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4.1.3 ) Angles de raccordement bulle-magnétite-rhyolite

Les faibles valeurs de ∆PN mesurées dans le système rhyolite-magnétite-H2O impliquent un caractère mouillant des bulles d’eau sur les oxydes, c'est-à-dire, un angle de raccordement des bulles sur les cristaux de magnétite relativement élevé (Figure III-18). Comme dans le système rhyolite-hématite-H2O, nous n’avons pas pu mesurer directement cet angle en raison de la taille des cristaux et/ou de déséquilibres texturaux (dans la série ATHO ; Figure IV-20). Cependant nous avons réalisé une estimation de cet angle en comparant les degrés de sursaturation requis pour la nucléation hétérogène, ∆PN-hét, avec ceux requis pour la nucléation homogène, ∆PN-hom, dans un système et des conditions similaires (cf. équations III.13 et III.14).

Avant de calculer les angles de raccordement des bulles sur les cristaux de magnétite, on doit s’interroger sur la signification de la différence de degrés de sursaturation en eau requis pour la nucléation des bulles dans les séries GDMgt (les 2 séries réalisées avec l’obsidienne Güney Dag) et ATHO. L’interprétation la plus directe consiste à mettre cette différence sur le compte de légères variations de l’une ou plusieurs des tensions interfaciales en jeu : σLG, σSL ou σSG. Par exemple, si l’on considère une valeur de σLG constante et égale à 0.096 N.m-1, une variation de la différence σSG - σSL de -0.090 N.m-1 pour les séries GDMgt à -0.075 N.m-1 pour la série ATHO se traduira par une diminution de l'angle de raccordement des bulles sur les cristaux de magnétite de 159° à 141° (équation III.15) et par une augmentation de ∆PN de 15 MPa à 35 MPa (équations III.13-14). Cependant, une autre interprétation possible mérite notre attention. Si l’on compare les Figures IV-10 et IV-20, on constate qu’à l’échelle microscopique les conditions de la nucléation ont pu être significativement différentes dans les séries ATHO et Güney Dag : (i) nucléation des bulles sur des cristaux isolés de relativement grande taille et avec des faces bien formées pour la série ATHO ; versus (ii) nucléation sur des cristaux de taille souvent inframicronique, avec des formes mal définies, et regroupés en agrégats pour les séries GDMgt. Or on sait que, par rapport au cas d’une surface plane, la nucléation peut être facilitée dans le cas d’une surface "rugueuse", présentant des gradins ou des dépressions (Hurwitz et Navon, 1994 ; Debenedetti, 1996). Il est donc envisageable que les valeurs extrêmement faibles de ∆PN

enregistrées dans les séries GDMgt soient liées à la forme et à l'origine particulières des magnétites dans les verres de départ (agrégats de microcristaux de magnétite formés par déstabilisation des biotites de l'obsidienne). Dans ces conditions, la valeur ∆PN = 35 ± 5 MPa mesurée dans la série ATHO semble plus appropriée aux systèmes naturels dans lesquels les magnétites se présentent sous la forme de microphénocristaux automorphes.

Pour la composition Güney Dag saturée en eau à 200 MPa-800°C (6.0-6.1 % pds H2O), la tension de surface σLG est estimée à ≈ 0.096 (±0.007) N.m-1, ce qui correspond à des valeurs de ∆PN-hom comprises entre 148 et 183 MPa (Cf. section III.3.2.1). A 200 MPa, le modèle de Tamic et al. (2001) prévoit une variation presque infime de la solubilité de l'eau entre 775°C et 800°C : -0.03 % pds. Par conséquent, je considère que la valeur de σLG estimée pour T = 800°C s'applique aussi à 775°C, c'est-à-dire la température des expériences sur la magnétite réalisées avec la composition Güney Dag. Pour la valeur de ∆PN-hét, j’ai considéré les deux cas de figure suivants : (i) ∆PN-hét = 15 MPa ; et (ii) ∆PN-hét = 35 MPa, ce qui revient à admettre que les pressions de nucléation dans les séries GDMgt ont été artificiellement

augmentées par la petite taille et/ou la forme irrégulière des microcristaux de magnétite dans les verres de départ, et que la valeur de ∆PN-hét mesurée dans la série ATHO est plus représentative des conditions naturelles. Avec ∆PN-hét = 15 MPa et ∆PN-hom dans la gamme 148-183 MPa, le facteur de mouillage φ varie entre 0.010 et 0.007 (équation III.13) et l’angle de raccordement est égal à 153 ± 1° (équation III.14). Si l’on pose ∆PN-hét = 35 MPa, on obtient un angle de raccordement de 138 ± 2°. Dans les deux cas, ces calculs confirment le caractère très mouillant des bulles d’eau par rapport à la titano-magnétite. Un angle de raccordement > 90° signifie que la tension superficielle solide-gaz, σSG, est inférieure à la tension superficielle solide-liquide, σSL. L’équation III.15 montre que, dans le cas présent, la différence σSG - σSL est égale à -0.085 ± 0.001 N.m-1 ou -0.071 ± 0.002 N.m-1, pour ∆PN-hét égal à 15 ou 35 MPa, respectivement.

Je n’ai pas pu réaliser le même exercice pour la série ATHO. En effet, s’agissant du premier groupe d’expériences avec l’obsidienne ATHO, je ne disposais pas des informations nécessaires (à savoir, la pression de nucléation dans le cas de la nucléation homogène) pour calculer la tension de surface σLG.

IV.4.2)EFFET DU TAUX DE DECOMPRESSION SUR LA PRESSION DE NUCLEATION

Si l’on considère que la nucléation est détectable à partir d’une densité numérique de bulles de 1 mm-3 et que la tension de surface effective du système est égale à 0.019 N.m-1, la théorie classique prévoit des pressions de nucléation de 185 et 187 MPa pour les séries GDMgt décomprimées à 1000 et 27.8 kPa/s, respectivement (Figure IV-25). Ce résultat confirme le fait que la vitesse d’ascension du magma a un effet très limité sur la pression de nucléation des bulles, en bon accord avec les données expérimentales : la pression de nucléation dans la série à 27.8 kPa/s (PN ≈ 190 MPa) est à peine supérieure à celle dans la série à 1000 kPa/s (PN ≈ 185 MPa). La très faible dépendance de PN par rapport au taux de décompression est un comportement général indépendant de la valeur de σeff. Ce type de comportement a en effet déjà été mis en évidence dans les cas de la nucléation homogène (Mourtada-Bonnefoi et Laporte, 2004) et de la nucléation hétérogène dans le système rhyolite-hématite-H2O.

Figure IV-25 : Taux de nucléation J (traits gras) et densités numériques de bulles n3D (traits fins, 1000 kPa/s ; tiretés, 27.8 kPa/s) en fonction de la pression. La droite à n3D = 1 mm-3 marque la densité numérique de bulles moyenne à partir de laquelle la nucléation est détectable dans les charges expérimentales. a) Expériences avec l’obsidienne Güney Dag (σeff = 0.019 N/m). b) Expériences avec l’obsidienne ATHO (σeff = 0.032 N/m). Les calculs ont été faits en utilisant la théorie classique de la nucléation (voir chapitre III) et les listes de paramètres du Tableau IV-4.

IV.4.3)DENSITE NUMERIQUE DE BULLES DANS LE SYSTEME RHYOLITE-MAGNETITE-H2O