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2.2.5 ) Aspects compositionnels : homogénéité des verres de départ

Après une phase de nucléation clairement hétérogène à haute pression (PL ≈ 185 MPa), la série à 1000 kPa/s se distingue par le développement de textures de nucléation uniformes au cœur des échantillons pour des degrés de sursaturation de seulement 30 à 40 MPa (Figure IV-9). Dans leur grande majorité, les bulles se forment loin des agrégats de magnétite issus de la déstabilisation de la biotite. Ce résultat suggère une origine par nucléation homogène, en accord avec l’absence de cristaux visibles au contact de la plupart des bulles. Cependant la faible valeur de ∆P plaide plutôt en faveur d’un processus de nucléation hétérogène sur des substrats de type magnétite. Le comportement ambigu de cette série d’expériences pourrait être lié au protocole de préparation des verres de départ : pour les expériences dans le système rhyolite-magnétite-H2O, nous avons éliminé la phase de fusion à haute température (T = 1000°C) utilisée auparavant dans la préparation des verres de départ dans les systèmes rhyolite-H2O (Mourtada-Bonnefoi et Laporte, 2004) et rhyolite-hématite-H2O. En supprimant cette phase haute température, on a peut-être permis la persistance dans le bain magmatique de différents types d’hétérogénéités qui pourraient bouleverser la cinétique de nucléation des bulles : gradients de concentrations chimiques (majeurs et volatils), microcristaux résiduels en cours de résorption, amorces cristallines.

L’analyse des volatils par spectrométrie FTIR indique une homogénéité des échantillons en eau et des teneurs conformes aux valeurs prévues par les modèles de solubilité de la littérature. De plus, les analyses défocalisées des verres de départ à la microsonde électronique n’ont pas révélé de variations compositionnelles en éléments majeurs. On a cherché plus précisément à mettre en évidence des gradients de concentrations en fer dans le

verre autour des agrégats de magnétite. L'objectif était de tester l'hypothèse que le rééquilibrage des verres de départ serait incomplet, avec des zones enrichies en fer persistant autour des anciennes biotites. Pour avoir une meilleure précision, l'élément Fe a été analysé selon le protocole décrit plus haut : chaque donnée est la moyenne de cinq analyses consécutives faites sur le même point avec un faisceau légèrement défocalisé (5 µm), un courant de 8 nA et une tension de 15 kV. Les analyses obtenues autour d'un agrégat de magnétites sont reportées dans la Figure IV-17 : aucune variation significative de la teneur en fer n'est détectable. En combinant ces résultats avec ceux des analyses de l'eau par spectrométrie FTIR, on conclut que les verres de départ sont chimiquement homogènes bien qu'ils n'aient pas subi la phase de présaturation en eau à 1000°C. Les techniques d'analyse utilisées ne permettent pas de rejeter catégoriquement l'existence de reliques minérales microscopiques en cours de résorption ou d'amorces cristallines dans le verre. Cependant, aucune trace de minéraux autres que les amas de magnétite produits par déstabilisation de la biotite et quelques rares cristaux isolés de magnétite n'est observable en microscopie optique ou en microscopie électronique à balayage.

Analyse n° Teneur en Fe (% pds) #1 0,543 (0,010) #2 0,511 (0,014) #3 0,541 (0,017) #4 0,502 (0,019) #5 0,528 (0,017) #6 0,526 (0,014) #7 0,510 (0,019) #8 0,514 (0,024) #9 0,501 (0,025) #10 0,498 (0,024) #11 0,527 (0,015) #12 0,533 (0,017) #13 0,506 (0,016)

Figure IV-17 : Profil de concentration en fer à proximité d'un agrégat de microcristaux de magnétite (en bas à gauche) dans le verre de départ GDMgt#4. Les points d’analyse à la microsonde électronique apparaissent en blanc sur la microphotographie électronique (électrons rétrodiffusés). Pour chaque point, le tableau donne la moyenne de cinq mesures consécutives et l'écart-type (entre parenthèses).

IV.3) EXPERIENCES DE DECOMPRESSION AVEC L'OBSIDIENNE ATHO

Afin de compléter notre étude de l’effet de la magnétite sur la nucléation des bulles d’eau dans un magma rhyolitique, une série de décompression à 1000 kPa/s a été réalisée sur la composition rhyolitique ATHO. Du fait de sa richesse en fer, l’obsidienne ATHO permet de stabiliser une forte densité de microcristaux de magnétite. Le but visé est de mieux comprendre l’effet de la densité de cristaux sur la cinétique de nucléation des bulles d’eau.

IV.3.1)VUE DENSEMBLE DES TEXTURES –PRESSION DE NUCLEATION

Huit expériences de décompression ont été réalisées avec les verres de départ ATHO à une pression initiale de 200 MPa, un taux de décompression de 1000 kPa/s et des pressions de trempe PL comprises entre 170.2 et 40.2 MPa (Tableau IV-3). L’expérience ATHO#18 trempée à 170.2 MPa ne montre aucun événement de nucléation (Figure IV-18a). Les sept autres expériences montrent un cœur vésiculé de manière uniforme (Figure IV-18b-c). La pression de nucléation dans cette série de décompression est donc comprise entre 170 et 160 MPa, soit un degré de sursaturation requis pour la nucléation de 35 ± 5 MPa.

Les échantillons trempés entre 160 et 80 MPa contiennent une population unimodale de bulles distribuées de manière uniforme. L’observation au microscope optique en lumière transmise montre que toutes les bulles sont en contact direct avec un cristal de magnétite (ou un petit nombre de cristaux ; Figure IV-19). La relation réciproque n’est pas vraie : la majorité des cristaux sont isolés dans le liquide, à plusieurs dizaines de micromètres de la bulle la plus proche (Figure IV-19). De fait, la densité numérique de cristaux est très supérieure à la densité numérique de bulles comme le montre l’analyse texturale quantitative (cf § IV.3.2).

La figure IV-20 montre des microphotographies d’une section polie de l’échantillon ATHO#14 dans lesquelles on voit les relations de mouillage des bulles avec les cristaux. La forme caractéristique en montgolfière n’est pas une morphologie d’équilibre car les variations de la courbure moyenne d’une interface ne sont pas permises à l’équilibre textural. Cet écart à l’équilibre peut être interprété de deux manières différentes : (i) soit il se produit pendant le refroidissement final de l’expérience malgré l’utilisation d’un dispositif de trempe rapide (200°C/s) ; (ii) soit le taux de décompression (1000 kPa/s) est trop élevé pour permettre l’établissement de relations d’équilibre textural entre le cristal de magnétite et la bulle en pleine croissance.

Figure IV-18a-c : Microphotographies électroniques prises en électrons secondaires des charges expérimentales : (a) ATHO#18 (PL = 170.2 MPa) ; (b) ATHO#20 (PL = 110 MPa) ; et (c) ATHO#17 (PL = 80 .3 MPa).

Figure IV-19a-b : Microphotographies prises au microscope optique (lumière transmise) d’une lame épaisse de la charge expérimentale ATHO#14 (PL = 100 MPa) : (a) vue d'ensemble montrant une multitude de microcristaux de magnétite et des grosses bulles de vapeur d'eau relativement peu nombreuses ; (b) détail montrant les relations de mouillage entre les bulles et les cristaux de magnétite.

Figure IV-20a-b : Microphotographies électroniques prises en électrons rétrodiffusés d’une section polie de la charge expérimentale ATHO#14 (PL = 100 MPa) montrant les relation de mouillage entre les bulles et les cristaux de magnétite.

L’échantillon ATHO#15 trempé à PL = 40.2 MPa se distingue de tous les autres échantillons par sa vésicularité beaucoup plus élevée, une déformation marquée des bulles et une nette bimodalité des tailles de bulles (Figure IV-21). A côté de bulles relativement grosses - avec un diamètre moyen de 60 µm - on observe une population de petites bulles avec un diamètre de quelques microns.

IV.3.2)ETUDE QUANTITATIVE DES DIFFERENTS PARAMETRES TEXTURAUX