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5.2 Analyse des réarrangements plastiques locaux

5.2.2 Bandes de cisaillement

Nous avons mentionné l’existence dans le régime d’écoulement plastique d’événements par-ticuliers capables de provoquer de grandes fluctuations de contraintes comme il en apparaît sur la Fig. 5.2. De tels événements semblent provoquer un écoulement plastique hétérogène. Nous montrons sur la Fig. 5.7, que tel est le cas, ces événements étant constitués par l’alignement de réarrangements rotationnels le long de la direction de cisaillement extérieur imposé. Pour cette raison, ces événements constituent des bandes de cisaillements élémentaires, et ce sont celles-ci que nous allons nous attacher à étudier dans cette partie.

Il est facile d’identifier le centre d’une telle bande de cisaillement comme représentée sur la Fig. 5.7, la raison en étant que les déplacements des particules sont tellement élevés, qu’ils

produisent une inversion des champs de vitesse2 au-dessus et en-dessous de la bande de

ci-saillement, comme montré sur la Fig. 5.8. Sur cette figure, la vitesse associée au champ de

1Une telle étude devrait être effectuée sur chaque quadripole observé afin d’accroître la statistique. Nous pour-rions envisager pour chaque quadripole, d’isoler la partie radiale du tenseur de cisaillement δσxy(r, θ), afin de tester la dite décroissance quadratique. Néanmoins, pour réellement tester les modèles de Picard et al. [246] et Baret et al.[242], il nous faudrait entre autres estimer les distributions des seuils locaux de plasticité, en contrainte et en déformation.

2À proprement parler, nous ne pouvons parler de vitesse dans un protocole de déformation quasistatique. Le terme “vitesse” que nous utilisons ici, et d’ailleurs par la suite, se référera aux déplacements des particules au cours de n = 1 pas d’incrémentation du protocole quasistatique.

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FIG. 5.7 – Champ de

déplace-ment associé à une bande de ci-saillement élémentaire. La for-mation d’une telle bande de cisaillement réside dans l’ac-cumulation de plusieurs événe-ments tourbillonnaires localisés, qui s’alignent soudainement le long de la direction de cisaille-ment. Lors de la formation d’une telle bande, le système “rattra-pe” son retard de déformation de cisaillement en relachant la contrainte, ce qui lui permet d’at-teindre un nouvel état à contrainte moins élevée.

déplacement non-affine est moyennée sur des couches centrées en y et d’épaisseur 4σ. L’évé-nement concerné par la création de cette bande de cisaillement élémentaire est un évéL’évé-nement de grande amplitude. La position de la bande de cisaillement (du moins son centre) est alors

définie comme la position y ≡ ybpour laquelle la vitesse du champ non-affine s’annule.

FIG. 5.8 – Vitesse hVxi(y)

asso-ciée au champ non-affine pour un seul événement de type bande de cisaillement de grande ampli-tude. La moyenne h·i est effec-tuée sur des couches centrées en y

d’épaisseur 4σ. La position y ≡ yb

pour laquelle de champ de dépla-cement non-affine s’annule défini le centre de la bande de cisaille-ment élécisaille-mentaire.

Lors de la création d’une telle bande de cisaillement élémentaire, le déplacement le plus grand ayant lieu dans l’échantillon peut alors atteindre jusqu’à 100 fois le déplacement imposé aux bords, i.e. proche d’un diamètre σ de particule dans nos simulations. Il est alors intéressant de noter que la distribution des contraintes de cisaillement globales, pour laquelle un tel événement apparaît, ne dépend pas de l’amplitude de l’événement, comme montré sur la Fig. 5.9. Sur cette

figure, les histogrammes N(σpl

xy) des seuils de contrainte globale σxypl, juste avant qu’un

évé-nement plastique apparaisse, sont tracés pour différents types d’évéévé-nements. Ceux-ci différent

suivant la valeur maximale de la vitesse du champ non-affine Vmax, et sont classés par

catégo-ries sur cette figure. Nous voyons très clairement que ces distributions sont indépendantes de la catégorie concernée.

FIG. 5.9 – Distributions des

seuils de contraintes de cisaille-ment globales juste avant qu’un événement plastique apparaisse. Ces distributions ne dépendent pas de l’amplitude maximale du champ de vitesse de cisaillement

Vmax des événements, à l’inverse

des distributions de sauts de contraintes de la Fig. 5.4. 0 0.1 0.2 0.3 0.4 σpl xy 10-1 100 101 N( σ pl xy ) V max > 0 V max > 1 V max > 2 Vmax > 5 Vmax > 10 Vmax > 20

En revanche, nous notons (non montré) que les événements les plus grands, qui possèdent par conséquent la plus grande vitesse de champ non-affine, constituent l’enveloppe de la partie bruitée de la courbe de contrainte-déformation (σ − ε).

En utilisant le critère développé sur la Fig. 5.8 pour déterminer la position d’une bande de ci-saillement, nous montrons sur la Fig. 5.10 que celles-ci peuvent apparaître dans tout le matériau, et pas uniquement vers les bords, comme nous l’avons relevé auparavant.

Dès lors, à partir des distributions spatio-temporelles des positions ybdes bandes élémentaires

de cisaillements, il est possible de construire une fonction de distribution N(∆yb) des distances

entre centres successifs des bandes de cisaillements, notées ∆yb. Une telle fonction est

repré-sentée sur la Fig. 5.11, et met en évidence une décroissance exponentielle avec une longueur caractéristique de l’ordre de ξ ≈ 30σ, longueur qui n’est pas sans rappeler la taille caractéris-tique des hétérogénéités élascaractéris-tiques dans les matériaux 2D étudiés dans le Chap. 3. Une telle longueur caractéristique est alors du même ordre que la largeur d’une bande de cisaillement. D’autre part, une étude par transformée de Fourier de l’évolution “temporelle” des positions

yb des bandes élémentaires de cisaillements tirées de la Fig. 5.10 montre un comportement en

1/ f caractéristique d’un signal triangulaire. Ceci se comprend comme le fait que les bandes de cisaillements se propagent statistiquement, d’abord dans une direction, disons vers le mur du

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FIG. 5.10 – Position des centres

yb des bandes de cisaillements

mesurés à partir du critère d’annulation de la vitesse du champ non-affine développé sur la Fig. 5.8, en fonction du pas d’incrémentation n du protocole quasistatique. Nous remarquons

qu’aucune localisation des

bandes élémentaires de cisaille-ment n’apparaît, y compris sur des systèmes déformés à près de 200% (non montré).

haut de la cellule de simulation, puis dans la direction du mur du bas, ce, avec le déroulement du “temps” n. Ce processus conduit alors au bout d’un certain temps (long) à l’émergence d’une grande zone de cisaillement au centre de l’échantillon.

Finalement, la distribution N(l∆yb) des distances l∆yb parcourues par le mur mobile supérieur

(l∆yb = ∆nyb.δux, avec δux≡ 10−2 et ∆nyb le nombre d’incréments séparant deux bandes de

ci-saillement) entre deux occurences successives de bandes de cisaillements élémentaires, montre une décroissance, là-aussi, exponentielle. Une telle distribution est présentée sur la Fig. 5.12

et montre une longueur caractéristique lc≈ 0.13σ, équivalente à un nombre caractéristique de

sollicitations égale à 13 dans nos simulations. Cette longueur ne semble pas être dépendante de la taille des systèmes étudiés.

0 20 40 60 80 100yb 10-3 10-2 10-1 N(y b ) ~ exp(-∆yb/ξ), ξ ~ 30σ

FIG. 5.11 – Distribution des

dis-tances ∆yb entre positions yb de

bandes de cisaillements succes-sives. L’ajustement exponentiel fait apparaître une longueur caractéristique de décroissance de l’ordre de 30σ, soit du même

ordre que ξ2D (cf. Chap. 3)

définissant la taille des structures tourbillonaires présentes dans le champ non-affine élastique, i.e. taille des hétérogénéités élastiques.

Il est possible de comprendre la valeur de la longueur lc dans nos simulations, en la divisant

par la taille ξ/2 des structures tourbillonaires. En supposant que l’ensemble du système est au

parcourue par le mur mobile supérieur entre deux événements successifs d’apparition de bandes de cisaillements, correspond à une déformation du système de l’ordre de 1% (soit

approxima-tivement de l’ordre du seuil d’élasticité ε(p)xy ≈ 1.5%) appliquée sur la bande de cisaillement

élémentaire.

FIG. 5.12 – Distribution des

dis-tances parcourues l∆yb par le mur

supérieur mobile, imposant la déformation quasitatique de ci-saillement, entre deux bandes de cisaillements élémentaires suc-cessives. La distribution est ex-ponentielle, avec une distance caractéristique parcourue par le

mur supérieur de l’ordre de lc

0.13σ, i.e. 13 incréments de de déformations imposés par le mur,

soit εxy= 0.065%. 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 ly b 10-2 10-1 100 101 N(l yb ) ~ exp(-ly b /lc) lc ~ 0.13σ

Dans cette section, nous avons donc effectué une étude détaillée de deux types d’événements plastiques identifiés dans nos systèmes sous cisaillement quasistatique. Nous avons tout d’abord montré l’existence d’événements localisés, auxquels sont associés des petits saut dans la courbe de contrainte-déformation, et qui apparaissent dans le régime linéaire de cette loi de comporte-ment tout comme dans le régime d’écoulecomporte-ment plastique. Les réarrangecomporte-ments mis en jeu dans ce type d’événements font intervenir un faible nombre de particules et une redistribution qua-dripolaire des contraintes incrémentales dans le matériau. Une étude statistique est en cours afin d’évaluer les distributions de distances entre de tels événements consécutifs, notamment pour essayer de comprendre si ceux-ci participent à l’élaboration du second type d’événements présents dans le régime d’écoulement plastique, à savoir, des bandes de cisaillements élémen-taires. Ces dernières stuctures n’apparaissant que dans le régime d’écoulement, sont en effet formées par l’alignement de réarrangements rotationnels le long de la sollicitation de cisaille-ment et sont responsables d’une grande quantité d’énergie dissipée, à l’inverse des événecisaille-ments quadripolaires suscités qui sont plus la conséquence de l’aspect dissipatif du champ non-affine. Une étude de corrélations spatio-temporelles aux temps courts, typiquement entre bandes de cisaillements successives, a alors montré que la distribution des distances entre ces bandes décroît exponentiellement sur une distance caractéristique du même ordre que la taille caracté-ristique des hétérogénéités élastiques, définissant la largeur typique des bandes de cisaillements. Dans ce qui suit, nous allons nous attacher à savoir s’il existe une quelconque trace des ces deux types d’événements plastiques dissipatifs dans le mouvement individuel d’une particule témoin.