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Chapitre 3 – Le façonnement d’un espace

3.2 Architecture et urbanisme : Bath une ville d’exception

Y avait-il au XVIIIe siècle une architecture propre au thermalisme comme au XIXe siècle? Notre étude prouve que non. Seule la ville de Bath semblait jouir d’un ensemble architectural cohérent à la fin du siècle. Devenu populaire en Angleterre grâce à Inigo Jones (1573-1652), le palladianisme fut un style architectural qui s'inspira des œuvres et du style de l'architecte italien Andrea Palladio (1508-1580). Très inspiré par l'Antiquité classique, il privilégia les formes géométriques et chercha à créer une harmonie des volumes reprenant des éléments de l'architecture romaine comme des portiques, des coupoles, des galeries de colonnes. Néanmoins, on critiqua souvent sa froideur et son manque de fantaisie.

Si la ville se développa à une vitesse surprenante, ce fut sur la base d’une organisation socio-économique liée à la cure, au divertissement, au culte, aux promenades, à       

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David-François MERVEILLEUX, op. cit., p. 142. 65

l’hébergement, à l’éducation et à l’artisanat. L’espace de la ville de Bath fut également façonné par l’idéologie de John Wood croyant en la réalité du mythe de Bladud. Il favorisa la pérennisation du mythe de la ville par son architecture. Comme une grande majorité des villes du début du XVIIIe siècle, Bath laissait transparaître les vestiges d’une ville du Moyen Âge murée et confinée à un espace restreint, comme nous pouvons le constater sur l’image ci- dessous datant de 1727.

La ville de Bath en 172766Copyright © British Library Board

Lors de la période géorgienne (1714-1830), Bath connut un essor spectaculaire. Arrivé à Bath en 1727, John Wood, croyant en l’avenir de la ville et surtout en ses ressources naturelles, désira en faire un endroit quasi mythique tel que l’étaient Winchester et

      

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Auteur inconnu, « The city of Bath», 1727, Europeana, [En ligne], http://www.europeana.eu/portal/full- doc.html?query=bath&qf=TYPE:image&tab=image&start=279&startPage=277&uri=http://www.europeana.eu/ resolve/record/90700/3FD8C1F2FE95252623C427BDC77C8CC07CCC66C9&view=table&pageId=bd#, (Page consulté 12 avril 2009).

Glastonbury. Il trouva son inspiration dans le palladianisme67. Le développement architectural de la ville se fit en plusieurs phases suivant les aléas de l’histoire nationale et la construction fut souvent compliquée par la rudesse du terrain qu’il fallait aplanir à des coûts élevés. Le Queen’s Square, des appartements de style Georgien, fut construit par John Wood père en 1728. Le Circus, modèle de développement urbain, fut dessiné par Wood père en 1754 et terminé par John Wood le fils en 1768. Ce fut également ce dernier qui construisit l’ensemble résidentiel du Royal Crescent de 1767 à 1775. Finalement, le développement urbain du XVIIIe siècle fut complété par la réalisation de Bathwick sur la rive opposée de la rivière Avon, de St-James Square et de Lansdown. Le développement immobilier fut stoppé brutalement par le début des guerres avec la France en 179368. Le plan médiéval de la ville passa à un plan moderne rythmé par les squares, les crescents et les jardins somptueux, pour devenir finalement l’une des plus belles villes du siècle.

La ville de Bath en 181069Copyright © British Library Board 

      

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Annick, Cossic, op. cit., p. 59-60.  68

Annick Cossic, op. cit., p. 61-62.  69

Auteur inconnu, « Bath 25 h», 1727, Europeana, [En ligne], http://www.europeana.eu/portal/full-

doc.html?query=bath&qf=TYPE:image&tab=image&start=279&startPage=277&uri=http://www.europeana.eu/ resolve/record/90700/3FD8C1F2FE95252623C427BDC77C8CC07CCC66C9&view=table&pageId=bd#, (Page consultée 12 avril 2009).

Malgré un résultat démontrant un ensemble architectural cohérent, la multiplicité des propriétaires empêcha une réelle planification architecturale à l’exception de la ville nouvelle de Bathwick. L’essor de la ville ne suivit donc pas une logique géographique et architecturale précise70.

Les centres de soins vétustes furent également modernisés. La grande majorité des bains, qui étaient au nombre de six (The Public bath, The Lepers bath, The Hot Bath, The

Cross bath, The Queen’s Bath, The King’s Bath), étaient généralement mal protégés des

éléments et furent rénovés à partir des années 178071. Toujours dans l’esprit néo-classique, des colonnades furent construites afin de protéger les baigneurs des intempéries et de leur permettre de circuler entre les bains à l’abri des éléments. Outre les bains, le centre de la cure était la buvette, the Pump Room. « Drinking the Hot Waters is now become so Universal, that

one would imagine the Conduits of equal Magnificence to their Use […]72 ». La principale buvette de Bath, puisqu’il en existait cinq en 1742, fut construite entre 1704-1706 et constituait qu’un seul étage. Elle fut agrandie en 1751 pour être détruite et reconstruite en 1791 à la demande de la Corporation.

Puisque l’économie de la ville s’orienta vers le thermalisme et ses plaisirs, des lieux furent construits pour assurer le bon déroulement des divertissements. Deux Assembly rooms furent bâties dès 1708 pour être remplacées en 1771 par de nouvelles salles d’assemblées situées à proximité des nouveaux développements du Circus. Il y avait à Bath en 1750 deux théâtres. Le XVIIIe siècle vu également la multiplication des promenades et des jardins nécessaires à la déambulation. Pour ne nommer que ceux-ci, les North et South Parade furent réalisés respectivement en 1740 et 1743 par John Wood père. Selon Annick Cossic, ces Parades fournirent « […] au visiteur un théâtre ambulatoire somptueux […]73 ».

Nous pourrions écrire un livre entier sur l’architecture et l’urbanisme de la ville de Bath, mais tel n’est pas notre propos, toutefois un constat s’impose. Au XVIIIe siècle, la ville de Bath se tourna exclusivement vers le « tourisme thermal ». L’histoire ancienne de la ville et l’archéologie influencèrent son architecture permettant de remettre au goût du jour son       

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Annick Cossic, op. cit., p. 63-64. 71

John WOOD, A Description of Bath […], London, Printed for W. Bathoe, and T. Lownds, seconde édition, 1765, volume 2, p. 257 à 263.

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John WOOD, op. cit., p. 269. 73

brillant passé antique, accentuant ainsi son caractère mythique. La nouvelle architecture s’harmonisait parfaitement avec la principale activité économique de la ville tout en démontrant les nouvelles préoccupations urbaines de l’Enlightenment. D’abord avec le néoclassicisme, les acteurs du façonnement s’inspirèrent des villes de l'Antiquité, puis, par un souci esthétique et hygiénique, favorisèrent les grandes artères, les rues se coupant à angle droit, les places carrées très dégagées et aérées pour les cérémonies et les fêtes. En effet, le titre d’un chapitre du A Description of Bath de Wood démontre bien l’importance de ces nouvelles préoccupations urbaines : « Clensing, paving, and En lighening the streets, lanes,

walks, and publick places of Bath74 ». L’architecture de Bath fut d’abord imitée en Angleterre à Londres puis à Édimbourg pour ensuite traverser sur le continent à Spa dont les Anglais étaient si friands et à Montecatini où le duc de Toscane fit édifier les Thermes Léopoldins. La ville sembla ainsi ouvrir la voie et inspirer le développement somptueux des villes d’eaux de prestige de la fin du XVIIIe et surtout du XIXe siècle. Par son développement architectural d’une homogénéité surprenante et par son souci moderne du développement urbain, la ville de Bath était donc au XVIIIe siècle, une ville d’exception.