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Représentations du genre romanesque dans le discours savant et institutionnel

ARPENTER LES LIEU

Le corpus regroupant les périodiques de l’entre-deux-guerres a été l’objet d’un certain nombre de travaux précurseurs, notamment La presse québécoise des origines à

365 Lucie Robert, « L’émergence de la notion de “littérature canadienne-française” dans la presse québécoise

nos jours d’André Beaulieu et Jean Hamelin366 et Idéologies au Canada français de Fernand Dumont, Jean Hamelin et Jean-Paul Montminy367. Plusieurs études sur certains périodiques spécifiques ont aussi aidé à affiner notre compréhension de cette période368, tout comme les analyses du discours sur la littérature canadienne-française dans la presse de la première moitié du XXe siècle menées par Gilles Marcotte369, Annette Hayward370 et Lucie Robert371. Plus récemment, les périodiques de la période 1919-1939 sont surtout le sujet d’analyses se penchant sur la constitution des réseaux372 et sur la figure de l’intellectuel373 au Québec. Les travaux de plus grande ampleur s’intéressant à la vie culturelle comme ceux de l’équipe de La vie littéraire au Québec374, de Jacques Beaudry dans Le rébus des revues. Petites revues et vie littéraire au Québec375 et des collaborateurs de L’avènement de la modernité culturelle au Québec, particulièrement Elzéar Lavoie376, examinent également les enjeux de la presse de cette période. Bien que les chercheurs soient de plus en plus nombreux à s’intéresser aux périodiques, la multitude de données qu’ils contiennent est loin d’être épuisée.

366 Les tomes VI (1984) et VII (1985), publiés aux Presses de l’Université Laval, portent respectivement sur

les périodes 1920-1934 et 1935-1944.

367 Voir en particulier les tomes qui recouvrent l’entre-deux-guerres : Fernand Dumont, Jean Hamelin et Jean-

Paul de Montminy (dir.), Idéologies au Canada français 1900-1929 et Idéologies au Canada français 1930-

1939, tous deux parus aux Presses de l’Université Laval, respectivement en 1974 et en 1978.

368 On pensera aux études sur L’Ordre (Yvette Francoli, « L’Ordre, quotidien de culture française et de

renaissance nationale, 1934-1935 », Revue d’histoire littéraire du Québec et du Canada français, vol. 6, 1983, p. 33-45), sur La Relève (Jacques Pelletier, « La Relève : une idéologie des années 1930 », Voix et

images du pays, vol. 5, 1972, p. 69-140), entre autres.

369 Gilles Marcotte, « Les années 1930 : de Monseigneur Camille à La Relève », Voix et Images, vol. 5, no 3,

printemps 1980, p. 515-524.

370 Annette Hayward, « La presse québécoise et sa (ses) littérature(s) », dans E. D. Blodgett et A.G. Purdy

(dir.), Problems of Literary Reception – Problèmes de réception littéraire, Edmonton, Research Institute for Comparative Literature, University of Alberta, 1988, p. 40-48.

371 Lucie Robert, « L’émergence de la notion de “littérature canadienne-française” dans la presse québécoise

(1870-1948), op. cit., p. 136-143.

372 On pourra consulter à ce sujet Pierre Rajotte (dir.), Lieux et réseaux de sociabilité littéraire au Québec,

Québec, Nota bene, 2001 et les nombreux textes de Michel Lacroix, notamment « Lien social, idéologie et cercles d’appartenance : le réseau “latin” des Québécois en France, 1923-1939 », Études littéraires, vol. 36, no 2, 2004, p. 51-69 et « Réseaux et appareils : les relations culturelles franco-québécoises dans l’entre-deux-

guerres » dans Anne Dulphy, Robert Frank et al., Les relations culturelles internationales au XXe siècle : de

la diplomatie culturelle à l’acculturation, Paris, Peter Lang, p. 531–542.

373 Notamment Andrée Fortin, Passage de la modernité, les intellectuels québécois et leurs revues, 2e éd.,

Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, coll. « Sociologique contemporaine », 2006.

374 Denis Saint-Jacques et Lucie Robert (dir.), La vie littéraire au Québec, t. VI, op. cit.

375 Jacques Beaudry (dir.), Le rébus des revues. Petites revues et vie littéraire au Québec, Québec, Presses

de l’Université Laval, 1998.

376 Elzéar Lavoie, « La constitution d’une modernité culturelle dans les médias au Québec, 1895-1950 », dans

Mes recherches se situent plus spécifiquement dans le prolongement du dossier « L’idée de littérature dans les périodiques québécois (1930-1945) » dirigé par Jane Everett et François Ricard en 1991. Le projet d’Everett et de Ricard était de « reconstituer en quelque sorte le paysage discursif dans lequel s’écrivent, se lisent et s’évaluent les œuvres de ce temps377 » par une étude longitudinale378. Les données ainsi récoltées par le dépouillement systématique de l’ensemble des périodiques, à trois moments précis de la période (1930-1931, 1936-1937 et 1943-1944)379, permettaient d’éclairer le « “système de référence objectivement formulable” à l’intérieur duquel cette littérature s’est alors élaborée et comprise380 ». Cette analyse devait permettre trois types de synthèses : des études diachroniques sur chacun des périodiques retenus; des analyses synchroniques du champ médiatique pour les trois années étudiées; et plus largement, l’examen de l’évolution des idées sur la littérature de 1930 à 1945381. De ces trois types de synthèse, seule la première a donné lieu à des articles, qui portent donc sur des périodiques particuliers382, regroupés dans le dossier piloté par Everett et Ricard. Le présent chapitre entend reprendre le cadre conceptuel du dossier « L’idée de littérature dans les périodiques québécois (1930-1945) », en déplaçant son intérêt de la représentation de la littérature canadienne-française dans la presse à celle du seul topos du roman canadien. Je me réclamerai davantage du troisième type de synthèse évoqué par les deux chercheurs, travail devenu possible grâce à l’évolution récente de la recherche plein texte dans les bases de données sur les périodiques québécois, démarche dont je rendrai compte un peu plus loin. Je m’inspire également des travaux de Micheline Cambron, d’Alex Gagnon et de Myriam Côté qui, dans leur ouvrage Les journaux québécois d’une guerre à l’autre. Deux

états de la vie culturelle québécoise au XXe siècle, entendent donner un portrait de la vie culturelle de l’entre-deux-guerres relayée dans les périodiques à deux moments (1918-1920 et 1939-1940) par une étude du discours médiatique. Pour ces chercheurs, la vie culturelle

377 Jane Everett et François Ricard, Présentation du dossier « L’idée de littérature dans les périodiques

québécois (1930-1945) », op. cit., p. 9.

378 Ibid., p. 10. 379 Ibid., p. 12. 380 Ibid., p. 9. 381 Ibid., p. 13.

382 Le dossier comprend des études sur Le Canada, le Quartier latin, le Canada français, L’Action nationale

et La Revue dominicaine (voir dossier « L’idée de littérature dans les périodiques québécois (1930- 1945) », Littératures, no 7, 1991, p. 5-89).

est « une globalité disséminée dans les pages de chacun des journaux et des périodiques qui la médiatisent383 », ils interrogent la représentation de différents aspects de la vie culturelle dans la presse pour comprendre les différentes stratégies discursives utilisées par les périodiques pour en rendre compte. La direction de l’ouvrage a recours à trois types de focalisations : en plan général, c’est-à-dire en prenant en compte l’écologie de la page de journal (ses titres, ses colonnes, la typographie, etc.); une focalisation en plan rapproché, qui s’intéresse aux thèmes, aux événements, aux pratiques culturelles; et finalement, une focalisation transversale, qui interroge les interactions entre les périodiques, les échos qui existent entre les différents organes de presse384.

Mon projet relève d’abord de la focalisation en plan rapproché, ce par défaut, puisque je m’intéresse à un seul motif, celui du roman canadien. Bien qu’elle ne soit pas toujours fondamentale dans le type d’analyse que je propose, je ne ferai cependant pas complètement abstraction de l’écologie de la page de journal dans mon traitement de l’information sur le genre romanesque. Je m’attacherai toutefois davantage à la focalisation transversale, en faisant ce que Paul Ricœur nomme la « synthèse de l’hétérogène385 », c’est- à-dire « “prendre ensemble” les actions de détail, ou ce que nous avons appelé les incidents de l’histoire; de ce divers d’événements, [on] tire l’unité d’une totalité temporelle386 ». Le patient dépouillement de ces occurrences de l’expression « roman canadien » pour la période de l’entre-deux-guerres me donne ainsi la possibilité de tirer les fils de la représentation du genre romanesque et de mettre en lumière la création de lieux communs dans le discours qui, eux-mêmes, informent l’horizon d’attente qui se déplace ou se stabilise et permettant, ultimement, la création d’un imaginaire générique propre au Canada français.

Creuser, puis tamiser : questions de méthodologie

La recherche plein texte élargit désormais les possibilités de dépouillement des archives journalistiques. Ainsi, les problèmes inhérents au travail archivistique, comme

383 Micheline Cambron, Alex Gagnon et Myriam Côté, « Plonger dans la presse. Pour une saisie globale de

la vie culturelle de l’entre-deux-guerres », op. cit., p. 7.

384 Ibid.

385 Paul Ricœur, Temps et récit, t. I, Paris, Éditions du Seuil, 1983, p. 103, cité dans Micheline Cambron,

Alex Gagnon et Myriam Côté, « Plonger dans la presse. Pour une saisie globale de la vie culturelle de l’entre- deux-guerres », op. cit., p. 8.

l’accès difficile aux sources ou de l’impossibilité de traiter seul l’information qu’elles contiennent, difficultés réelles et toujours actuelles devant lesquelles se retrouvent les chercheurs et chercheuses s’intéressant aux périodiques, ne se posent tout de même plus avec la même acuité qu’auparavant. Aussi imparfaits soient-ils, les outils numériques qui ont été développés dans les dernières années permettent de ratisser un très large terrain, très rapidement, par la recherche de mots-clés dans des corpus de plusieurs centaines de milliers de pages. Pour parvenir à dresser un portrait global de la vision du roman canadien dans la presse, j’ai ainsi interrogé la base de données du Répertoire numérique des journaux et des revues de Bibliothèque et Archives nationales Québec (BAnQ) pour relever les occurrences spécifiques de l’expression exacte « roman canadien ». Cette recherche m’a permis de procéder à ce que Laurence Bardin nomme une « lecture flottante387 », soit la « phase préparatrice pendant laquelle on repère les grandes tendances du corpus388 ».

Bardin rappelle ainsi que, pour être valide, un corpus soumis à la lecture flottante doit être tout à la fois exhaustif, homogène et pertinent389. Le principe d’exhaustivité de Bardin repose sur l’idée de non-sélectivité, c’est-à-dire sur l’importance de ne pas sélectionner d’avance les éléments du corpus une fois que les balises de celui-ci ont été déterminées, puisqu’on risquerait alors de retrouver in fine l’objet d’étude que nous avons nous-mêmes construit. En 1977, alors que Bardin met sur pied sa méthode d’analyse de contenu, il n’était pas encore possible de faire des recherches dans des bases de données ayant l’envergure de celles d’aujourd’hui, ce qui forçait les chercheurs à constituer eux- mêmes le corpus qu’ils allaient ensuite soumettre à l’analyse. La question de l’exhaustivité se pose différemment de nos jours. Plutôt que de préalablement constituer un corpus, j’ai interrogé l’ensemble des périodiques (revues et journaux) de la banque de données de BAnQ — répertoire qui m’apparaît à ce jour le plus complet auquel il est possible d’avoir accès —, sans procéder à une présélection des titres, ce qui a permis de prendre en compte autant les publications majeures à grand tirage que les périodiques régionaux. Sans prétendre à une exhaustivité complète, je peux tout de même affirmer que cette recherche

387 Laurence Bardin, L’analyse de contenu, Paris, Presses universitaires de France, 1977, p. 94.

388 Lucile Davier, « Polyphonie dans le discours journalistique : une étude comparative de la presse

anglophone et francophone », ASp, no 56, 2009, p. 67-88.

389 Laurence Bardin, L’analyse de contenu, op. cit., p. 95-96. Bardin ajoute aussi le critère de représentativité,

a permis de recenser la grande majorité des périodiques publiés durant l’entre-deux- guerres. Cette recherche avait d’abord pour objectif de quantifier l’utilisation de cette expression et d’ainsi valider mon hypothèse qu’elle était nettement plus employée durant l’entre-deux-guerres qu’au XIXe siècle. À juste titre, cette recherche préliminaire m’a permis d’identifier 2 742 occurrences de l’expression390 dans 41 périodiques391, sur un total de 4 447 occurrences392 dans l’ensemble de la période 1837-1960 (ce qui équivaut à 61 % des occurrences).

Parmi les périodiques recensés, on constate toutefois un absent de taille : en aucune occasion, La Relève n’a recours à l’expression « roman canadien ». Fondée en 1934 par Paul Beaulieu, Robert Charbonneau et Claude Hurtubise, La Relève est pourtant connue pour ses articles de fond sur le genre romanesque393, qui ont très certainement eu un impact sur la conceptualisation du roman canadien durant la période 1919-1939. L’absence de l’expression est elle-même intéressante. La dénomination est commode et très répandue, le choix de ne pas l’employer — et donc d’avoir recours exclusivement à d’autres expressions pour faire référence aux œuvres romanesques écrites et publiées au Canada français sur lesquelles portent bel et bien certains articles de la revue394 — montre que La

390 La recherche de « roman canadien » recouvre la formule « radio-roman canadien ». Lorsqu’on lance la

recherche, on obtient donc 2 830 occurrences, desquelles j’ai retranché les 88 occurrences de « radio-roman canadien » qui avaient été comptabilisées par le moteur de recherche, pour en arriver au total de 2 742 occurrences.

391 Il s’agit des périodiques suivants : L’Action canadienne-française, L’Action française, L’Action populaire, L’Almanach de l’Action sociale catholique, L’Avenir du Nord, La Bonne Parole, Le Bulletin des agriculteurs, Le Bulletin des recherches historiques, Le Canada, Le Canada français, Le Canada français (Saint-Hyacinthe), Le Canada qui chante, La Canadienne, Le Canard, La Clé d’or/The Golden Key, Le Courrier de St-Hyacinthe, Le Devoir, En avant!, L’Écho du Saint-Maurice, L’Enseignement primaire, L’Étoile du Nord, L’Illustration nouvelle, Le Jour, La Lyre, Le Monde ouvrier, Mon Magazine, Le Nationaliste, Le Nouvelliste, L’Oiseau bleu, L’Ordre, Le Passe-temps, Photo-Journal, La Presse, Le Progrès du Golfe, Le Progrès du Saguenay, La Renaissance, La Revue dominicaine, La Revue moderne, La Revue du théâtre, La Revue trimestrielle, L’Union des Cantons de l’Est et La Vérité. Le nombre total de périodiques

recensés par BAnQ pour la période 1919-1939 est de 81.

392 J’ai également déduit les 104 occurrences de « radio-roman canadien » qu’on retrouve de 1935 à 1960 du

total donné par le moteur de recherche, qui était de 4 551.

393 On pensera en particulier au numéro hommage à Henri Ghéon (La Relève, vol. 4, no 6, octobre 1938,

p. 170-189), aux articles de Robert Charbonneau sur François Mauriac (La Relève, vol. 1, no 4, septembre

1934, p. 64-75), sur Georges Bernanos (« Un Crime de Georges Bernanos », La Relève, vol. 2, no 8, avril

1936, p. 235-237) et sur Dostoïevski (La Relève, vol. 1, no 7, janvier 1935, p. 168-171 et vol. 1, no 8, mars

1935, p. 203-204) ou encore aux considérations sur le roman chrétien (Daniel-Rops, « Le romancier chrétien, son sujet, et son public », La Relève, vol. 2, no 3, novembre 1935, p. 67-73).

394 Andrée-Anne Giguère estime que 48 articles et recensions publiés par La Relève entre 1934 et 1948 portent

sur des écrivains canadiens-français. (Voir Les écrivains de La Relève et la pensée romanesque. Critique et

pratique du roman chez Robert Charbonneau, Robert Élie, Jean Le Moyne et Hector de Saint-Denys Garneau, thèse de doctorat, Université Laval, 2016, p. 135.)

Relève cherche à se positionner dans un champ plus spécialisé, loin du roman à grand tirage

et davantage du côté du roman de facture classique, et particulièrement du roman catholique. Pour m’assurer que mon corpus soit aussi représentatif que possible, et vu l’importance du périodique, j’ai néanmoins tenu à en faire un dépouillement ciblé pour identifier les recensions et autres textes critiques qui portaient sur des œuvres romanesques canadiennes publiées avant 1939395.

De plus, puisque je dédierai un chapitre complet aux romans populaires publiés par la maison d’édition Édouard Garand et que les acteurs de celles-ci se retrouvent plus souvent en marge du discours médiatique, j’ai également procédé au dépouillement, par leur lecture intégrale, des suppléments « La vie canadienne » joints à la fin des œuvres romanesques de la collection « Le Roman canadien » de Garand. Ces suppléments, qui devaient ultimement devenir une revue distincte, ne sont pas recensés dans le Répertoire des journaux et des revues de BAnQ, mais demeurent pertinents dans l’analyse de contenu précisément parce qu’ils permettent d’avoir accès au discours populaire sur le roman canadien.

Pour respecter les principes de pertinence, voulant que « les documents retenus [soient] adéquats comme source d’information pour correspondre à l’objectif qui suscite l’analyse396 » et d’homogénéité, qui veut que tous les éléments du corpus doivent être « concernés par le même thème397 », j’ai aussi déterminé que je m’attacherais à dégager exclusivement le discours entourant le roman canadien, ce qui implique que je mette de côté d’autres possibilités de recherche et me limite à l’exploration d’une expression figée. Il aurait certainement été intéressant, par exemple, d’effectuer une recherche par cooccurrences des termes « roman » et « Canada », mais le dépouillement aurait été impossible à effectuer par une seule personne, étant donné que toute occurrence de ces

395 J’ai ainsi retenu les articles et recensions de Jean Chapdelaine sur Un Homme et son péché de Claude-

Henri Grignon (La Relève, vol. 1, no 1, mars 1934, p. 14-15), de François Hertel sur Menaud, maître-draveur

de Félix-Antoine Savard, (La Relève, vol. 3, no 8, octobre 1937, p. 216-219) de Thérèse Tardif que sur La Plus Belle Chose du monde de Michelle Le Normand (La Relève, vol. 3, nos 9-10, novembre-décembre 1937,

p. 270-271) et sur Seuls de Lucie Clément (La Relève, vol. 4, no 4, avril 1938, p. 122-123), ainsi que le compte

rendu de Robert Charbonneau sur Les Engagés du Grand Portage de Léo-Paul Desrosiers (La Relève, vol. 4, no 6, octobre 1938, p. 189-190). Je noterai au passage que Jean Chapdelaine affirme qu’il serait ridicule

d’étudier Lionel Groulx en tant que romancier, malgré la publication de L’Appel de la race (« L’abbé Groulx », La Relève, vol. 1, no 4, septembre 1934, p. 76-81).

396 Laurence Bardin, L’analyse de contenu, op. cit., p. 96. 397 Ibid.

deux termes n’importe où dans le périodique évalué aurait été relevée, sans qu’ils aient nécessairement des liens entre eux. Le moteur de BAnQ permet, certes, une recherche par proximité, mais identifie systématiquement tous les termes de la recherche dans les pages d’un périodique donné et le temps alloué au dépouillement s’en voit considérablement allongé. Le moteur ne permet d’ailleurs qu’un découpage par livraison, et non par phrase, comme la plupart des autres moteurs. Certains articles traitant du roman canadien, mais n’utilisant pas cette expression, référant plutôt par exemple à « notre roman », au « roman d’ici », au « roman de chez nous » ou alors s’intéressant plus précisément à certains sous- genres du roman canadien (« roman du terroir », « roman de mœurs », « roman historique », etc.), mais ne mentionnant pas explicitement le roman canadien, peuvent alors avoir échappé à la recension. Cette réalité constitue une limite de mon travail, mais ce désavantage, me semble-t-il, est compensé par la cohérence de l’objet d’étude puisque je me limite à une seule dénomination qui apparaît, au demeurant, dominante dans le discours médiatique de l’époque.

L’homogénéité de mon corpus repose également sur le type de support du discours sur le genre romanesque que j’ai retenu. La presse écrite ne constitue en effet que l’un des lieux du discours sur le roman canadien. Les conférences et les prises de parole publiques qui pourraient avoir eu pour objet le roman canadien, mais qui n’ont pas été retranscrites ne peuvent pas être prises en compte dans cette étude. De plus, mon intérêt concerne plus spécifiquement le discours public, susceptible de modifier l’horizon d’attente du lectorat quant à ce qui peut être considéré comme une forme romanesque viable et appropriée; les correspondances ou les écrits personnels d’écrivains, qui pourraient renfermer des informations sur leur vision du genre romanesque, ne seront donc pas pris en compte dans mon étude puisque ces textes demeurent dans le domaine privé et que la clameur sociale m’intéresse ici davantage que la vision personnelle des individus398.

Les textes que j’ai pu dégager à la suite de cette analyse de contenu sont de nature diverse. Louis-Serge Gill, qui, dans le cadre du dossier « Les genres médiatiques au Québec (1860-1900) s’est intéressé aux formes médiatiques des textes portant sur la littérature durant le XIXe siècle, dégage six formes de la critique littéraire au Québec : le prospectus

398 C’est également la raison pour laquelle je n’ai pas pris en compte les textes, d’abord parus dans Le Mauricien, regroupés dans Confidences d’écrivains canadiens-français (1939) d’Adrienne Choquette.