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La maîtrise d'oeuvre urbaine et le débat sur l'architecture urbaine

ARCHITECTE SARFAT

Le rapport rédigé par Monsieur MOTTEZ à l'occasion du Palmarès de l'Habitat 1984 est très représentatif d'une "Ecole" de pensée architecturale à qui j'ai eu l'occasion et le plaisir de faire visiter l'opération des Reinettes à CERGY.

Dans sa formulation administrative polie, ce rapport traduit, par euphémisme une expression habituellement plus tranchée qui, en fin de visite est généralement "révélée" par l'opération voisine de BUFFI agissant comme un "correcteur" d'espace et de pensée archi­ tecturale (BUFFI corrige SARFATI).

I. SARFATI ou la quête intempestive de la différence

Cette recherche "d'originalité" entraîne une série de difficultés opérationnelles :

Les difficultés d'approvisionnement

Toits en Eternit ondulé, en tuile béton de couleurs variées, en ardoise éternit, murs en briques de provenancesdifférentes, naturelles ou peintes, parpaings Besser ou ordinaires, placages de pierres meulières , céramiques blanches ou colorées, enduits lissés grattés, rustiques, ferronneries, treillages constituent pour chaque opération une véritable prouesse logistique que l'entrepreneur doit assurer au risque de déplaire, ou de se ruiner.

Les difficultés constructives

Décrochements répétés, ruptures, rajouts, débords, consti­ tuent autant de chausse - trappes que les réalisateurs, économes de leurs moyens de réalisation, de leur budget, devront éviter pour pouvoir remettre au maître d'ouvrage (qui n'en demanderait pas tant) un bâti­ ment, construit de surcroit dans des règles de l'art disparates et délica­ tes à assurer correctement. Le tout dans le cadre de prix habituel, réputé difficile à tenir.

Les Acrobaties architecturales

L'ensemble des "bonnes règles" communément admises de la composition architecturale sont ici totalement battues en brèche :

Les décors des frontons de façades sont totalement déconnectés du contexte général de la façade et produisent à plat des thèmes stylistiques distincts qui s'entrechoquent dans des répétitions antagonistes.

La déstabilisation culturelle flotte à l'aide de thèmes généralement abandonnés par les architectes au "mauvais goût" des banlieusards : fenêtres à petits carreaux, marquises, clôtures bétonnées, e tc...

II. Le projet BUFFI, voisin est tellement plus rigoureux

Quelle meilleure expression architecturale d'un parti

constructif simple, traité dans une trame économique, découpant de manière rationnelle un espace bien mesuré.

La Façade, modelée dans son épaisseur à l'aide d'un savant tracé régulateur cadre tout le projet dans un theme unificateur.

Toute l'histoire de notre formation rationaliste est insérée, avec quelque humour, dans cette parcelle très cultivée, ou quelques fleurs perverses on t, comme l'air du temps, cannelé les escaliers en fût de colonnes post modernes déjà obsolètes.

III.Le point de vue de certains architectes n'est pas le seul légitime Si mes expressions traduisent plus au fond le malaise que je suppose chez MOTTEZ, il importe de noter que seuls les architec­ tes lancent sur cette opération des traits aussi virulents. Au contraire, le profane, qu'il soit constitué par l'éventail complet de mes visiteurs cobayes : depuis ma belle-mère, en passant par les élus de toute nationa­ lité que j'ai pu convoyer entre ces deux pôles test du logement social des années 80.

Tous préfèrent et de loin l'opération de SARFATI. Le

dernier en date, Eric RHOMER, n'a pas failli à cette règle quelque

peu troublante.

Avant de lâcher le point de vue des habitants que je savais - par la rumeur insistante - favorable aussi aux Reinettes, j'ai pris la précaution d'en interviewer quelques uns, habitant l'une ou l'autre des deux opérations.

Là non plus pas de doute possible, même pour les habitants de chez BUFFI, les appartements de SARFATI sont considérés comme plus valorisants. A un point tel que pour tous, la question paraissait bizarre, suspecte, voire idiote.

3 'y ai appris également ce que j'ignorais : les loyers chez BUFFI sont plus chers que chez SARFATI, je n'en tirerai pas pour l'instant d'avantages décisifs. Troublant n'est ce pas ?

IV Le " Bonhomme" SARFATI

C'est vrai, je m'en rends compte avec mon texte, SAR FATI agace... et pourtant, il intrigue. Car les éléments patents de sa réussite architecturale et artistique sont là présents de façon indéli- bile dans la tête de chaque locataire et de tous mes visiteurs, ce consen­ sus général oblige à avancer plus en avant dans la réflexion.

Repousser SARFATI comme le fait MOTTEZ à l'aide "d'habitants bricoleurs", ou de "recoins inentretenables" rélève au plus de l'anecdote, d'autant que pour vivre les lieux depuis quelques temps, par intérêt professionnel, j'atteste que cette opération, au contraire, est jalousement préservée par ses habitants, et qu'au fil des temps ce sont malheureusement les abords de l'opération de BUFFI' qui se dégradent, victimes de la vindicte des adolescents de tout

le quartier.

Si l'on prend la peine de resituer les Reinettes dans le contexte du concours Immeuble de -Ville, apparait alors la "Bonhom- mie" de la réponse de SARFATI.

Le Quartier de CERGY-ST CHRISTOPHE composé et tracé aux limites de la grandiloquence appelait (document "quel type d'habitat") l'architecte chargé de concevoir les logements à exprimer la "résidentialité" comme contre point de "l'urbanité" dominante.

L'intimité des lieux proposée par les Reinettes, leur échelle quasi enfantine, le calme habituel des atmosphères veloutées de ces coloris et matières, renversent le propos initial.

Ne pas être sensible aux qualités ordinaires, permanentes de cette composition presque vernaculaire, c'est ne pas vouloir tenter d'expliquer pourquoi la rue de la Huchette, la rue Mouffetard, se passent de commentaires d'architectes pour expliquer leur réussite et leur "humanité".

La gaité de l'espace, la pérénité des lieux proposés par SARFATI sont une bien meilleure réponse à l'habitat que bien d'autres propositions formulées sur l'accent du monument, impropre à rendre la plénitude d'une modeste situation sociale.

Quant à l'autre possibilité d'une réponse fondée sur le choix de l'acquéreur et exprimée par des pavillonneurs profession­

nels j et formulée sur le style "Parvenu modeste" pour ne pas

dire étriqué,aide à mieux mettre en relief la "Bonhommie" de SARFATI ; elle est beaucoup plus seyante que le style de ces derniers parvenus et sur le plan de l'architecture, alors le doute n'est plus permis, et au seul bénéfice de SARFATI, qui est, quoi que puisse en penser MOT­ TEZ un bon architecte.

En terminant ces lignes, j'ai l'amère conviction que mon témoignage est encore insuffisant pour laver SARFATI d'un affront aussi injuste et imprécis que celui que lui a infligé MOTTEZ, et je sais également que le qualificatif que j'attribue à SARFATI a du mal à être plaqué sur sa personnalité plus agile, plus polyvalente, et plus paradoxale que le suppose cette apostrophe : La Bonhommie.

Lorsque les querelles de style, de clocher, et de chapelles auront rejoint les oubliettes de l'histoire de l'architecture, que seuls quelques bons livres témoigneront encore de l'histoire de notre temps Philippe SOUPAULT et André BRETON diront encore aux passants des Reinettes :

"Un jour dont on ne sait plus la couleur, nous avons découvert des murs tranquilles et plus forts que les monuments. Nous étions là et nos yeux agrandis laissaient échapper des larmes joyeuses".

L* assem blage des m aq u ettes p e rm e tta it de vérifier