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1. Organisation biomécanique du mouvement humain

1.3.1. Rôles fonctionnels des APA

1.3.1.2. Assister la performance motrice

En plus de stabiliser la position du centre des masses dans la base posturale, les APA permettent d’accompagner le mouvement. Dès lors, la seconde fonction des APA contribue directement à la réalisation du mouvement volontaire et, in extenso, à la performance motrice. Bouisset et al. (2000) ont en effet démontré que, durant la tâche classique d’élévation du bras, la dynamique anticipatrice de certains segments corporels s’opposait à la perturbation posturale alors que celle d’autres segments allait dans le sens de cette perturbation. La fonction d’accompagnement de la performance motrice a aussi été retrouvée dans des tâches nécessitant un déplacement du corps dans son ensemble. C’est par exemple le cas des tâches de saisie manuelle d’objet au sol (Stapley et al. 1998 ; Stapley et al. 1999 ; Commissaris et al. 2001), de saut (Le Pellec et Maton 1999 ; Le Pellec et Maton 2002) ou d’initiation de la marche (Dietrich et al. 1994).

Par ailleurs, les APA permettent de créer les conditions dynamiques favorables à la propulsion du centre des masses dans la direction désirée. L’initiation de la marche est un modèle classiquement utilisé pour illustrer cette fonction. Elle est définie comme étant la phase transitoire comprise entre la position orthostatique et l’instant du posé du pied oscillant

sur le sol (Brenière et al. 1981 ; Brenière et al. 1987 ; Nissan et Whittle 1990). Le processus d’initiation de la marche se compose de deux phases : une phase posturale et une phase d’exécution. La phase posturale correspond aux APA. Elle a notamment été mise en évidence grâce à des mesures électromyographiques et biomécaniques, c’est-à-dire grâce aux forces de réaction au sol (Carlsöö 1966 ; Herman et al. 1973 ; Cook et Cozzens 1976 ; Mann et al. 1979 ; Brenière et al. 1987). Cette phase est comprise entre le début des phénomènes dynamiques et/ou électromyographiques et l’instant du décollement du talon. La phase d’exécution est quant à elle comprise entre l’instant du décollement du talon et l’instant du posé du pied oscillant au sol. Notons que le moment du posé du pied oscillant au sol correspond, à quelques dizaines de millisecondes près, au moment du pic de vitesse du centre des masses (Brenière et al. 1981 ; Brenière et al. 1987). Ce dernier est donc aussi utilisé pour déterminer la fin de la phase d’exécution lors de l’initiation de la marche.

Selon l’axe de progression du corps, c’est-à-dire l’axe antéro-postérieur, les APA ont pour rôle de générer les forces propulsives nécessaires à la progression du centre des masses vers l’avant (Brenière et al. 1987). Cette propulsion du centre des masses est conditionnée par la position relative du centre des pressions et du centre des masses. L’équation établie par Brenière et al. (1987) permet de synthétiser les conditions posturo-dynamiques nécessaires pour générer des forces propulsives. Cette équation, issue des lois de la mécanique est la suivante :

Kx’’M = W (xM - xP)

Où K est une constante intégrant les paramètres biomécaniques du sujet (moment d’inertie et masse) ; x’’M est l’accélération du centre des masses ; W est le poids du sujet ; xM est la projection au sol de la position du centre des masses et xP la position du centre des pressions.

Notons que les paramètres anthropométriques du sujet sous-tendus par la variable K se détaillent de la façon suivante :

K=

+ mh

où IG est le moment d’inertie du corps autour du centre des masses ; m est la masse du sujet et h est la hauteur du centre des masses.

La relation montre que l’accélération du centre des masses (x’’M) et le différentiel (xM - xP) ont le même signe. Or, du fait de son inertie, l’accélération du centre des masses ne peut produire immédiatement un déplacement significatif du centre des masses (Lepers et Brenière 1995). Le déplacement du centre des masses est donc généré par le déplacement du centre des pressions qui est un point sans masse. A l’instar des processus de régulation de l’équilibre lors du maintien de la position orthostatique précédemment énoncés (voir partie 1.1.3 relative au modèle du pendule inversé), l’initiation du mouvement est orchestrée par les positions relatives du centre des masses et du centre des pressions (xM - xP). Ainsi, un déplacement du centre des masses vers l’avant, est satisfait grâce au déplacement du centre des pressions vers l’arrière, c’est-à-dire vers les talons (Carlsöö 1966 ; Herman et al. 1973 ; Yamashita et Katoh 1976 ; Mann et al. 1979 ; Brenière et al. 1981 ; Jian et al. 1993).

La création d’un couple de déséquilibre (découplage entre le centre des pressions et le centre des masses), à partir d’une posture stable, est donc à l’origine de l’initiation du mouvement volontaire. En effet, de la rupture momentanée de l’équilibre en découlent des forces propulsives nécessaires à l’initiation d’un mouvement. Ainsi, lors de l’initiation de la marche, le recul du centre des pressions lors des APA génère une accélération du centre des masses vers l’avant. Lorsque cette accélération est suffisante elle initie alors le premier pas (Brenière et al. 1987 ; Jian et al. 1993 ; Winter 1995). Dès lors, la performance motrice du pas (par exemple, vitesse du centre des masses, longueur du pas) est conditionnée par les APA (Lepers et Brenière 1995). Brenière et al. (1987) ont ainsi démontré que plus le pas est rapide, plus la durée des APA est longue, et plus la durée de la phase d’exécution courte.

Ce processus d’initiation du mouvement intentionnel serait programmé par le système nerveux central (Brenière et al. 1987 ; Crenna et Frigo 1991 ; Brunt et al. 1999 ; Couillandre 2008). Les phénomènes dynamiques anticipateurs surviennent environ 300 à 500 millisecondes (selon la vitesse de progression du pas) avant le décollement du talon du pied oscillant. Le recul du centre des pressions vers le pied d’appui est régi par l’activité de deux groupes musculaires. Sur l’axe antéro-postérieur, l’inhibition bilatérale des muscles soléaires (muscles extenseurs de la cheville) suivie de l’activation bilatérale des muscles tibiaux antérieurs (muscles fléchisseurs de la cheville) permettent le recul du centre des pressions vers les talons (Carlsöö 1966 ; Cook et Cozzens 1976 ; Brenière et al. 1981 ; Crenna et Frigo 1991 ; Elble et al. 1994). Sur l’axe médio-latéral, le déplacement du centre des pressions vers

la jambe oscillante est principalement dû à l’activation des muscles abducteurs de la hanche de la jambe oscillante (Winter 1995 ; Elble et al. 1996). La flexion du genou de la jambe d’appui contribue aussi à ces modifications posturales (Mickelborough et al. 2004). Notons que la contribution des muscles gastrocnémiens de la jambe oscillante dans le déplacement du centre des pressions vers la jambe oscillante a été démontré lors d’une tâche d’élévation latérale de la jambe (Mouchnino et al. 1992 ; Mille et Mouchnino 1998). Le décollement du talon est initié par une brusque activation du soléaire de la jambe oscillante et marque la fin des APA et le début de la phase d’exécution. A partir de ce moment, l’activité du tibial antérieur de la jambe d’appui cesse et le pas est comparé à une chute balistique autour de la cheville (Lepers et Brenière 1995). L’activité du soléaire de la jambe d’appui aurait pour rôle de contrôler la chute du centre des masses sous l’effet des forces gravitaires. Par là même, cette activité permettrait d’ajuster la longueur du pas (Michel et Do 2002 ; Honeine et al. 2014).