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8.2 Perspectives

8.2.3 Assemblage de composants nanophotoniques

Contexte et enjeux

Un troisième vecteur de perspectives des travaux que j’ai conduit est orienté vers l’assemblage de composants de dimensions plus petites à ceux étudiées jusqu’ici. La cible visée est typique-ment des composants de géométries simples ou complexes et dont toutes les dimensions sont inférieures à20 μm. Cet objectif dimensionnel se justifie pour deux raisons principales : – en premier lieu, l’échelle dimensionnelle visée se situe dans un gap où il n’existe que très peu

de moyens capables de réaliser des tâches précises et complexes. Des "physiciens" utilisent des outils de type pointe pour manipuler des composants de dimensions inférieures à10 μm. Leurs travaux se situent sur une échelle dimensionnelle inférieure à celle visée et ceux-ci sont relativement qualitatifs (du point de vue de l’assemblage) notamment parce qu’ils exploitent des principes de préhension frustres (typiquement une pointe). Les microroboticiens, quant à eux, ont beaucoup étudié l’échelle dimensionnelle des composants supérieurs à100 μm ; – le second point important est que le domaine de la nanophotonique est particulièrement actif

scientifiquement, de nombreuses applications industrielles sont accessibles. La possibilité de réaliser des composants nanophotoniques hybrides par assemblage nourrit de très nombreuses ouvertures particulièrement originales et, enfin, les dimensions des composants faisant objet des réflexions sont typiquement de l’ordre dimensionnel visé.

(a) (b) (c)

Figure8.2 – Composants nanophotoniques : (a) Réseau de Bragg à facteur de forme géant obtenu en usinant le flanc du ridge : le faisceau optique est guidé puis passe à travers le réseau de 9 lamelles (b) Lamelle structurée par des plots (c) Composant photonique résultant de l’assemblage de 20 lamelles structurées [Aoki, 2003]

La réalisation de composants photoniques complexes exploite des technologies de microfabrica-tion en salle blanche, et conduit majoritairement à des systèmes monolithiques, où le faisceau lumineux se propage uniquement dans la matière. Certaines équipes commencent à exploiter la propagation des faisceaux en champ libre (dans l’air ou le vide, voir Figure 8.2(a)) afin d’exploiter de nouveaux modes d’exhalation de la lumière, qui se traduisent par de nouvelles fonctionnalités ou des performances accrues. L’objectif du nouvel axe scientifique proposé ici, est d’assembler des composants nanophotoniques de dimensions maximales de l’ordre de10 μm et visant à réaliser des systèmes où le faisceau lumineux se propagera dans l’air. Cette approche a fait l’objet d’une preuve de concept particulièrement intéressante à travers la réalisation d’un multi-couche [Aoki, 2003]. Ces travaux ont montré qu’une limite importante de cette approche réside dans l’épaisseur du film d’air (appelé lame d’air) entre deux composants qui ne sont pas

en contact qui est source de pertes optiques conséquentes. Le préhenseur utilisé est une pointe passive, qui exploite les effets d’adhésion par contact planaire. Cela nécessite de réserver une zone plane sur le composant à manipuler. Ce choix de préhenseur limite considérablement le type de composants manipulables ainsi que la diversité des tâches réalisables.

Nous proposons d’utiliser une approche par micropince malgré les dimensions très petites vi-sées. Cette approche apportera une versatilité et une capacité à réaliser des tâches complexes uniques. Il sera, par exemple, possible de contrôler les forces de contact et d’assembler deux composants en minimisant la lame d’air. Il sera également possible d’insérer une lamelle struc-turée dans une rainure, ou de réaliser des empilements de plusieurs lamelles accolées (idée du réseau de Bragg présentée en Figure 8.2 sans avoir de lame d’air).

(a) (b)

Figure 8.3 – (a) Concept de structure photonique hybride intégrant une lamelle photonique structurée insérée dans un guide d’onde par assemblage (b) Ajout d’une lamelle photonique en Niobate de Lithium sur un système multicouche optique.

Ces travaux ont débuté par une collaboration avec le département d’optique de Femto-ST (notamment Nadège Courjal et Maria Pilar) et font l’objet du projet Nano-ROBOPTIC que je coordonne. Ce projet débuté en octobre 2015 supporte le financement de la thèse de Houari Bettahar, dont le co-encadrement est partagé entre les deux départements de recherche. Deux architectures photoniques ont particulièrement retenu notre attention et feront l’objet d’études à venir : une première architecture où une lamelle va être assemblée perpendiculairement à l’axe optique (voir Figure 8.3(a)). Celle-ci permet de structurer une lamelle (voir Figure 8.2(b)), puis de l’insérer en bout de guide ou dans une rainure transversale à ce guide. La seconde architecture consiste à assembler une lamelle dans l’axe optique conduisant à une structure multi-couche (voir Figure 8.3(b)).

Problématiques scientifiques

L’objectif de cet axe scientifique est d’étudier l’assemblage de composants photoniques, mais également que les systèmes photoniques assemblées résultant puissent avoir des caractéristiques optiques particulièrement innovantes. Ces deux exigences possèdent un verrou commun relatif au modèle mécano-optique du composant photonique, c’est à dire le modèle liant la position relative de deux composants photoniques aux propriétés optiques de l’ensemble.

L’obtention de ce type de modèle est particulièrement complexe puisque, contrairement à l’op-tique macroscopique, où le comportement d’un système assemblé peut facilement être prévu, l’assemblage de composants photoniques induira des phénomènes optiques, qui ne sont préala-blement pas connus. L’approche robotique choisie, ainsi que les travaux préalapréala-blement effectués (chapitre 6), permettront d’étudier ce verrou en réalisant des tâches de préhension fines, en générant des trajectoires précises, complexes et en exerçant des forces. Ces travaux conduiront à étudier la problématique de génération de mouvements "ultimes" pour assurer des précisions de positionnement relatives inférieures à 10 nm et ainsi affiner la compréhension du

compor-tement optique. Cette recherche de précision doit faire l’objet de travaux de commande, de traitement de signaux, de considération des différentes sources de bruit mais requiert également de nouveaux systèmes microrobotiques d’assemblage particulièrement compacts (comme cela a été explicité en section 8.2.1). L’approche proposée mettra également en œuvre la mesure des forces de contact, d’une part en raison du facteur de forme très élevé (supérieur à 20) des lamelles à assembler (influence en termes de fragilité et de comportement optique), et, d’autre part pour permettre le contrôle des forces de contact lors des assemblages (pour minimiser les lames d’air).

L’assemblage de composants photoniques en environnement MEB possède également plu-sieurs intérêts. Naturellement, la visualisation d’un composant pendant son assemblage est bien meilleure en utilisant un MEB qu’un microscope photonique. De même, la chambre à vide d’un MEB, dans laquelle sont effectuées les tâches d’assemblage, offre un environnement particulièrement propre et stable. Au delà de ces points, l’exploitation de modules optionnels ajoutés au MEB ouvre de nombreuses possibilités séduisantes mais également contraignantes. Par exemple, la plateforme -Robotex (plateforme d’excellence ROBOTEX), que nous prévoyons d’utiliser, possède simultanément les outils suivants :

– une structure microrobotique complexe, qui permet de générer des mouvements très précis (visualisation sous un autre angle, assemblage ou usinage 3D) ;

– un FIB (Focus Ion Beam) couplé à un GIS (Gas Injection System) qui permettent l’usinage très précis de lamelles photoniques ou le dépôt localisé de matière.

Cet outil unique combine plusieurs outils complémentaires qui nous permettront de réaliser, dans le même espace, des étapes complexes : structuration de lamelles (ajout ou enlèvement de matière), assemblage de composants, dépôt de matière, étude et caractérisation des couplages mécano-optiques, ainsi que la solidarisation des lamelles fines après leur mise en place. Ce potentiel très intéressant fait toutefois apparaitre des problématiques complexes. Tout d’abord, le niveau de précision recherché requiert l’utilisation de systèmes microrobotiques très précis et compacts (voir section 8.2.1). Le volume disponible pour réaliser l’ensemble de ces tâches in-situ est de quelques millimètres cube. Par ailleurs, l’environnement à vide induit des amortissements extrêmement faibles, ce qui nécessitera des travaux spécifiques pour ga-rantir une réponse amortie [Faria et al., 2015]. Enfin, la réalisation de ces différentes tâches in-situ MEB par l’approche proposée permettra d’utiliser de nouveaux matériaux et d’étudier de nouveaux couplages optiques. Cela nécessitera alors également des travaux pour étudier les processus de fabrication exploitant le MEB-FIB-GIS adaptés à ces matériaux.

Applications

Quelques études récentes font état du potentiel applicatif de composants nanophotoniques assemblés. Par exemple, l’assemblage télé-opéré d’éléments optiques avec mesure simultanée des spectres de transmission a été démontré avec succès pour des systèmes WDM (Wavelength Division Multiplexing) performants [Genevaux et al., 2014]. D’autres applications ont conduit à des dispositifs constitués d’empilement de cristaux photoniques 3D [Ishizaki et al., 2013] ou à la manipulation de nanofils [Sergeyev et al., 2015]. L’approche, que nous proposons, possède un caractère innovant compte-tenu de l’approche robotique utilisée qui permettra de développer des assemblages spécifiques à l’optique intégrée. il sera aussi possible de proposer des modèles mathématiques intégrant les réponses de mesure de force, mesure spectrale et visuelle pour référencer le positionnement automatique des blocs photoniques. Plusieurs applications précises sont en cours d’étude dans un cadre de collaboration avec des entreprises et font l’objet de demandes de financement en cours. Plus généralement, les composants développés seront

(a) (b)

Figure8.4 – Exemple d’origamis microfabriqués permettant de piéger des photons (a) exemple de structure (b) réponse optique d’un piège [Danescu et al., 2015].

adaptables pour des applications dans de nombreux secteurs d’activités tels que le diagnostique biomédical, la santé et les télécommunications.