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4. PROCESSUS D’ANALYSE QUALITATIVE

4.3 Avantages et limites des choix méthodologiques

En guise de synthèse de ce chapitre consacré à la méthodologie de recherche, il m’apparaît nécessaire, avant même d’en présenter les limites, de souligner les avantages des choix méthodologiques propres à mon enquête de terrain. J’emploie ici le mot avantage dans le sens d’une contribution à la validité de ma recherche. Il s’agit d’une étude de cas valide parce que fondée sur une logique de terrain dont la production de données a fait appel à une combinaison de méthodes permettant d’observer non seulement le vécu social des enseignantes de danse (au moyen de l’entretien biographique), mais aussi leur vécu d’action didactique (au moyen de l’entretien d’explicitation et de l’observation des pratiques en classe). L’analyse de documents locaux, c’est-à-dire de traces et d’outils didactiques élaborés par les enseignantes elles-mêmes. La combinaison de ces méthodes de production de données m’a permis de relancer les participantes à la recherche après l’enquête en milieu scolaire, dans le but de compléter, voire d’enrichir en cours d’analyse le corpus des données issues en particulier des entretiens biographiques.

La validité de ma recherche réside également dans la qualité de l’attention donnée à chacun des cas, en particulier lors des entretiens d’explicitation, ainsi que dans les échanges immédiats qui ont suivi les entretiens. Ils ont contribué à hausser le niveau de conscience des enseignants au regard de leurs schèmes d’action didactique et des dispositifs qu’ils mettent en place pour faire apprendre les élèves sur les plans artistique, esthétique et culturel.

Les limites des choix méthodologiques que j’ai dû faire en cours d’enquête concernent quant à elles la généralisation des résultats. Dans les recherches s’inscrivant dans une épistémologie post-positiviste (à visée prescriptive ou

probabiliste), le critère de généralisabilité des résultats est une opération scientifique importante qui consiste « à étendre les résultats obtenus d’un échantillon à la population dont il provient ou à d’autres contextes ». (Fortin, 2010, p. 543) Autrement dit, les « résultats obtenus ne présentent de véritable intérêt que s’ils peuvent être étendus à d’autres groupes que ceux qui ont été étudiés ». (Ibid.) En revanche, les recherches s’inscrivant dans une épistémologie qualitative (à visée heuristique), où l’élaboration de la théorie est fondée empiriquement, sont plutôt soumises au principe de généralisation empirique. Dans la tradition de la théorie ancrée, Glaser et Strauss (1967/2010) précisent que :

La production de théorie englobe aussi cette idée de généralisation empirique, car les généralisations aident non seulement à fixer les limites de la pertinence d’une théorie ancrée mais, plus important encore, elles permettent de l’élargir pour étendre son champ d’application et son pouvoir explicatif et prédictif. En comparant les similitudes et les différences entre les faits, nous dégageons les propriétés des catégories [phénomènes], ce qui accroît alors leur généralité et leurs capacités explicatives. (p. 113)

Dans le cadre de ma thèse, le sens des généralisations empiriques s’est construit au fur et à mesure de l’analyse des corpus de données d’entretien et d’observation produits pour chacune des cinq enseignantes ayant participé à mon projet. L’analyse de ces corpus de données de sources variées a contribué à l’émergence de catégories didactiques nouvelles en matière de planification des apprentissages et de régulation des enseignements, permettant ainsi une « consolidation » des propriétés des catégories en tant que phénomènes de transposition didactique.

Dans la perspective de l’enquête de terrain qualitative, Céfaï (2012) fait remarquer que

On ne peut donc généraliser qu’en observant et en décrivant, pas à pas, des situations sur le terrain : la récurrence (ou la non-récurrence) de

certains traits, de certaines difficultés et de certains dilemmes permet d’apercevoir des profils typiques des interactions dans le cours de leur temporalisation et de comprendre en quoi elles ont un aspect singulier pour leurs participants. C’est là que se fait le travail le plus élémentaire de la généralisation. (p. 9)

Avec cette recherche, je ne prétends pas que les pratiques de transposition didactique que je m’apprête à décrire dans les prochains chapitres sont représentatives de l’ensemble des pratiques d’enseignement de la danse qui ont cours en milieu scolaire québécois. Si j’admets qu’elles ne sont pas nécessairement « transférables » à toute la communauté des enseignants de danse, je puis toutefois souligner la rigueur à laquelle je me suis astreinte dans le processus d’analyse des données qualitatives, contribuant ainsi à leur validité scientifique dans le champ des didactiques des disciplines.

À l’issue de l’analyse des données d’entretien (biographique et d’explicitation) et d’observation produites en milieu scolaire, je souhaite renouveler, dans le même esprit de découverte défendu par Glaser et Strauss, la théorie existante de la transposition didactique, laquelle peut, dans le cas présent, être réactualisée dans sa dimension empirique.

En somme, si Chevallard a contribué, au début des années 1990, à développer un modèle théorique de la transposition didactique dans le champ des mathématiques, ma thèse reprend à son compte cette possibilité de théorisation ancrée dans un terrain de pratiques éducatives et artistiques particulier, soit celui de l’enseignement de la danse au primaire à l’école québécoise. Ce terrain comporte des convergences et des divergences avec certains pays occidentaux où la danse est intégrée au curriculum scolaire. Bien que la langue d’usage soit la même au Québec qu’en France, l’enseignement de cette discipline relève là-bas de la bonne volonté des enseignants d’éducation physique et sportive. Dans les pays anglo-saxons comme le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, on observe des conditions

d’enseignement de la danse similaires à celles du Québec, sans que les enseignants soient tous des spécialistes de cette discipline. Le modèle québécois est en quelque sorte unique en son genre et propose des phénomènes transpositifs qui sont sans doute tout aussi distincts.

5. RETOMBÉES DE LA THÈSE AU REGARD DE L’INTERRELATION ENTRE LA RECHERCHE, LA FORMATION ET LA PRATIQUE

Dans une perspective d’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique, les retombées de cette thèse sur les pratiques de transposition didactique sont les suivantes :

Sur le plan de la recherche, ce projet permet l’accroissement du degré d’expertise dans le champ de la didactique des disciplines artistiques, plus particulièrement de la danse. Considérant que ce champ a connu certain un ralentissement surtout au début des années 2000. Cette thèse qualitative, avec celle de Duval (2011), contribuent à réactualiser la compréhension des pratiques didactiques et des postures identitaires de la centaine d’enseignants de danse milieu scolaire québécois;

Sur le plan de la formation, les résultats de cette thèse portant sur l’analyse phénoménologique des pratiques effectives de transposition didactique contribuent à recadrer les visées de la formation initiale en enseignement de la danse en milieu scolaire : formation exclusivement offerte à l’UQAM et pour laquelle une refonte de programme est prévisible à moyen terme;

Toujours sur le plan de la formation, cette étude permet d’enrichir les stratégies et les outils contribuant au développement des compétences professionnelles (disciplinaire, didactique, pédagogique et éthique) des futurs enseignants et de danse, d’autant plus que c’est ce à quoi je me consacre depuis plusieurs années; Enfin, sur le plan de la pratique, cette étude contribue à rétablir une meilleure

praticienne en milieu scolaire, considérant que les chercheurs en didactique de la danse sont rares au Québec et que les enseignants sur le terrain ont véritablement besoin d’un meilleur soutien dans leur formation continue, assumée en partie par l’AQEDÉ.

La figure 7 illustre la manière dont l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique s’articule dans ma thèse, telle le roulement d’engrenages appelés à tourner à la même vitesse. S’il y a un ralentissement de la vitesse de rotation d’un des engrenages, comme cela s’est produit dans le champ de la recherche québécoise en didactique de la danse au début des années 2000, les deux autres engrenages de la formation et de la pratique sont condamnés, eux aussi, à ralentir. Cette recherche visant à réactualiser la compréhension des pratiques effectives de transposition didactique dans l’enseignement de la danse contribue en quelque sorte à redynamiser ces trois dimensions interdépendantes de la recherche en éducation.

Figure 7 : Retombées de la thèse au regard de l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique

Le prochain chapitre est consacré à la présentation des portraits des cinq enseignantes ayant participé à l’enquête de terrain. Ces portraits mettent en lumière leur rapport respectif à la danse comme forme d’art et discipline scolaire ainsi que leur rapport à la planification des apprentissages à la lumière du programme de danse au primaire (Gouvernement du Québec, 2001a). La mise en évidence de ces rapports disciplinaires et didactiques contribue en quelque sorte à éclairer la théorisation des pratiques effectives de transposition didactique qui, elle, sera présentée au chapitre 5.

QUATRIÈME CHAPITRE

PORTRAITS BIOGRAPHIQUES DES ENSEIGNANTES DE L’ENQUÊTE Le présent chapitre est consacré à la présentation des résultats issus de l’analyse des pratiques de transposition didactique telles que décrites par les cinq participantes à la recherche lors d’un entretien biographique mené individuellement en prévision de l’observation de leurs pratiques d’enseignement en classe de danse. Des sources écrites, dont des productions didactiques fournies par les enseignantes (notes de planification, outils conçus pour les élèves, etc.), enrichissent également les résultats exposés dans ce chapitre.

La structure du chapitre s’appuie sur les objectifs de la recherche, dont l’objectif global consiste à analyser de plus près le parcours des savoirs prescrits dans le programme de danse vers leur état de « savoirs enseignés » en classe, soit le processus de transposition didactique interne que Chevallard et Johsua (1991) ont déjà contribué à identifier dans le champ de la didactique des mathématiques. L’atteinte de cet objectif global passe d’abord par la possibilité, donnée aux participantes de l’enquête, de raconter le parcours singulier qui a conduit chacune d’elles vers l’enseignement de la danse en milieu scolaire. Ainsi, l’analyse de ces données biographiques permet de mieux saisir les rapports qu’elles entretiennent avec la danse, à la fois comme forme d’art et discipline scolaire, mais également avec la planification de situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ) au regard du programme de danse prescrit (Gouvernement du Québec, 2001a).

Dans cette perspective, les cinq premières sections du présent chapitre dressent le portrait biographique de chaque enseignante ayant participé à l’enquête. En guise de conclusion du chapitre, la sixième section présente une synthèse permettant de croiser leurs rapports particuliers à la danse et à la planification des apprentissages.