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LES ASSOCIATIONS D’ENTRAIDE DANS LE MAINTIEN DE L’ABSTINENCE

Dans le document 20 ème anniversaire (Page 90-93)

Modéré par Jacques ALIX * et le Dr Laurence LAUVIN **

Cet atelier réunissait une trentaine de personnes, dont plus d’un tiers était des membres des associations d’entraide. Le reste se répartissait entre soignants et travailleurs sociaux.

Cette représentation assez diversifiée des personnes ayant à faire avec l’alcoologie a permis un large ensemble de point de vue.

Le préambule a été de se poser plusieurs questions :

• Savoir comment l’abstinence permet de travailler ensemble dans la modernité de l’alcoologie y compris dans les rapprochements structurels avec l'addictologie ?

• L’abstinence peut apparaître comme un contenant cependant : Doit-on prescrire l’abstinence de façon systématique ?

Est-ce qu’il y aurait des indications particulières de l’abstinence ? Doit-il y avoir un changement dans les pratiques ?

Un début de réponse vient du célèbre Fouquet qui définissait l’alcoolisme comme une perte de la faculté de s’abstenir d’alcool. Déjà l’abstinence est posée comme étant le repère de la description de l’alcoolisme.

Cependant, nous pouvons nous demander si cette perte est définitive ?

Même si cette interrogation est plutôt celle des soignants dans la réflexion qu’ils posent sur leurs actions, nous avons pu essayer d’en mesurer la portée.

D’abord il est intéressant de rappeler qu’en alcoologie on ne guérit pas, c’est le malade qui se soigne lui-même. Le soignant accompagne donc une démarche qui part du malade lui-même.

Dans son parcours qui peut être fait de rechute, il est important de ne pas culpabiliser le patient. L'obligation d’abstinence représente un élément de confusion dans le cadre de la relation de soin dont il faut tenir compte.

* délégué à la Tutelle . APASE ; Rennes

**médecin alcoologue, Centre de Post-cure l’ESCALE ; Rennes

Il s’agit d’avoir une réponse la plus adaptée possible au patient. Liée à la difficulté du diagnostique de l’alcoolo-dépendance, la notion de dépendance psychique au-delà de la dépendance physique est une des difficultés essentielles du champ de l’alcoologie.

D’où la nécessité de prendre en charge ce qu’il y a autour du problème alcool.

La prise en compte des conditions dans lesquelles se trouve le sujet permet d’évaluer les possibilités réelles d’abstinence, pour répondre à la demande et ne pas créer une demande qui ne serait pas là.

Car l’alcool peut être le remède qui aide le sujet à vivre encore. Que met-on à sa place ? Par exemple il a été rapporté l’expérience de vécu de groupe avec des personnes qui n’arrivent pas à tenir l’abstinence, ce qui devient culpabilisant pour le sujet en échec.

L’idée essentielle est d’accompagner les personnes dans le but d’un mieux être et donc d’être plus dans la réduction des risques que dans une recherche d’abstinence impossible.

C’est la possibilité d’une modération qui est posé. Cette idée va à l’encontre de nombre de pratiques et de l’expérience des associations d’anciens buveurs. Et l’on peut légitimement se demander si cette proposition de la modération est un progrès ou une régression ?

Il est utile alors de ne pas oublier que :

Le fait de penser que ‘’je ne boirais plus jamais‘’ est anxiogène.

Le choix de la personne elle-même est une condition nécessaire à l’abstinence.

La dépendance met du temps à se construire donc cela met du temps de déconstruire l’espoir de la modération.

Le moment clé de la reconnaissance par le sujet lui-même de sa problématique :

‘’je ne peux pas boire’’. Cette acceptation de l’abstinence implique une abdication face au produit.. L’abstinence est précontrainte au choix de vivre ou de «crever ».

Cette forme de conversion est rappelée par les anciens buveurs dans la formule : L’abstinence est le choix d’un autre mode de vie. Dans cette construction de l’abstinence qui représente un effort colossal , la modération est vécue comme opposée au maintien de l’abstinence, c’est à dire à la victoire sur l’alcoolo-dépendance.

Cependant l’abstinence demande un réseau de compétences qui permet des compensations. Ceci pour aller vers une abstinence positive ou heureuse. Tant qu’elle est négative, il est difficile de la maintenir.

Ainsi d’autres ont présenté la consommation contrôlée comme étape possible vers l’abstinence, comme l’expérimentation nécessaire de l’échec de la modération pour se persuader de la nécessité de l’abstinence.

Plusieurs témoignages de la part d’anciens buveurs sont venus poser la nécessité de l’abstinence pour l’alcoolo-dépendant. La consommation contrôlée est alors vue comme un fantasme qui est de fait impossible pour l’alcoolo-dépendant. Et est vu comme un mensonge le fait qu’un soignant fasse miroiter au patient physiquement alcoolo-dépendant la perspective de la modération.

Pour permettre une réflexion en toute objectivité il apparaît alors la nécessité d’études longitudinales sur le devenir des patients psychologiquement et/ou physiquement dépendants ayant opté pour une consommation modérée.

En guise de conclusion nous pouvons prendre en considération certaines remarques et en tirer des perspectives.

Il a été rappelé que le contrat de soin des cures est l’abstinence, car ce sont des soins aux alcoolo-dépendants.

La pratique des soins en cure évolue par ailleurs du fait des transferts de dépendance notamment vers le cannabis. La présence de plus en plus fréquente d’une association à l’alcool du cannabis implique maintenant une prise en charge spécifique de ce produit.

De la même manière se pose le problème de la consommation de tabac dans les institutions. Bien qu’il n’y ait pas souvent de transfert de dépendance de l’alcool vers le tabac, il y a maintenant des sevrages tabagiques qui se font en cure.

D’un autre côté il est apparu des différences entre les soignants et les travailleurs sociaux, notamment dans la prise en charge avec des missions différentes de la même population.

Tous ont souligné la nécessité du remaillage entre eux.

Devant le constat du rôle fondateur de l’abstinence dans les mouvements d’anciens buveurs, il est légitime que la modération ne puisse y être envisagée.

Pourrait-on envisager la construction d’un nouveau réseau associatif pour les buveurs non alcoolo-dépendants mais consommateurs excessifs, ce réseau étant élaboré dans la logique d’une réduction des risques (on est alors plus dans la logique des interventions brèves mais éventuellement répétées) ?

Texte : Yoland DAVID, psychologue, Centre de Post-cure l’ESCALE –Rennes.

Dans le document 20 ème anniversaire (Page 90-93)