MODELE D’ASSIMILATION DE DONNEES SYSTEME INITIALES CONDITIONS PREVISION REALITE MESURES OBSERVATIONS
Fig. 4.1 –Syst`eme d’assimilation de donn´ees.
veloppements n´ecessaires `a la mise en œuvre d’une plate-forme d’assimilation bas´ee sur
OPA en surface libre et le SEEK.
4.2 L’assimilation de donn´ees en g´en´eral
4.2.1 G´en´eralit´es
Les diff´erents probl`emes d’assimilation de donn´ees appartiennent `a la vaste cat´egorie
des probl`emes inverses. La th´ematique de base des probl`emes inverses est la
reconstruc-tion d’une ou plusieurs grandeurs `a partir d’un ensemble d’observations caract´erisant la ou
les grandeurs que l’on cherche `a reconstruire. Les m´ethodes d’assimilation de donn´ees se
distinguent des autres m´ethodes inverses par le fait qu’elles s’appliquent `a des syst`emes
dy-namiques. Les grandeurs que l’on cherche `a reconstruire sont gouvern´ees par des ´equations
d’´evolution.
L’assimilation de donn´ees regroupe l’ensemble des m´ethodes math´ematiques et
num´e-riques qui permettent de reconstituer, d’am´eliorer la connaissance de l’´etat du syst`eme
´etudi´e (pour nous l’oc´ean) en combinant de mani`ere optimale l’information math´ematique
contenue dans les ´equations du mod`ele et l’information physique provenant des donn´ees
(observations). Si les mod`eles num´eriques sont capables de reconstruire l’´etat du syst`eme
sur tout le domaine spatial et temporel ils n’en restent pas moins imparfaits. En
ef-fet, les mod`eles actuellement utilis´es en oc´eanographie comportent des simplifications
et des approximations (cf chapitre 3). Les observations de l’oc´ean, bien que de plus en
plus pr´ecises, restent entach´ees d’erreurs, imcompl`etes et ne couvrent pas tout le
do-maine spatio-temporel. Il est alors important, afin de tirer le meilleur parti de ces deux
sources d’informations ind´ependantes, de les combiner (cf figure 4.1) et ainsi d’am´eliorer
notre compr´ehension du syst`eme oc´ean mais aussi et d’affiner la capacit´e pr´edictive des
mod`eles num´eriques de circulation oc´eanique. De mani`ere simpliste on peut dire que les
observations vont guider le mod`ele sur une trajectoire r´ealiste, tandis que le mod`ele va
fournir une interpolation spatio-temporelle dynamique des observations. Historiquement,
les m´et´eorologues ont jou´e un rˆole de pr´ecurseurs en mati`ere d’assimilation de donn´ees
en dynamique des fluides g´eophysiques. Depuis une trentaine d’ann´ees, la plupart des
d´eveloppements m´ethodologiques ont ´et´e r´ealis´es en relation avec la m´et´eorologie.
L’exis-tence de mod`eles atmosph´eriques relativement fiables et d’observations suffisamment bien
´echantillonn´ees ayant jou´e un rˆole de catalyseur. Aujourd’hui, plusieurs m´ethodes ont ´et´e
d´evelopp´ees directement par les assimilateurs oc´eanographes comme le fitre SEEK (Pham
et al., 1998) ou le Kalman d’ensemble (Evensen, 2003).
Il existe diff´erentes m´ethodes d’assimilation de donn´ees. On les classe g´en´eralement
en deux groupes : les m´ethodes stochastiques de filtrage ou m´ethodes s´equentielles qui
reposent sur une approche statistique comme l’algorithme du filtre de Kalman et les
m´ethodes variationnelles qui reposent sur la th´eorie du contrˆole optimal. Dans un cadre
purement lin´eaire, les techniques s´equentielles et variationnelles sont ´equivalentes.
4.2.2 Les applications
En pratique, les principaux objectifs et potentialit´es de l’assimilation de donn´ees
oc´eanographiques sont :
• Analyse des mod`eles de circulation oc´eanique et am´elioration de la compr´ehension
du syst`eme oc´ean
Les observations, bien qu’imparfaites, sont une source d’information
indispen-sable (dans le sens o`u elles reproduisent fid`element la r´ealit´e de l’oc´ean) `a la
compr´ehension de la dynamique oc´eanique. L’assimilation pr´esente l’int´erˆet
ma-jeur de permettre de combiner de mani`ere optimale cette information avec les
autres informations disponibles sur le syst`eme, principalement : un mod`ele
dyna-mique (qui peut ˆetre d´ecrit par un ensemble d’´equations aux d´eriv´ees partielles
non lin´eaires), des statistiques relatives aux erreurs d’observation et aux erreurs
du mod`ele. Cel`a permet ainsi d’aller au del`a de la simple vision instantann´ee
fournie par les observations. Dans l’optique d’un syst`eme d’assimilation
perfor-mant, cela d´ebouche sur une vision quadridimensionnelle optimale de l’´etat de
l’oc´ean et une augmentation du r´ealisme des simulations et des processus simul´es.
La cons´equence directe ´etant une meilleure compr´ehension de la dynamique de
l’oc´ean et de sa variabilit´e.
• Estimation de param`etres d’un mod`ele physique
Comme nous l’avons expliqu´e dans le chapitre 3, les mod`eles num´eriques utilisent
de nombreuses param´etrisations pour repr´esenter les processus sous-maille, ou
non explicitement r´esolus. La mauvaise connaissance de ces processus coupl´ee
aux approximations consenties par les mod´elisateurs pour param´etrer ces
pro-cessus complexes font qu’il existe une grande incertitude sur les coefficients de
ces param´etrisations. L’assimilation de donn´ees permet d’´evaluer et d’optimiser
certains de ces param`etres afin de les r´eintroduire dans le mod`ele libre afin de
donner des simulations plus r´ealistes. L’estimation de param`etres par assimilation
de donn´ees a un impact grandissant sur la mod´elisation de l’oc´ean. Elle permet
non seulement d’´evaluer des param`etres du mod`ele lui mˆeme, mais aussi des
param`etres ext´erieurs au mod`ele pour peu que ces derniers soient suffisamment
bien corr´el´es avec les variables observ´ees. Dans les ´etudes interdisciplinaires par
exemple, un des probl`emes auxquels se confrontent les mod´elisateurs biologistes
est l’impossibilit´e de mesurer les taux in-situ (par exemple le taux de broutage,
ou le taux de mortalit´e). Avec l’estimation de param`etres par assimilation de
4.2. L’assimilation de donn´ees en g´en´eral 63
donn´ees, on peut utiliser des quantit´es que l’on sait mesurer, comme la
concen-tration de plancton par exemple et un mod`ele biog´eochimique pour estimer ces
taux. La “r´egionalisation” des param`etres peut ´egalement tirer un grand parti de
l’assimilation de donn´ees.
• Optimisation des r´eseaux d’observation
Un autre domaine dans lequel l’assimilation de donn´ees a un rˆole `a jouer est
l’optimisation des r´eseaux d’observation. Comme nous l’avons pr´esent´e,
l’obser-vation de l’oc´ean a fait un r´eel bond en avant avec les satellites et la t´el´ed´etection.
Il reste cependant encore beaucoup `a faire. L’am´elioration des r´eseaux
d’obser-vation de l’oc´ean, in-situ et satellites, repr´esente un coˆut humain et financier
consid´erable. L’assimilation peut servir `a les optimiser. Elle peut ´egalement servir
de banc d’essai pour les syst`emes d’observation `a venir. Le but est alors de
contri-buer `a la d´etermination des caract´eristiques optimales des observations du futur
syst`eme en vue de leur assimilation dans des mod`eles. Ces exp´eriences de
simula-tion de syst`eme d’observasimula-tion sont de plus en plus utilis´ees en oc´eanographie. Par
exemple, Verron et Holland (1989) ont ´etudi´e l’impact des donn´ees altim´etriques
satellitaires sur la reconstruction de la circulation oc´eanique, selon diff´erents
pa-ram`etres orbitaux ainsi que selon le niveau de bruit des observations. Le travail
de th`ese de Durand (2003) constitue un travail prospectif sur l’impact des
fu-tures donn´ees satellites de salinit´e de surface fournies par le satellite SMOS et
AQUARIUS. R´ecemment dans l’´equipe MEOM, Debost (2004) a travaill´e sur
l’´evaluation des performances de diff´erents types de constellations satellitaires
pour la reconstruction de la circulation oc´eanique `a meso-´echelle par assimilation
de donn´ees. Cette liste est loin d’ˆetre exhaustive.
• Les pr´evisions
Cette application peut ˆetre vue comme une finalit´e pour l’assimilation de donn´ees.
Elle n’en reste pas moins la plus d´elicate `a mettre en place. Le fait de pouvoir
r´ealiser des pr´evisions de l’´etat de l’oc´ean `a diff´erentes ´echelles de temps ouvre un
large spectre d’applications, tant au niveau de la gestion des ressources
halieu-tiques, que de la pr´evention de d´egradations environnementales, ou encore de la
pr´evention des risques naturels ainsi que la pr´evision climatique. L’´emergence, ces
derni`eres ann´ees, de l’oc´eanographie op´erationnelle a donn´e une toute autre
di-mension `a ce secteur d’application de l’assimilation de donn´ees. Le projet fran¸cais
MERCATOR
1en est un exemple significatif. Il est aujourd’hui possible d’obtenir
des pr´evisions de mani`ere op´erationnelle de l’´etat de l’oc´ean mondial `a 15 jours
(c’est `a dire que les donn´ees d’observations de l’oc´ean sont collect´ees et
assi-mil´ees de mani`ere syst´ematique dans un OGCM afin pr´evoir l’´evolution de l’´etat
de l’oc´ean comme cela est fait pour l’atmosph`ere en m´et´eorologie). Les pr´evisions
sont r´ealis´ees `a haute (1/4
◦), voir tr`es haute r´esolution (1/15
◦) pour l’Atlantique
Nord. Ces bulletins du “temps” de l’oc´ean sont en libre acc`es sur le site internet
de MERCATOR. La cr´eation de grands projets f´ed´erateurs internationaux tel que
GODAE
2(Global Ocean Data Assimilation Experiment), qui a d´ebut´e en 2003,
ou encore MERSEA
3(Marine EnviRonment and Security for the European Area),
1
http ://www.mercator.com
2http ://www.bom.gov.au/GODAE/
3http ://www.mersea.eu.org
qui a d´ebut´e en 2004, montre les enjeux que repr´esente, aujourd’hui,
l’assimila-tion de donn´ees en mode pr´evisionnel appliqu´ee `a l’oc´ean. En ce qui concerne les
pr´evisions `a plus long terme (pr´evisions saisonni`eres et climatiques), les mod`eles
de climat reposent sur des mod´elisations coupl´ees entre l’atmosph`ere et l’oc´ean.
Les mod`eles d’oc´ean sont donc indispensables aux mod`eles climatiques. Les sorties
du prototype global basse r´esolution de MERCATOR sont actuellement utilis´ees
comme for¸cage pour le mod`ele de pr´evision saisonni`ere de M´et´eo-France.
Un nombre relativement cons´equent de m´ethodes d’assimilation de donn´ees a ´et´e mis
en œuvre pour r´epondre aux probl`emes pos´es ci-dessus. Ces m´ethodes reposent sur deux
th´eories principales qui d´efinissent les deux grands courants de la communaut´e des
as-similateurs en oc´eanographie. La premi`ere se fonde sur une approche de type contrˆole
optimal et est `a l’origine de ce que l’on appelle g´en´eralement les m´ethodes variationnelles.
La deuxi`eme est bas´ee, quand `a elle, sur une estimation statistique optimale et a d´ebouch´e
sur un ensemble de m´ethodes que l’on regroupe sous le terme de m´ethodes statistiques ou
s´equentielles. Ces deux grands types de m´ethodes d’assimilation de donn´ees sont d´etaill´ees
dans la section suivante. A cˆot´e de ces deux grands types de m´ethodes, dites optimales, il
y a les m´ethodes empiriques, dont nous donnerons un exemple ci-apr`es avec le nudging.
4.2.3 Les diff´erentes m´ethodes d’assimilation de donn´ees
Le nudging
L’algorithme du nudging consite `a introduire dans le syst`eme d’´equations dynamiques
un terme de relaxation vers les observations. Le mod`ele apparaˆıt alors comme une
contrain-te faible et le contrain-terme de rappel force les variables du mod`ele `a coller avec les observations.
Cette m´ethode, d’abord utilis´ee en m´et´eorologie, a ´et´e examin´ee avec succ´es dans un
contexte oc´eanographique, notamment par (Verron et Holland, 1989;Verron, 1992;Blayo
et al., 1994). Les r´esultats sont g´en´eralement encourageants, mais cette technique simple
ne tient pas compte des erreurs respectives des observations et du mod`ele.
Plus r´ecemment, l’algorithme BFN du nudging direct et r´etrograde (back and forth
nudging), a ´et´e introduit par Arnoux et Blum (2005) afin d’identifier l’´etat initial d’un
syst`eme `a partir d’observations r´eparties en temps et/ou en espace. Cet algorithme consiste
`
a r´esoudre dans un premier temps l´´equation directe avec le terme de nudging, puis en
repartant de l´´etat final ainsi obtenu, `a r´esoudre les mˆemes ´equations de fa¸con r´etrograde
avec un terme de rappel oppos´e `a celui du nudging direct. On obtient ainsi une estimation
de l´´etat initial. Ce proc´ed´e est alors r´ep´et´e de fa¸con it´erative jusqu’`a la convergence de
l´´etat initial. Cet algorithme est donc `a raprocher des m´ethodes variationnelles, dans la
mesure ou il revient `a estimer l’´etat initial du syst`eme par it´erations successives.
Les m´ethodes variationnelles
Cette approche de l’assimilation de donn´ees est issue de la th´eorie du contrˆole optimal
(Lions, 1968). Dans le domaine m´et´eorologique, les m´ethodes variationnelles semblent
devoir s’imposer pour le futur dans la plupart des centres op´erationnels importants :
4.2. L’assimilation de donn´ees en g´en´eral 65
M´et´eo-France
4, ECMWF
5, NCEP
6. Il s’agit de prendre en compte globalement, dans la
phase d’analyse, une s´erie temporelle d’observations distribu´ees sur un intervalle [0,T]. Le
probl`eme se ram`ene `a la minimisation d’une fonction coˆutJ(x) =J
o(x) +J
b(x), compos´ee
de la somme de l’´ecart quadratique entre la solution du mod`ele sur une p´eriode [0,T] et
une s´erie temporelle d’observations distribu´ees sur la mˆeme p´eriode (le terme J
o), et de
l’´ecart quadratique entre les variables de contrˆoles x et une ´ebauche de ces variables (le
termeJ
b). La variable de contrˆole g´en´eralement privil´egi´e pour les mod`eles de circulation
oc´eanique est la condition initiale, mais plusieurs travaux r´ecents (Vidard, 2001;Durbiano,
2001) montrent qu’il est possible de contrˆoler l’erreur mod`ele. Si la condition initiale est
retenue comme variable de contrˆole, le termeJ
bse r´esume alors `a l’´ecart entre l’´ebauche et
la trajectoire corrig´ee `a l’instant initial. Ce deuxi`eme terme joue un rˆole r´egularisant pour
la solution corrig´ee obtenue. On consid`ere en effet que l’´ebauche est un ´etat pertinent du
syst`eme et qu’il ne faut pas trop s’en ´ecarter.
L’objectif de la formulation variationnelle telle qu’on la rencontre classiquement en
oc´eanographie revient `a estimer l’´etat initialx
0qui minimise la fonction coˆut J(x). Parmi
les m´ethodes qui existent pour minimiser J(x), citons la m´ethode adjointe propos´ee par
Le Dimet et Talagrand (1986). Cette m´ethode est couramment utilis´ee en oc´eanographie.
Elle utilise le mod`ele adjoint, transpos´e du mod`ele direct lin´earis´e, pour calculer le
gra-dient de la fonction coˆut. Si le gradient respecte un crit`ere de minimisation d´etermin´e, on
consid`ere que l’´etat initial est optimal. Dans le cas contraire, on calcule un nouvel ´etat
initial en fonction du gradient et de la fonction coˆut. On r´ep`ete ce processus it´eratif jusqu’`a
ce que l’on obtienne un convergence satisfaisante.
La m´ethode adjointe pour la minimisation de la fonction coˆut J(x) est performante
pour les probl`emes de grande taille, ce qui explique qu’elle soit fr´equemment utilis´ee
pour des applications oc´eanographiques. Elle pr´esente cependant plusieurs inconv´enients.
Elle devient tr`es vite extrˆemement coˆuteuse en temps de calcul comme en espace de
sto-ckage dans le cas d’un mod`ele d’oc´ean r´ealiste tridimensionnel car elle requiert plusieurs
int´egrations du mod`ele direct, mais ´egalement du mod`ele adjoint. Le coˆut de calcul de la
minimisation it´erative de la fonction coˆut peut donc rapidement devenir prohibitif.
Sur-tout, elle n´ecessite le d´eveloppement du mod`ele adjoint qui est une tˆache tout sauf triviale.
Enfin, dans le cas de mod`eles `a haute r´esolution, les ´echelles de d´ecorr´elation temporelle
des champs peuvent devenir assez courtes. La dynamique non-lin´eaire de l’oc´ean limite
alors la dur´ee pendant laquelle le mod`ele peut ˆetre approxim´e par son lin´eaire tangent
et donc la dur´ee de la p´eriode d’assimilation pendant laquelle la condition initiale est un
param`etre de contrˆole (Luong, 1995). On est alors contraint de proc´eder s´equentiellement,
en effectuant la minimisation sur des fenˆetres temporelles plus courtes (Luong et al., 1998).
On minimise alors s´equentiellement la fonction coˆut sur chacune des p´eriodes de sorte `a
reconstruire la trajectoire optimale globale. On perd alors la continuit´e de la trajectoire
et le coˆut global de calcul augmente. Dans ce dernier contexte, il devient plus difficile de
distinguer les m´ethodes variationnelles de la deuxi`eme grande famille de m´ethode
d’assi-milation, les m´ethodes statistiques.
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