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Avant d’entamer toute réflexion et de poser une problématique de recherche sur notre thème, il paraît opportun de "poser les fondamentaux". Après avoir décrit de manière relativement détaillée la biologie et l’épidémiologie du virus H5N1 au premier chapitre, ainsi que, au chapitre 2, le contexte de notre terrain d’étude, la Thaïlande, le tableau présenté en figure 25 revient de manière synthétique et ciblée sur ces différents acquis (écologie du virus, modalités de transmission, facteurs de risque et groupes vulnérables, sources de biais d’analyse, etc.) et sur les questions qui restent en suspens et qui intéressent plus spécifiquement notre sujet d’étude, afin également de rendre compte de la complexité du problème.

Figure 25 : Synthèse des bases épidémiologiques et contextuelles utiles à la problématique et à l’analyse

Données issues de la revue bibliographique présentée aux chapitres 1 et 2

Conséquences en matière de transmission du virus et de compréhension du phénomène d’émergence en Thaïlande Enregistrement de 5 vagues épizootiques

successives mais continuité dans la déclaration des cas

Virus présent de manière endémique,

réintroductions régulières et persistance de la maladie dans la filière avicole

Persistance du virus dans l’environnement Matières fécales : jusqu’à 7 jours à 20°C

Eau : jusqu’à 4 jours à 22°C, mais, en cas de concentrations importantes, jusqu’à 3 mois à 28°C (et plus de 6 mois à 17°C)

Environnement du poulailler : jusqu’à 5 semaines

Persistance du virus participe au risque de transmission depuis le milieu extérieur (milieu naturel tel que surfaces en eau et zones humides contaminées, zones situées à proximité d’un élevage infecté et souillées par les fientes des oiseaux, fomites contaminés ou échanges humains) vers les élevages avicoles

Large spectre d’hôtes : volailles d’élevage, oiseaux sauvages aquatiques et terrestres, certains

mammifères

Transmission directe par contact ou promiscuité entre oiseaux

Transmission indirecte via des vecteurs mécaniques et via l’homme

Sources potentielles d’introduction :

Environnement : eau contaminée par des élevages voisins ou par des oiseaux sauvages infectés, habitats où se rassemblent des populations d’oiseaux sauvages (zones humides, rizières)

Activités humaines : échanges entre fermes (matériel, intrants, produits d’élevage, volailles), commerce de volailles (marchés, fournisseurs, distributeurs, transporteurs, commerce illégal) L’émergence étant liée à une transmission à moyenne ou longue distance, différenciation nécessaire des phénomènes de diffusion selon qu’ils interviennent à courte distance (échanges entre fermes, déplacements locaux d’oiseaux sauvages, eau contaminée, échanges commerciaux sur les marchés locaux), moyenne distance (libre parcours des canards, échanges commerciaux notamment via les marchés de volailles vivantes ou autres marchés principaux, oiseaux migrateurs, commerce illégal transfrontalier, éventuellement eau circulante) ou à longue distance (oiseaux

migrateurs, échanges commerciaux à grande échelle notamment au niveau des secteurs de production 2 et 3, commerce illégal)

Signes cliniques variables, plus ou moins apparents (et plus ou moins généralisés à tout l’organisme) :

Diagnostic différentiel difficile à établir en raison de fortes similitudes avec d’autres affections aviaires telles que la maladie de Newcastle Sensibilité à l’infection variable, en particulier

selon l’espèce et l’âge des oiseaux

Mise en évidence de signes cliniques et même d’une létalité chez des espèces

traditionnellement considérées comme peu sensibles (oiseaux aquatiques notamment) Chez le canard, changement du profil

pathogénique du virus au cours du temps (forte pathogénicité à partir de 2001 puis réversibilité du pouvoir pathogène courant 2003)

Réaction des populations sauvages en conditions naturelles largement méconnues

Complique la surveillance de la maladie et peut introduire des biais de sélection

Complique la compréhension de l’épidémiologie de la maladie et du rôle spécifique joué par certains oiseaux sauvages et les canards d’élevage

Excrétion du virus par voie respiratoire

majoritairement (en particulier chez les canards), et par voie intestinale

Excrétion peut survenir avant l’apparition des signes cliniques et perdurer pendant 14 jours (canard) à 30 jours (poulet) après l’infection

Excrétion inapparente de particules virales possible, en particulier chez les canards (en quantités moins importantes cependant)

Potentiel de transmission relativement durable dans le temps, augmentant les risques

Globalement, mécanismes de transmission du virus entre oiseaux encore largement méconnus

Oiseaux sauvages et notamment oiseaux aquatiques migrateurs, en cas d’infection bénignes ou en tant que porteurs sains ou asymptomatiques, peuvent diffuser localement le virus dans le milieu naturel ainsi que sur de plus longues distances par déplacement : ce risque, bien que controversé, ne peut être exclu

Canards d’élevage, en tant que porteurs sains ou asymptomatiques, peuvent jouer un rôle dans le maintien de l’infection dans les élevages, et donc dans la diffusion du virus sur de courtes à longues distances (notamment au travers des pratiques de libre parcours, des regroupements de volailles sur les marchés, et des autres échanges commerciaux)

Origine des processus émergentiels (transmission à moyenne et longue distance) difficile à

appréhender :

Différentes hypothèses formulées quant aux possibles sources d’introduction du virus controversées

Rôle respectif des facteurs environnementaux (en lien avec des oiseaux sauvages ou des pratiques d’élevage non biosécurisées) et des facteurs anthropiques (en lien avec des

échanges commerciaux pour l’essentiel) difficile à cerner

2 processus jouent simultanément, mais difficile de savoir lequel est prédominant sur la zone géographique étudiée, à savoir la Thaïlande

Virus à potentiel évolutif important

Complique l’étude des sources d’émergence du virus et de sa diffusion par suivi phylogénétique des souches virales

Présence du virus H5N1 sur le territoire thaïlandais remonte probablement à fin 2003 mais n’a été officiellement déclarée qu’en janvier 2004

Maladie largement distribuée au moment de sa déclaration officielle : source d’introduction difficile à rechercher, contrôle de la maladie difficile

Concentration de l’activité avicole dans le Centre (élevages spécialisés de poulets de chair et de poules pondeuses, canards pondeurs et de chair dans une moindre mesure, élevages indépendants de « native chicken »), le Nord (poulets de chair et poules pondeuses), et l’Est du pays (élevages indépendants de « native chicken », poulets de chair, canards de chair)

Risque a priori assez bien réparti entre ces différentes régions qui concentrent l’activité de production et où plusieurs types d’élevage coexistent

Agrégation des cas dans les régions Centre, Nord (Sud de la région), et Est

Mise en évidence de régions à risque d’infection et de transmission, mais concernant tous les cas déclarés (absence de discrimination des cas selon qu’ils proviennent d’une diffusion locale ou d’une (ré)-introduction dans une zone indemne dans un certain délai de temps et à une certaine distance, autrement dit pas d’exclusion des effets de diffusion et de dépendance entre les cas)

Filière de production divisée en 4 secteurs selon des critères de pratiques d’élevage, de niveaux de biosécurité et de débouchés commerciaux :

Secteur 1 : Elevage industriel, risque d’infection nul

Secteur 2 : Elevage commercial spécialisé, risque d’infection faible à modéré

Secteur 3 : Elevage semi-commercial

indépendant, comprenant l’élevage de canards en libre parcours, risque d’infection important Secteur 4 : Elevage de basse-cour, comprenant

les coqs de combat, risque d’infection faible à important (élevage ouvert mais nombre de contacts à risque et échanges commerciaux faibles, risque difficile à évaluer et controversé)

Evaluation globale des risques par secteur possible mais ensemble de la filière concerné, difficile de concentrer les risques sur un groupe cible

Développement fulgurant de la filière avicole ces 20 dernières années

Focalisation de l’attention des autorités sur l’élevage industriel pendant de nombreuses années

Elevage indépendant ou de basse-cour a suivi la tendance à la croissance sans améliorer ses

conditions d’hygiènes et sanitaires, et en conservant une organisation commerciale peu structurée, facteurs à l’origine de risques potentiels d’introduction de la maladie au niveau de ces groupes

Rôle clé des canards en libre parcours

potentiellement asymptomatiques, dont les troupeaux sont concentrés autour de la Plaine centrale en lien avec l’intensité de l’activité rizicole (2 cycles culturaux ou plus)

Pratique de libre parcours identifiée comme facteur de risque majeur de la maladie (maintien et diffusion du virus)

Prise en compte spécifique de ces pratiques à haut risque dans l’analyse, étude du rôle joué par ce groupe cible dans l’émergence vs. la diffusion

Recommandations internationales en matière de prévention de la maladie préconisent une mise en quarantaine de 3 semaines pour les oiseaux nouvellement introduits dans un élevage (isolement sanitaire et interdiction de déplacement des animaux de mêmes durées en cas de foyer confirmé)

Donnée relative au délai de risque de diffusion exploitable dans le cadre de la discrimination spatio- temporelle de l’émergence

Stratégie de contrôle relativement longue à mettre en œuvre mais efficace, ce qu’atteste la nette diminution des déclarations de cas au cours du temps (1564 cas de juillet à décembre 2004, 182 cas en 2005, 3 cas en 2006, 4 cas en 2007, et 2 cas en 2008 au 1er février) :

Abattages préventifs

Contrôle et restrictions des mouvements de volailles

Ciblage de certains groupes et activités à

risques : interdiction des grands rassemblements de volailles, des combats de coqs, sécurisation des élevages à risque (confinement des volailles de basse-cour, pratique de libre parcours fortement encadrée en 2005 puis prohibée en 2006 – persistance relative malgré tout) Stratégie de surveillance et de contrôle adaptée au cours du temps

Données épidémiologiques relatives à la première vague épizootique peu fiables et non exploitables Intervention parallèle de lutte contre la maladie à prendre en considération dans l’interprétation des résultats, ayant un impact fort (et variable dans le temps) sur la limitation de la diffusion du virus par le biais d’activités humaines (commerce et élevage) Mesures de surveillance et de contrôle non homogènes au cours du temps, à l’origine de biais de sélection à prendre en compte