsi, les victimes plus âgées et les victimes de crimes violents seraient les plus susceptibles de consulter. Les auteurs concluent que, en plus des impacts émotionnels et traumatiques plus grands des crimes violents, les acteurs du système de justice pénale, comme les policiers, auraient probablement plus la réaction de référer ces victimes vers les services d’aide. Les personnes qui n’avaient pas consulté de services d’aide aux victimes disaient en majorité, ne pas connaître ses services. De plus, 40 % disaient ne pas savoir ce qui est inclus dans les services aux victimes (Sims, Yost et Abbott, 2005). Ces résultats sont compatibles avec l’étude de Friedman, Bischoff, Davis et Person (1982). De plus, Davis, Lurigio et Skogan (1999) mentionnent que les victimes auraient plus tendance à s’appuyer sur leurs proches pour leurs besoins immédiats suivant la victimisation, car ceux-ci sont disponibles rapidement et les programmes d’aide aux victimes mettraient l’accent sur l’aide psychologique qui n’est pas nécessairement la priorité des personnes victimes lors de la victimisation (Davis, Lurigio et Skogan, 1999).

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Cette dernière étude portait sur le type de services utilisés par les victimes directes de crimes et si ceux-ci comblaient leurs besoins. En faisant des entrevues téléphoniques auprès de victimes qui ont obtenu des services d’aide aux victimes, des services d’aide provenant d’autres organismes, d’aide auprès de leurs proches et de victimes qui n’ont reçu aucune aide, les auteurs en viennent à la conclusion que les proches sont la source principale de soutien pour les victimes. De plus, peu de services seraient utilisés par les victimes au-delà de l’aide psychologique. Finalement, l’étude de Hogan (2003) portant sur les patterns d’utilisation des services aux victimes par les familles de personnes assassinées mentionne que, dans les huit premières semaines suivant l’homicide, la famille nécessite surtout de l’aide pour la gestion de la crise, c’est-à-dire une aide pratique. Il note également que, dans le cas des familles où l’homicide est intrafamilial, il existe un plus grand besoin de s’impliquer dans la défense des droits des victimes dans les différents services et organismes (Hogan, 2003).

Donc, la littérature sur les services aux victimes est peu développée. Les personnes victimes utiliseraient peu les services principalement, car ils sont peu connus des victimes. De plus, les proches seraient une source importante de soutien, bien que le fait d’avoir un cercle social soutenant ne soit pas toujours considéré comme un obstacle à l’utilisation des services par les victimes. Il est également possible que l’accent mis sur l’aide psychologique soit une limite de l’utilisation des services par les victimes si ces dernières viennent de vivre les évènements de victimisation.