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b- Candidats vaccins à base d’antigènes saccharidiques

Dans le cadre d’une approche immunothérapeutique du cancer, les différents TACAs précédemment évoqués deviennent des cibles de choix puisqu’ils apparaissent comme des marqueurs tumoraux. L’élaboration de vaccins de type glycoconjugués devrait donc permettre l’induction d’une réponse immunitaire plus efficace puisque cela permettrait de mimer la surface des cellules cancéreuses. Du fait de la faible immunogénicité intrinsèque des TACAs, il convient de construire un vaccin optimisé. En effet, ils sont peu capables d’activer les cellules TH à eux seuls.

Depuis quelques années maintenant, plusieurs groupes de recherche travaillent sur l’élaboration de vaccins antitumoraux totalement synthétiques ou semi-synthétiques à base d’antigène saccharidiques. Les vaccins synthétiques présentent, en effet, plusieurs avantages. Ils ont, notamment, des structures chimiquement bien définies et des immunoadjuvants peuvent être associés directement aux structures, ce qui évite l’utilisation d’adjuvants externes.25 On peut les classer en différentes catégories : les vaccins monovalents qui ne présentent qu’un seul d’antigène saccharidique et les vaccins multivalents (ou polyvalents) qui présentent plusieurs types d’antigènes différents ou plusieurs copies d’un même antigène.

− Vaccins monovalents

On peut citer en exemple des vaccins de première génération élaborés par Danishefsky où le TACA, le Globo-H, a été conjugué à une protéine transporteuse de type KLH (Keyhole-Limpet Hemocyanin) par l’intermédiaire d’un espaceur approprié.32

Figure 8 – Vaccin glycoconjugué monovalent de type O-glycoside

L’évaluation immunologique de ce composé chez la souris a permis de mettre en évidence la production d’immunoglobulines IgG et IgM ; les anticorps produits se sont avérés réactifs vis-à-vis de cellules cancéreuses MCF-7 présentant à leur surface l’antigène Globo-H et ont été capables d’induire la lyse de ces cellules.

33 On peut également citer l’exemple d’un composé monovalent préparé par Cipolla et al. dans lequel l’épitope B, l’antigène Tn, est introduit sous forme de C-glycoside.33 Il a été montré que cette structure était présentée par les cellules dendritiques et reconnue par les cellules T spécifiques de l’épitope T (ici OVA).

Figure 9 – Vaccin glycoconjugué monovalent de type C-glycoside

D’autres groupes ont proposé des vaccins multiépitopiques et notamment le groupe de A. Delmas34 qui a synthétisé un vaccin présentant les monosaccharides Tn et TF. Testé chez la souris, ce composé a déclenché la production d’anticorps capables de reconnaître les MUC1 natives associées à la tumeur, sur une lignée de cellules de cancer du sein.

Figure 10 – Vaccin multiépitopique

− Vaccins multivalents mono- et multi-épitopiques

Dans la famille des mucines, les épitopes de type carbohydrate sont portés sur des résidus de sérine ou de thréonine adjacents organisés en « clusters » de deux à cinq épitopes. De plus, ces clusters semblent être des cibles privilégiées pour les anticorps monoclonaux. On peut donc envisager que mimer cet effet « cluster »35 dans des vaccins synthétiques pourrait améliorer leur immunogénicité. En effet, les interactions polyvalentes sont caractérisées par la liaison simultanée de ligands multiples d’une unique entité biologique (molécule, surface) avec des récepteurs multiples.36 Ces interactions présentent des caractéristiques particulières, inexistantes pour des interactions de type monovalent. Par exemple, des interactions polyvalentes peuvent être collectivement beaucoup plus fortes que l’ensemble des

34 interactions monovalentes correspondantes. Ce type d’interactions multivalentes est mis en jeu dans des phénomènes de liaison cellule-cellule ou cellule-molécule. La surface de la plupart des pathogènes invasifs, cellules tumorales comprises, est caractérisée par une répétition d’épitopes. La polyvalence entre alors en jeu afin d’augmenter les affinités de liaison à ces surfaces. Par exemple, les immunoglobulines sont des anticorps qui présentent plusieurs sites récepteurs équivalents. Ainsi, la liaison polyvalente de structures, telles que des antigènes ou d’autres ligands présents à la surface de bactéries, virus, parasites, cellules du non-Soi ou cellules du Soi altérées (cellules cancéreuses), semble être une caractéristique omniprésente de la reconnaissance immunitaire.

On a donc assisté à la naissance de vaccins totalement synthétiques de deuxième génération.

On peut prendre comme exemple le vaccin élaboré par Danishefsky où le cluster Tn(c) est lié à la protéine KLH déjà évoquée,37 via un espaceur. L’évaluation immunologique de ce vaccin a montré chez la souris la production d’un taux élevé d’IgM et un taux modéré d’IgG. Des études complémentaires ont permis d’amener ce composé en phase II de tests cliniques chez l’homme.21

Figure 11 – Cluster monoantigénique sur une base de squelette peptidique

On peut aussi citer l’utilisation par Dumy d’une structure de type RAFT (Regioselectively Addressable Functionalized Template) comme structure pour la présentation de quatre copies d’antigène Tn.38 Le glyco-lipopeptide est constitué d’un squelette peptidique cyclique porteur des quatre épitopes Tn. L’ensemble est couplé à un épitope hybride résultant de la combinaison d’un épitope des cellules T CD8+ (OVA, issu de l’albumine) et d’un épitope universel des cellules TH CD4+ (PADRE). L’édifice est alors conjugué à un lipopeptide (Pam3-Cys). Inoculée chez la souris, cette structure a induit la production d’IgG et IgM spécifique du RAFT, ainsi que des cellules T CD8+ et T CD4+,

35 respectivement spécifiques des épitopes OVA et PADRE. Le traitement de souris porteuses de tumeurs par ce candidat vaccin a permis de réduire la masse tumorale.

Figure 12 – Cluster monoantigénique de type RAFT peptidique

On trouve également, dans la littérature, des vaccins multi-antigénique (MAG) de type dendrimérique comme le MAG:Tn3-PV développé par C. Leclerc et coll.39 Testé sur des lignées cellulaires humaines et animales, ce vaccin a généré une production d’anticorps reconnaissant les cellules tumorales exprimant l’épitope Tn.

36 De manière plus ponctuelle, on trouve également des exemples de candidats vaccins dont le squelette porteur des antigènes n’est pas de nature peptidique. Il s’agit dans l’exemple suivant d’un « scaffold » de type calix[4]arène qui présente quatre copies du saccharide Tn.40 L’édifice obtenu est couplé au lipopeptide Pam3-Cys. L’immunogénicité de cette structure a été testée in vivo chez la souris et il a été montré qu’elle stimulait la production d’IgG anti-Tn.

Figure 14 – Cluster monoantigénique de type calix[4]arène

La littérature rapporte également des exemples de vaccins anticancéreux présentant des antigènes de différentes natures sous forme de cluster. A nouveau, on peut citer le groupe de Danishefsky qui a évalué le potentiel immunogène de la structure suivante (Figure 15), présentant les antigènes Globo-H, Lewisy et Tn.41 Une production élevée d’IgG et d’IgM a été détectée dans le sérum de souris immunisées avec ce vaccin multiépitopique.

37 Figure 15 – Cluster multivalent multiépitopique

La liste des vaccins présentés ci-dessus est loin d’être exhaustive mais permet d’apprécier la diversité des vaccins anticancéreux synthétiques existants à ce jour, dont certains sont en phase d’essais cliniques avancés. La plupart du temps, ces vaccins glycoconjugués sont basés sur des chaînes α-peptidiques. Peu d’exemples sont rapportés dans la littérature de vaccins glycoconjugués anticancer à base de β-peptides.

Au-delà de leur utilisation comme structure de base pour d’éventuels vaccins anticancer, les β-peptides présentent une forte tendance à adopter des structurations secondaires. Nous allons donc nous intéresser à cette catégorie d’oligomères issus de β-aminoacides.

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II- Les β-peptides

1- Généralités