• Aucun résultat trouvé

Audition de participants à l’InterFaith Tour et de membres de l’association Coexister

M. Samuel Grzybowki, Président de Coexister et membre de l’InterFaith Tour :

« Je voudrais vous dire un grand merci pour votre accueil.

Nous intervenons ici en tant que membre de l’association Coexister, le mouvement interreligieux et interconvictionnel des jeunes, et particulièrement en tant que participant au projet InterFaith Tour de cette même association.

Sachez tout d’abord qu’au sein de l’association « Coexister », personne n’est qualifié par son étiquette religieuse, mais nous avons pris l’habitude dans notre InterFaith Tour de la donner lorsque nous nous présentons, puisqu’une de nos particularités est justement de représenter toutes les principales religions, l’agnosticisme et l’athéisme. Nous avons un millier de membres adhérents entre 15 et 35ans dans toute la France, de toutes croyances et convictions.

Sachez ensuite que nous ne voyons pas le dialogue ou l’interreligieux comme une finalité. Pour nous, l’interreligieux est avant tout un outil, un levier au service du vivre ensemble.

Outre nos actions dans toute la France, nous nous sommes alliés à Sparknews il y a deux ans pour monter le projet InterFaith Tour qui vise à envoyer tous les deux ans un groupe de jeunes de différentes convictions ou croyances à travers le monde, dans des pays aux contextes différents, et qui se trouvent confrontés à des problématiques différentes (la lutte contre la guerre, contre les tensions, etc.) pour étudier le fait interreligieux a travers le prisme mondial.

Nous étions membres de la première équipe qui était composée de 5 jeunes (juif, chrétien, musulman, athée et agnostique). De juillet 2013 à mai 2014, nous avons visité 50 pays et avons produit 250 interviews qui constituent la base de nos recherches. »

MmeAissata Ba, membre de Coexister :

« Créé en 2009 suite à l’opération Plomb durci à Gaza, Coexister, le mouvement interreligieux des jeunes, est une association loi 1901 a-partisane et a-confessionnelle reconnue d’intérêt général, qui par le biais du dialogue, la solidarité et la sensibilisation promeut la coexistence active au service du vivre-ensemble et de la cohésion sociale. Elle rassemble des croyants et des non croyants : juifs, chrétiens, musulmans, athées, agnostiques, etc ensemble.

La coexistence Active est un modèle interactif dans lequel le vivre-ensemble dépend des différences.

La cohésion sociale est donc créée non plus « malgré » mais « grâce » aux différences. Elles sont synergiques et favorisent la compréhension de l’autre et la compréhension de soi. On parlerait ici d’une interaction entre l’identité et l’altérité, comme s’il s’agissait d’un dosage équilibré à réaliser. Si je m’ouvre à l’autre je dois me connaître moi-même. Si je veux me connaître moi-même je dois m’ouvrir à l’autre. Une sorte de boomerang entre « moi » et « lui ».

193

-Partant du constat de la nécessité d’apprendre à nous connaître, pour vivre ensemble, nous avons décidé d’articuler nos actions autour de 5 pôles :

Le dialogue

Le pôle dialogue est pour nous le premier pas de la coexistence. Il vise à une meilleure connaissance de soi et des autres. On peut y organiser une visite de lieux de cultes, un débat, une conférence, un repas partagé un soir de fête, une exposition ou une séance de cinéma. Tout est bon pour trouver un prétexte à la découverte de ce qui fait que l’autre est différent de moi.Il ne s’agit pas d’un dialogue qui consisterait en un échange sur les différentes croyances, il s’agit pour nous d’aller au-delà. Nous ne connaissons pas les religions de tous les membres de l’association d’ailleurs.

La solidarité

Le pôle solidarité se met en action dès qu’on a passé l’étape du dialogue. Il vise à offrir des expériences de solidarité à des jeunes qui ne partagent pas la même identité ou la même conviction.

Lorsqu’ils disent « je suis » ou « je crois » ils sont d’accord pour ne pas être d’accord. Mais lorsqu’ils disent « je fais » ils le font ensemble au profit de l’intérêt général. Auprès des personnes âgées, des sans-abris ou des orphelins, par le biais du don du sang, de la collecte de vêtements ou de jouets, le pôle solidarité recentre les individus vers un objectif commun, tout différents qu’ils soient.

L’initiative qui l’illustre le mieux est l’opération « Ensemble à Sang% » qui a lieu tous les ans et qui consiste en un don du sang regroupant des personnes de toutes les confessions, devenu le FAT (Festiv’All Together). Mais il y a aussi des actions avec la « mie de pain » qui est une association visant à répondre aux besoins de personnes en danger du fait de la précarité ou de l’exclusion. Etc. ».

M. Victor Grezes, membre de l’InterFaith Tour et de Coexister :

« Notre devise est : « Diversité dans la foi, unité dans l’action ». Dès les premiers « Ensemble à sang% » il y avait des scouts musulmans mais aussi juifs par exemple. L’unité était remarquable. En tant qu’Athée, je me retrouve particulièrement dans cette démarche qui va bien au-delà de la religion ».

MmeAissata Ba, membre de Coexister :

La sensibilisation

« Enfin, le pôle sensibilisation est l’aboutissement de notre démarche. Il propose des ateliers pour

« rendre sensible » les jeunes à l’importance du vivre-ensemble et de la coexistence active à travers des outils de lutte contre les préjugés. En offrant sous forme de prestation normalisée de rencontrer collégiens, lycéens, étudiants ou entrepreneurs, les jeunes de Coexister peuvent témoigner de leur expérience au sein d’un groupe et porter haut le message de la coexistence active au service du vivre-ensemble. Par le biais d’outils pédagogiques très précis, ils peuvent par la même occasion aider au décryptage du principe de liberté de conscience et de religions, à l’apprentissage de la laïcité à la déconstruction des clichés pour motifs religieux. Tout le monde peut inviter Coexister à venir faire une conférence ou une sensibilisation (et ce obligatoirement via le responsable national de la sensibilisation). Nous avons été sollicités par des établissements scolaires privés, mais aussi par des entreprises comme EDF qui souhaitent être sensibilisées sur ces questions pour prévenir les risques d’atteintes à la cohésion sociale. De plus, nous essayons d’avoir un véritable impact sur les jeunes, notamment par le biais des réseaux sociaux.

La formation

Conscients que l’action d’un mouvement comme Coexister nécessite des connaissances solides sur le fait religieux et le management interculturel, nous avons instauré un plan de formation visant à répondre à la double nécessité de développer une culture commune chez ses membres et de leur permettre l’acquisition des compétences nécessaires à la mission spécifique qui leur est confiée.

Ainsi nous proposons des formations sur les religions représentées en France, sur la laïcité, sur des savoir-être complets sur la posture du dialogue interconvictionnel et interreligieux et des savoir-faire concrets sur la mise en œuvre de projets organisés par des moins de 35 ans et, enfin, sur les outils de l’interculturel.

La Vie-Commune

Nos propositions de vie commune représentent l’aboutissement de notre démarche et donnent la possibilité aux jeunes qui le souhaitent de partager réellement une partie plus ou moins longue de leur vie avec des personnes aux convictions différentes : pour quelques semaines avec les voyages d’étude et les camps d’été, ou pour quelques mois avec les colocations et le projet InterFaith Tour.

Je vais laisser la parole à Victor Grezes pour vous détailler le projet InterFaith Tour. » Victor Grezes, membre de l’InterFaith Tour et de Coexister :

« Nous avions déjà organisé auparavant des séjours d’une à deux semaines dans des lieux symboliques.

Mais nous avons décidé il y a deux ans de monter ce projet de tour du monde, pour aller encore plus loin.

Ainsi nous souhaitons que tous les deux ans 5 jeunes partent, un chrétien, un musulman, un juif, un agnostique et un athée, expérimenter le vivre-ensemble et représenter la diversité française pendant 10 mois partout à travers le monde.

Il fallait apporter une dimension humaine, et en même temps scientifique à ce voyage : nous avons donc rencontrés 435 personnes ou groupes qui se disent engager dans l’interreligieux et avons produit 250 interviews filmées.

Nous considérons que notre projet est profondément laïque et républicain et, pour nous, l’interreligieux (qui n’est pas un dialogue théologique) est un outil à la fois de cohésion sociale et de vivre ensemble.

Il y a 5 types d’acteurs que nous avons essayé de rencontrer :

Les grands leaders religieux : le Pape François, le Grand Imam d’Al Azhar, le Patriarche Maronite, le Pape Copte, le Grand Rabbin de Jérusalem, etc.

Les organisations locales engagées dans l’interreligieux.

La société civile.

Des jeunes, notamment dans des établissements scolaires.

Des diplomates, car nous avons été reçus par l’ensemble des postes diplomatiques grâce à notre partenariat avec le MAEDI.

195

-Après 10 mois autour du monde, nous avons souhaité faire un Tour de France de 2 mois pour sensibiliser la population française par le biais de plus de 90 conférences. Nous commençons seulement notre Tour de France mais nous voyons déjà que cela peut avoir un impact sur les jeunes.

Le message que nous essayons de faire passer c’est « vous pouvez choisir les modalités du monde dans lequel vous voulez vivre ». Nous voulons aussi faire tomber les a priori et les clichés.

Par exemple, nous avons rencontré une jeune fille de 3ème il y a quelques jours qui nous a dit à la fin de notre intervention : « Moi avant j’avais peur des musulmans et maintenant je réalise que ce sont des hommes comme les autres ». Nous réalisons que la sensibilisation par les pairs est un grand atout.

Concernant la laïcité :

Nous avons remarqué qu’il y a une forte méconnaissance de la laïcité à travers le monde, 90% des personnes que nous avons rencontrées pensaient que le voile étaient interdit dans la rue (ainsi que la kippa) en France et pensaient que les communautés religieuses devaient y évoluer de façon souterraine.

Nous nous sommes donc fait malgré nous les ambassadeurs du modèle français et nous avons décrit de quelle façon nous vivions en France. Notre objectif n’était cependant pas de promouvoir spécifiquement le modèle français, mais plutôt de comprendre la diversités des modèles existants et les apports que peuvent nous fournir les autres systèmes.

De plus, la France est considérée comme le pays de l’islamophobie. Beaucoup de pays et de personnes que nous avons rencontrées pensent que la France est le pays de l’islamophobie internationale, il nous a donc là aussi fallu réexpliquer la situation française.

Nous sommes donc partis pour aller à la rencontre d’initiatives et nous nous sommes retrouvés des ambassadeurs informels de la laïcité, leur rappelant que ce n’était pas un principe d’interdits mais au contraire une garantie de liberté.

Aussi, nous devons souligner le fait que nous avons été très bien reçus par les ambassades françaises lors de chacune de nos étapes, qui étaient très intéressées par ces questions et ont pris du temps pour nous accompagner dans nos démarches si besoin. »

Samuel Grzybowki, Président de Coexister et membre de l’InterFaith Tour :

« Ce que nous souhaitons c’est déconfessionnaliser l’interreligieux. En France, depuis 70 ans lorsqu’on évoque l’interreligieux, c’est avec une véritable portée confessionnelle. Cela signifie donc que des membres de religions différentes se réunissent pour parler de leur foi, ils cherchent des points communs, explicitent les différences, etc.

Nous nous sommes rendus compte que dans le reste du monde, l’interreligieux est utilisé comme levier pour construire quelque chose d’autre, la cohésion sociale, le vivre-ensemble.

Exemple d’initiatives interreligieuses : au Kenya des femmes de différentes confessions, chrétiennes, musulmanes et animistes qui sont veuves et doivent élever seules leurs enfants, échangent sur les bonnes pratiques en puisant dans leurs cultures et références religieuses, etc. Et cela, sans pour autant discuter des croyances des unes et des autres.

Nous nous sommes rendus compte qu’en France l’interculturel et le multiculturel n’a pas suffi pour le vivre-ensemble et nous estimons que l’interreligieux peut contribuer à une meilleure cohésion sociale.

Nous avons quelques exemples d’initiatives intéressantes, même s’il y en a qui ne sont pas du tout importables en France.

La principale initiative que nous retenons se pratique à Berlin : il s’agit de la « longue nuit des religions ».

C’est une initiative publique qui permet aux différents lieux de culte de la ville d’ouvrir leurs portes durant une nuit et qui permet d’aller à la rencontre de l’autre. C’est une initiative à mi-chemin entre la nuit blanche et les journées du patrimoine. La première année il y a eu entre 100 à 150 communautés qui y ont participé et cette année il y avait les 250 communautés. Cela commence avec un discours à la mairie en présence des représentants des communautés, puis ensuite chacune ouvre ses portes à tous. Cette initiative permet de casser les préjugés, et nous pensons qu’il serait possible d’organiser ce genre de chose en France.

Cette déconfessionnalisation de l’interreligieux nous a valu beaucoup de critiques car nous nous déclarons trop aconfessionnels pour les institutions religieuses. Les plus vives critiques viennent de membres de l’Église catholique.

À l’inverse, nous sommes par exemple très bien reçus par l’UOIF que certains considèrent comme une organisation extrémiste. On nous y remercie pour le message apaisant que nous portons.

Également, il y a des initiatives qui nous paraissent intéressantes au niveau municipal, comme la constitution d’un conseil extra-municipal dans une commune des Pays-Bas.

Même en France où nous avons eu connaissance du conseil extra-municipal de Beauvais qui est simplement consultatif, composé de personnes de tous les âges et ayant comme but le vivre-ensemble.

Autre exemple à Stockholm, où chrétiens et musulmans ont acheté un même terrain afin de construire deux lieux de culte ensemble. Ces lieux partageront une entrée commune, ce qui obligera positivement les différents croyants à se rencontrer.

Autre exemple, Buenos Aires, où il y a des initiatives interreligieuses municipales alors qu’il n’y a que 5% de minorités. Ils font des balades à vélo, organisent des événements communs, etc. afin de mettre un terme aux préjugés.

Dans de nombreux pays, nous avons constaté que le secours catholique, le secours musulman et le fond social juif unifié ne forment qu’une même entité et ne sont pas séparés par la croyance. Ainsi, il est quand même étrange que la France soit le seul pays au monde à avoir 5 mouvements de scoutismes liés aux différentes convictions religieuses. »

Victor Grezes, membre de l’InterFaith Tour et de Coexister :

« Je voudrais dire un dernier mot sur La Réunion : nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une différence d’interprétation et d’application de laïcité entre l’Île de la Réunion et la métropole. Il y a là bas un respect beaucoup plus élevé de la différence et ça nous a agréablement surpris et donné beaucoup d’espoir sur le vivre-ensemble en France métropolitaine. »

Outline

Documents relatifs