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Chapitre III : Effet de la fluoration sur les propriétés physico-chimiques de la farine de bois

III. B.3. Propositions de mécanismes réactionnels

III.B.3.a. Sous-produits de réaction

Les liaisons chimiques modifiées par la fluoration directe ont été mises en évidence

au paragraphe précédent. Lors de la réaction entre le gaz F

2

et le bois, des sous-produits

sont également formés. Les atomes d’hydrogène détachés du bois vont ainsi se lier aux

atomes de fluor présents dans l’atmosphère gazeuse pour créer des molécules HF. La

suppression de groupes hydroxyles à la surface des constituants du bois laisse également

envisager un dégagement de vapeur d’eau au moment de la réaction, formant aussi HF sous

atmosphère fluorée. Enfin, la fluoration des cycles aromatiques de la lignine peut entrainer

une perfluoration. Une perte en atomes C avec création de gaz tétrafluorure de carbone

(CF

4

) et C

2

F

6

est aussi envisageable avec un excès de fluor en surface quel que soit le

Ces trois sous-produits potentiellement créés lors de la fluoration du bois se

présentent sous forme gazeuse à 150°C. Ils sont totalement évacués lors du post-traitement

sous atmosphère azote (paragraphe II.D.2.c).

III.B.3.b. Greffage sur la cellulose et les hémicelluloses

La cellulose et les hémicelluloses sont composés de monosaccharides possédant

des structures chimiques très proches (paragraphe I.A.1.b). La cellulose est constituée

uniquement de molécules D-glucose, alors que les hémicelluloses comportent également

des molécules D-mannose et D-xylose. Ces trois types de monosaccharides présentent des

groupes hydroxyle (–OH) et méthylol (–CH

2

OH) accessibles à la périphérie de leur chaine

principale. C’est sur ces groupes que va principalement agir la fluoration, en raison de leur

accessibilité et de la faible énergie des liaisons C-O, C-H et O-H (paragraphe III.B.2). Les

liaisons C-H des carbones 2, 3, 4 et 5 du glucose sont également modifiées. Par ailleurs,

une réaction non désirée peut conduire à la rupture de liaisons –C-O-C– dans les chaînes

moléculaires.

Le gaz F

2

peut réagir avec les groupements C-OH de la cellulose et des

hémicelluloses suivant deux mécanismes réactionnels (Figure III-15). Le premier suppose le

greffage d'un seul atome de fluor sur le bois, créant un groupe –CHF. La fluoration est alors

partielle et libère des radicaux OH

et F

. Cette réaction incomplète sera équilibrée avec les

autres mécanismes réactionnels. Le second mécanisme correspond à la perfluoration du

groupe –OH et considère le greffage de deux atomes de fluor, avec la création d'un

groupement –CF

2

. La réaction produit une molécule d'eau.

Figure III-15 Proposition de mécanismes réactionnels du greffage de fluor sur les groupes

hydroxyles de la cellulose et des hémicelluloses

Si la fluoration a lieu sur les groupes –CH

2

OH, trois mécanismes réactionnels

peuvent être envisagés, présentant trois degrés de fluoration différents avec le greffage d'un,

Effet de la fluoration sur les propriétés physico-chimiques de la farine de bois

deux ou trois atomes de fluor (Figure III-16). Dans le premier cas, la fluoration est partielle, et

la réaction libère des radicaux OH

et F

. Dans le deuxième cas, le degré de fluoration est

plus important, un groupe –CF

2

est créé et une molécule d’eau est produite. Le troisième cas

présente une réaction totale, avec perfluoration du bois traité, c'est-à-dire un remplacement

de tous les atomes d’hydrogène accessibles (ici 2) par des atomes de fluor. La réaction

nécessite alors deux molécules F

2

, et produit une molécule d’eau ainsi qu’une molécule de

fluorure d’hydrogène.

Figure III-16 Proposition de mécanismes réactionnels du greffage de fluor sur les groupes

méthylol de la cellulose et des hémicelluloses

La fluoration peut également agir sur les liaisons C-F suivant un mécanisme simple,

reposant sur le remplacement de l’atome d’hydrogène par un atome de fluor. La liaison C-H

est alors remplacée par une liaison C-F avec création d'une molécule HF (Figure III-17).

Cette réaction est comparable au mécanisme de fluoration directe de l’éthylène qui est fluoré

selon l’équation suivante : {CH

2

=CH

2

+ 2F

2

→ CF

2

=CF

2

+ 2H

2

}, ou de ses polymères {-CH

2

-CH

2

- + 4F

2

→–CF

2

-CF

2

- + 4HF}, (Kharitonov et al., 2005).

Figure III-17 Proposition de mécanisme réactionnel du greffage de fluor sur les liaisons C-H

de la cellulose et des hémicelluloses

La fluoration des groupements –OH et –CH

2

OH, ainsi que l'éventuelle rupture des

liaisons –C-O-C– dans les chaînes des polymères, peut conduire à l'apparition de radicaux à

base de carbone qui, une fois exposés à l'air, auront tendance à se recombiner pour former,

par exemple, des doubles liaisons C=O. Cela est en accord avec les observations faites lors

de l'analyse par spectroscopie infrarouge.

Tous ces mécanismes peuvent survenir lors de la fluoration du bois, en affectant

principalement les hémicelluloses et les zones amorphes de la cellulose, plus facilement

accessibles que les zones cristallines.

III.B.3.c. Greffage sur la lignine

Comme la cellulose et les hémicelluloses, la lignine possède des groupes hydroxyle

et méthylol qui peuvent être modifiés pendant la fluoration suivant les mécanismes décrits au

paragraphe précédent.

Une réaction supplémentaire peut également survenir sur les cycles aromatiques de

la lignine, cassant les doubles liaisons C=C pour greffer deux atomes de fluor. La réaction

libère un atome d’hydrogène par atome de carbone intervenant dans la réaction. Ce

mécanisme réactionnel est compatible avec le spectre infrarouge de la farine de bois fluorée

qui montre la diminution du nombre de liaisons C=C. Par ailleurs, une des bandes isotropes

observées lors de l’analyse RMN peut être attribuée à des liaisons C-F sur un C aromatique.

L’existence de telles liaisons mettrait en évidence une fluoration partielle des cycles

aromatiques de la lignine avec remplacement des atomes d’hydrogène par des atomes de

fluor sans rompre les liaisons C=C. Deux mécanismes réactionnels sont alors possibles pour

les cycles aromatiques de la lignine correspondant à une fluoration ou une perfluoration

(Figure III-18). Ce type de modification a été constaté par le passé lors de la fluoration

directe de polymères possédant un groupe phényle, comme le polystyrène (Kharitonov et

Moskvin, 1998) ou le poly(p-phénylène) (Dubois et al., 2005). Les groupements –OCH

3

peuvent aussi évoluer en –O-CFH

2

, –O-CF

2

H et –O-CF

3

, voire en une rupture de la liaison

C-O pour former C-F sur la chaîne polymère.

Effet de la fluoration sur les propriétés physico-chimiques de la farine de bois

Figure III-18 Proposition de mécanisme réactionnel de la fluoration sur les cycles

aromatiques de la lignine

Cette discussion montre la complexité des mécanismes de fluoration sur des

polymères comme la cellulose, les hémicelluloses et la lignine avec une multitude de sites

réactifs, d’activités différentes, qui peuvent évoluer en fonction du temps et de la quantité de

fluor apporté. La complexité est encore accrue pour la poudre de bois par la présence

simultanée de cellulose, d’hémicelluloses et de lignine de cristallinités différentes, celle-ci

jouant aussi sur la réactivité. Tous les mécanismes réactionnels probables décrits dans les

deux paragraphes précédents peuvent survenir lors de la fluoration directe de la farine de

bois. Les analyses réalisées par spectroscopie ne permettent pas de déterminer dans quelle

proportion ils interviennent. Des analyses par RMN du proton et du carbone 13, ou encore

par spectrométrie photoélectronique X, apporteraient des informations complémentaires sur

la nature des liaisons C-F créées et, par conséquent, la position des atomes F sur les

polymères du bois. Toutefois, ces types d’analyses n’ont pu être réalisés durant cette thèse

en raison du coût et du temps qu’ils requièrent au regard de la complexité du problème.