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L’œdème Maculaire

E. Bases thérapeutiques

1. But

Le but du traitement est essentiellement de diminuer la progression de l’OM voire sa régression complète afin d’améliorer la fonction visuelle et d’en limiter les conséquences et séquelles fonctionnelles.

2. Moyens

Plusieurs moyens thérapeutiques sont disponibles à savoir les moyens physiques (laser, photothérapie dynamique), médicamenteux (général ou local) et chirurgicaux. Le traitement médical comporte les corticoïdes, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les anti-VEGF, les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique à travers différentes voies d’administration… La découverte des anti-VEGF et l’amélioration de la voie d’administration des corticoïdes (intravitréenne) a révolutionné la prise en charge thérapeutique en reléguant les autres moyens au second plan.

 Les moyens physiques

 Laphotocoagulation Laser

C’est en ophtalmologie que la photocoagulation Laser a été utilisée pour la première fois et ce pour le traitement de la rétinopathie diabétique; d’abord la rétinopathie proliférative puis l’OMD. C’est une technique basée sur l’utilisation de la lumière (selon sa longueur d’onde et sa durée de pulse) qui sera absorbée par la mélanine de l’épithélium pigmentaire pour induire un dommage thermique [51]. Ce dernier sera responsable d’une dénaturation protéique neurorétinienne à l’origine d’un blanchiment marqueur de la thérapie au laser, observable au fond d’œil. De nouveaux lasers avec des pulses raccourcis (micro ou nanopulses) ou couplés à une imagerie permettent un regain d’intérêt de cette technique qui est de plus en plus abandonnée. La maculopathie œdémateuse focale bénéficie d’une photocoagulation

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soit non ciblée (grid), soit ciblée sur les micro-anévrismes diffusants en utilisant des impacts de longues durée (focale). Les impacts viseraient ici à stimuler la repousse de cellules de l’EPR capables de drainer l’œdème rétinien.

 La photothérapie dynamique

La thérapie photodynamique (photodynamic therapy [PDT]) met à profit l’effet photochimique d’un laser non thermique. Celui-ci active un photosensibilisant injecté en intraveineux (IV) dont la localisation préférentielle se situe au niveau des

néovaisseaux choroïdiens en présence d’oxygène [52]. Cette activation induit la

formation de radicaux libres avec une thrombose de ses vaisseaux. Cette nécessité de

l’oxygène explique qu’au fil des séances et donc des thromboses, la photothérapie

dynamique soit moins efficace.  Les moyens chirurgicaux

La vitrectomie est utilisée depuis les années 1980 pour le traitement de l’OM tractionnel. En effet la traction vitréorétinienne entraine une diminution de la pression hydrostatique interstitielle responsable de l’OM en l’absence d’une élévation de la pression hydrostatique capillaire (HTA) ou de médiateurs de l’inflammation. La levée de cette action mécanique du vitré sur la rétine rendait complètement réversible cet œdème. A l’opposée, les mécanismes d’action de la vitrectomie restent totalement hypothétiques dans les autres cas sans traction. L’on suppose une meilleure hématose de la rétine, une levée d’éventuelles barrières et un nettoyage des cytokines pendant l’intervention améliorant la perméabilité vasculaire après vitrectomie dans les autres cas d’OM sans traction. [1]

 Les moyens médicamenteux

Si différentes molécules thérapeutiques préexistantes ou nouvelles ont fait leur preuve dans la prise en charge de l’OM, leur enjeu principal reste et demeure la diffusion et la biodisponibilité. L’œil est un organe fermé pratiquement isolé du reste

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de l’organisme ce qui limite la diffusion des médicaments en intraoculaire; la cornée, la conjonctive et la sclère sont autant de barrières à cette diffusion. Ainsi trouver la bonne voie d’administration pour un meilleur rapport bénéfice/risque car la différence entre une molécule ancienne et une autre dite innovante réside dans la formulation, l’optimisation galénique et la voie d’administration. Les différentes voies d’administration utilisées à ce jour sont les voies péri-oculaires, intravitréenne et suprachoroïdienne. Selon la profondeur de pénétration de l’aiguille, on parlera d’injections sous-conjonctivales, sous-ténoniennes, péribulbaires, latérobulbaires ou rétrobulbaires (Fig. 17). Ces injections péri-oculaires ne sont pas des voies locales vraies contrairement à l’injection intravitréenne car il y a un passage systémique mais sont meilleures comparées à la voie systémique du fait du passage trans-scléral qu’elles permettent.

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 Les corticoïdes :

Les corticostéroïdes sont, depuis la moitié du XXème siècle, utilisés en ophtalmologie surtout par voie topique pour les affections conjonctivales mais aussi générales dans le cadre des états inflammatoires oculaires liés à des affections générales (uvéites). Depuis, ses indications se sont élargies à l’œdème maculaire grâce à leurs effets anti-inflammatoires, anti-œdémateux et anti-angiogéniques prouvés. Ils réduisent les médiateurs cellulaires et chimiques de l’inflammation et diminuent l’œdème par plusieurs mécanismes :

- l’augmentation de l’activité et/ou de la densité des jonctions cellulaires et la diminution des taux de VEGF et de prostaglandines ce qui aide à restaurer l’intégrité de la barrière hématorétinienne [15,53].

- la résorption des fluides rétiniens par l’épithélium pigmenté de la rétine - le maintien de l’homéostasie rétinienne en agissant sur les aquaporines AQP4

et KIR4.1 des cellules gliales de Müller et de la microglie [54].

Plusieurs types de corticoïdes sont utilisés pour le traitement de l’œdème maculaire par diverses voies d’administration.

Les voies privilégiées pour le traitement de l’œdème maculaire sont les voies périoculaire et intravitréenne (injections et implants). La voie topique présente une faible pénétration au niveau intravitréen par rapport à une injection péri ou intraoculaire [55]. La voie systémique quant à elle, expose aux complications liées à la corticothérapie générale [56] à savoir l’hyperglycémie voire le diabète cortico-induit, l’hypercorticisme iatrogène, l’hypercatabolisme protidique, l’hyperlipidémie, les troubles hydro-électriques, l’hypertension artérielle, la myopathie cortisonique, l’ostéoporose, l’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale, le retard ou l’arrêt de croissance chez les enfants, les affections cutanées (acné, folliculite bactérienne). Le risque infectieux est aussi important et peut être fongique, bactérien, viral ou

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parasitaire. Les autres voies d’administration des corticostéroïdes présentent également des risques de complications. Ainsi, les injections sous-ténoniennes et au niveau du plancher orbitaire peuvent être responsables des cas de perforation du globe, d’atrophie de la graisse sous-cutanée, de ptosis de parésie des muscles extra-oculaires, de lésion du nerf optique, d'occlusion vasculaire rétinienne et choroïdienne [57]. La voie sous conjonctivale, quant à elle, peut entrainer une ulcération, une ischémie voire une nécrose conjonctivale, un blépharoptosis, une mydriase ou une hémorragie sous conjonctivale [58]. Cependant, ces complications surviennent rarement. Les injections intravitréennes de corticostéroïdes entrainent aussi des complications locales à type de cataracte, d’hypertonie oculaire, d’hémorragie intravitréenne, de décollement de rétine ou d’endophtalmie bactérienne ou aseptique. Ces complications sont fréquentes surtout la cataracte et l’hypertonie. L’implant vitréen réduit le nombre d’injections intravitréennes mais expose à des cas d’infection à CMV et HSV, de migration d’implant, de déchirure rétinienne. De plus son coût très élevé, et son caractère invasif par rapport aux injections périoculaires sont autant de contraintes qui poussent à l’exploration d’autres modalités thérapeutiques [59].

Toutes ces voies d’administrations de corticoïdes en plus des complications locales propres aux différentes voies que nous venons de détailler ont pour effet secondaire majeur la cataracte et le glaucome cortico-induit à des degrés différents.

Trois types de corticoïdes sont couramment utilisés dans le traitement de l’œdème maculaire.

- La dexaméthasone qui est un anti-inflammatoire puissant avec un effet immédiat mais une courte durée d’action. Elle existe sous la forme de phosphate sodique de dexaméthasone (Ozurdex® 4 mg/ml ou 20 mg/5 ml) utilisé en périoculaire et en injection intravitréenne. Toutefois du fait de sa courte durée d’action il faut répéter les injections d’où la mise au point d’implants biodégradables avec 700 ug de dexaméthasone (Ozurdex®) à libération prolongée. L’implant Ozurdex® a obtenu l’AMM et se compose

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de polymères d’acide polylactique et polyglycolique qui s’érodent spontanément en libérant graduellement la dexaméthasone [60, 61]. Le dispositif est placé au décours d’une injection intravitréenne au niveau de la pars plana.

- La fluocinolone est un corticostéroïde utilisé en implants non biodégradables Retisert® qui a été retiré du marché en France, et l’Iluvien® tous deux contenant de l’acétonide de fluocinolone. Le Retisert® est un dispositif en polyvinyle alcool de 5 mm de longueur, 2 mm de largeur et 3 mm d’épaisseur 0,3 à 0,4 mg/jour d’acétonide de fluocinolone pour une durée d’environ 2 ans et demi. L’Iluven contient 190 μg d’acétonide de fluocinolone et est administré en intravitréen et libère le principe actif de façon linéaire sur une période de 36 mois [62] pour un effet thérapeutique de 2 à 3 ans.

- La triamcinolone est un glucocorticoïde synthétique faisant partie du groupe des corticoïdes à puissance modérée. Toutefois sa durée d’action est prolongée par rapport à la dexaméthasone à la même dose, dans une étude française une injection intravitréenne de 4 mg de triamcinolone entrainait une durée d’efficacité moyenne de 140jours [63]. Elle existe sous deux formes commerciales, l'acétonide et le diacétate; cependant l'acétonide de triamcinolone (AT) est la forme la plus utilisée. Il s’agit du Kénacort retard® qui se compose d’acétonide de triamcinolone sous la forme de cristaux blancs associée à un excipient dosé à 40 mg/ml. L'AT à usage ophtalmique est administrée sous forme de suspension injectable, soit par voie périoculaire (sous-conjonctivale, sous-ténonienne), soit par voie intraoculaire hors AMM.

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Plusieurs études cliniques randomisées ont montré une amélioration significative morphologique et fonctionnelle de l’injection intravitréenne de l’AT pour le traitement de l’œdème maculaire diabétique pour des doses allant de 4 à 20mg [64-66].

L’injection sous-ténonienne de triamcinolone consiste en une injection de 0,5 à 1 ml (20 à 40mg) de Kénacort retard après réalisation d’une boutonnière conjonctivale à 5 ou 6 mm du limbe. Son efficacité est également prouvée dans la prise en charge de l’œdème maculaire.

L’AT administrée en sous-conjonctival se présente comme un dépôt blanchâtre de cristaux qui contiennent le corticoïde qui le libèrent progressivement pour une durée d’environ 3 mois. La dose injectée varie de 8 à 12mg de triamcinolone. Ce corticostéroïde à faible solubilité, utilisé localement, est absorbé plus lentement, favorisant ainsi une action locale efficace et des taux plasmatiques faibles [67]. L’injection sous conjonctivale d’acétate de triamcinolone peut engendrer les effets secondaires liés à la voie d’injection (hémorragie sous-conjonctivale, une ischémie ou une ulcération conjonctivale [68,69], sclérite infectieuse [70], et ptosis [71] et ceux liés à la corticothérapie oculaire (cataracte et élévation de la pression intra oculaire).

 Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les anti- inflammatoires non stéroïdiens ou AINS, diminuent la synthèse des prostaglandines en inhibant de la cyclo- oxygénase. Les prostaglandines en intra oculaire jouent divers rôles se traduisant par une augmentation de la pression intraoculaire (PIO) à travers une vasodilatation locale et une hyperperméabilité des barrières hémato- aqueuses ; une diminution de la PIO par augmentation du flux uvéoscléral ; le déclenchement d’un myosis par une contraction du muscle lisse irien ; une élévation de la concentration de protéines dans l’humeur aqueuse par augmentation de la perméabilité vasculaire et vasodilatation ; un œdème maculaire par rupture de la barrière hématorétinienne. L’utilisation des AINS en ophtalmologie se

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fait en général par voie locale à travers les collyres (indométacine, diclofénac, kétorolac …).

Comme sus-cité le passage systémique même en usage local reste possible mais très faible pour les AINS. Des effets indésirables oculaires à savoir l’ulcération cornéenne de même que des effets systémiques peuvent être observés.

 Les anti-VEGF

Impliqué dans de nombreuses pathologies vasculaires rétiniennes, le vascular

endothelial growth factor (VEGF) est un facteur pro-angiogénique. Au niveau

oculaire, les phénomènes angiogéniques sont assurés par le VEGF-A et sa fixation au récepteur VEGF-R2. La découverte des anti-VEGF a révolutionné la prise en charge des pathologies vasculaires oculaires en général et surtout celles liées à une hyperperméabilité vasculaire notamment l’œdème maculaire.

Les anti-VEGF utilisés en pratique clinique s’opposent à l’activation du VEGF-R2 par le VEGF libre soit à l’aide d’un oligonucléotide ou d’un anticorps qui se lie au VEGF et l’empêchant de se fixer à son récepteur (pegaptanib, bévacizumab, ranibizumab), soit par l’intermédiaire d’un « faux » récepteur qui remplace le VEGF- R2 et se lie solidement au VEGF libre (aflibercept). Les anti-VEGF les plus utilisés sont au nombre de trois (3) :

- le ranibizumab (Lucentis®, Genentech®, Novartis®) se compose d’un fragment Fab d’un anticorps monoclonal recombinant humanisé ayant une affinité importante pour le VEGF- A;

- le bévacizumab (Avastin®, Genentech®, Roche®), lui, est un anticorps monoclonal recombinant humanisé complet de type IgG1 qui se fixe à toutes les isoformes du VEGF- A humain;

- l’aflibercept (Eylea®, Bayer) est une protéine de fusion recombinante comprenant deux fragments : l’un étant le site de liaison du VEGF- R1 et l’autre celui du VEGF- R2, tous deux fusionnés à un fragment Fc

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d’Immunoglobuline G1 humaine. Il se fixe non seulement à toutes les isoformes du VEGF- A, mais également au VEGF- B et au PIGF.

En ophtalmologie, les anti-VEGF sont utilisés en injection intravitréenne à des doses très faibles mais il existe un passage systémique d’où les cas exceptionnels d’effets systémiques

L’uvéite antérieure mais aussi la rétraction des membranes néovasculaires, l’hypertonie prolongée par détérioration du trabéculum, l’altération de la perfusion vasculaire, et une possible dégénérescence des cellules ganglionnaires et des cellules de Müller sont les effets indésirables oculaires spécifiques aux anti- VEGF injectés en intravitréen en plus de ceux liés à la voie d’administration comme l’endophtalmie bactérienne, les irritations conjonctivales... Leurs effets secondaires systémiques éventuels sont surtout cardiovasculaires (l’hypertension artérielle et les accidents thrombo-emboliques) hématologiques (les hémorragies, les infections et la neutropénie), néphrologiques (la protéinurie) et digestives (les perforations gastro- intestinales).

Il reste déconseillé chez la femme enceinte et le prématuré.

 Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique

Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC) sont utilisés dans le traitement de certains OM dont le mécanisme d’action supposé est l’inhibition ciblée des anhydrases carboniques (AC) membranaires de l’EPR. Ils sont prescrits essentiellement par voie orale, sous la forme d’acétazolamide (Diamox®) à la dose quotidienne de 500 mg. Ils peuvent aussi être efficaces en usage local (Dorzolamide, Brinzolamide) à raison d’une goutte trois (3) fois par jour.

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 Autres

Les Immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, ciclosporine), les biothérapies (anti-TNF) et l’interféron α sont également utilisés dans le traitement des OM inflammatoires quoique leurs effets indésirables puissent être nombreux.

3. Indications

Actuellement les injections intravitréennes (IVT) de corticoïdes (implants de dexaméthasone ou IVT de triamcinolone) et d’anti-VEGF sont la thérapeutique de référence de l’OM en particulier de l’œdème maculaire diabétique et des occlusions veineuses rétiniennes. Dans la DMLA, les corticoïdes et les anti-VEGF sont aussi indiqués. Les corticoïdes permettent une régression de l’OM uvéitique.

Les AINS en topique sont utilisés en postopératoire d’une chirurgie de cataracte pour prévenir et traiter l’œdème maculaire post chirurgical. Cependant pour prévenir le syndrome d’Irvine-Gass le Flurbiprofène et le Népafénac (chez le diabétique) sont les seules molécules autorisées sur le marché.

Les IAC constituent le traitement de référence de l’œdème maculaire des rétinopathies pigmentaires et apparentées. En outre, ils seraient utilisés pour traiter d’autres kystes maculaires héréditaires (le rétinoschisis lié à l’X, le syndrome d’augmentation des cônes bleus) ou dans le traitement des télangiectasies maculaires ainsi que du syndrome d’Irvine- Gass. Cependant, ils n’ont pas prouver leur efficacité dans les œdèmes maculaires d’origine vasculaire.

Les immunosuppresseurs sont une alternative thérapeutique de l’œdème maculaire uvéitique.

Les anti-tumor necrosis factors alpha (anti- TNF-α) sont proposés comme traitement de troisième ligne dans les uvéites réfractaires aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs.

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La photocoagulation au laser est essentiellement utilisée dans le traitement de l’OMD. Ils peuvent être proposés en néoadjuvant ou en adjuvant aux anti-VEGF.

La thérapie photodynamique est toujours indiquée dans la DMLA surtout en cas d’échec des anti-VEGF ou de rejet des injections intravitréennes par le patient. Elle peut aussi être utilisée en combinaison avec les anti-VEGF ou la triamcinolone.

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