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aussi contrôlée par la force, comme nous l'apprend Le Hérissé (p 284):

B ARBRES ET BOIS SACRÉS : RELIGION, HISTOIRE ET ENVIRONNEMENT

Le règne végétal occupe une place fondamentale dans la religion vodun. Les plantes sont considérées comme les enfants du ciel (Pazzi, 1979) et interviennent dans les rituels à plusieurs niveaux : plantes liturgiques, plantes indicatrices de lieux de culte ou plantes abritant des divinités, elles contribuent à structurer l'espace social. Chaque divinité ou vodun a ses plantes (ama) et ses autels, eux-mêmes indiqués par des espèces végétales caractéristiques. Bien que les arbres et les bois sacrés aient déjà été examinés dans le chapitre précédent, leur importance, tant sur le plan numérique que sur le plan religieux m'a conduite à leur consacrer un chapitre particulier dans lequel seront traitées plus précisément les origines de la sacralité de ces arbres ou des formations végétales. Nous allons voir que l'étude des lieux de culte apporte des éléments d'analyse fondamentaux non seulement pour ceux qui s'intéressent aux relations que les hommes entretiennent avec leur environnement mais aussi pour l'historien étudiant la mise en place des populations. Les sources historiques, principalement orales1, permettent de distinguer plusieurs catégories d'arbres et de bois sacrés.

1 - De l'arbre au bois sacré

Brosse (1989), dans son étude sur la mythologie des arbres2, écrit que dans toute "conception traditionnelle", les arbres ont une âme (p. 180, et suiv.), comme tous les êtres vivants, pouvant se manifester en certaines occasions. Il analyse particulièrement la mythologie celtique et antique de l'ère pré-chrétienne : tous les arbres possédaient une âme, certains d'une manière superlative, car ils étaient habités non d'un être anonyme mais d'une divinité. Ils se distinguaient à la suite d'une révélation, guérison ou manifestation oraculaire, ou bien par une singularité morphologique. L'arbre était alors isolé, protégé par des interdits, et devenait l'objet d'un culte. Ces caractéristiques se retrouvent en Afrique de nos jours, notamment dans la religion vodun.

1 Les informations recueillies dans les sources écrites sont réunies dans un tableau présenté en Annexe 3 (pp. 65-67) auquel il sera éventuellement fait référence.

2 Brosse (1989) a pris en considération dans son étude les mythologies antiques du bassin méditerranéen, scandinaves et germaniques.

a) Arbres et vodun

Un arbre sacré, dans la religion vodun, est le siège, le réceptacle, la résidence d'une divinité ou vodun. Ces arbres se reconnaissent souvent par la présence d'un pagne blanc ou d'une ceinture de feuilles de palmier, accrochés autour de leur tronc, de poteries où sont déposées des offrandes et l'existence dans leur voisinage de quelques plantes caractérisant les lieux de culte appelés maison de vodun (vodun xwe en fon) comme le Dracaena arborea et le Newbouldia laevis1.

De nombreuses espèces végétales servent de résidence à des vodun2. Celles que l'on rencontre le plus fréquemment sont l'iroko (Milicia excelsia), le baobab (Adansonia digitata) et Zanthoxylum zanthoxyloides ; mais il y a un grand nombre d'arbres qui sont soit l'objet d'un culte, soit la représentation physique d'une manifestation surnaturelle, et que l'on observe dans l'ensemble de la zone. La sacralité de ces arbres est variable : certains abritent un vodun, d'autres ne sont respectés que parce qu'ils se trouvent sur une place publique3, d'autres encore sont prédisposés à se métamorphoser en être humain, généralement une jeune fille, incarnation du vodun Dan, comme Blighia sapida, Borassus aethiopum ou Zanthoxylum zanthoxyloides  ; les chasseurs, des hommes puissants dotés de pouvoirs magico-religieux, épousaient ces jeunes filles après avoir déraciné l'arbre qui les abritaient et devenaient ainsi v o d u n

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de Dan. Ces jeunes filles pourraient être comparées aux nymphes de l'antiquité grecque. En effet, selon Brosse (1989, p. 199) le rapport existant entre l'arbre, d'une espèce définie, et la nymphe pourrait s'expliquer par le fait qu'elle était déjà en puissance, avant sa transformation, l'arbre qu'elle deviendra. Il se demande si l'être de chair n'était pas seulement l'incarnation provisoire sous forme humaine de l'esprit de l'arbre. Dans notre région, il semble bien que ce soit le cas, le chasseur déracinant l'arbre, manifestait ainsi le désir que la jeune fille ne se métamorphose pas à nouveau. Pour Brosse, ces transformations ont une signification qui correspond à une interprétation de la nature. Celle-ci définit les relations de l'homme avec les différentes espèces et donc le juste mode d'emploi de chacune.

Certains arbres peuvent être considérés comme des êtres humains; tels sont entre autres le rônier (Borassus aethiopum) et

1 Photographies n°1 et 2, Annexe 5. 2 Annexe 3, pp. 62-64.

Zanthoxylum zanthoxyloides. Ces arbres peuvent servir de résidence momentanée à des vodun, sans être l'objet d'un culte permanent. Des précautions doivent être prises si l'on veut en abattre un; le rônier sert très souvent de bois de construction, mais il ne peut être abattu sans que le vodun Fa1 ait été préalablement consulté. Il est nécessaire de recevoir son approbation et de donner les offrandes demandées. Mention doit être faite également d'une variété de palmier appelée Fade dont la traduction du terme donne "Fa.palmier à huile" et qui, comme son nom l'indique est considérée comme une épiphanie du vodun Fa. Il s'agit d'une variété de palmier à huile, Elaeis guineensis var. idolatrica, décrite par Chevalier2; entre autres caractéristiques, elle se distingue essentiellement du type par ses folioles soudées par groupe de deux, trois ou quatre, sauf à la base de la feuille où elles sont libres. Les fruits sont réservés aux usages des bokOnO pour la divination et font l'objet d'interdits de consommation3. Ces palmiers sont tous protégés et ne peuvent être abattus, mais ils ne font l'objet d'aucun culte; disons qu'ils sont simplement une manifestation du vodun Fa.

1° Rôle du vodun Fa

Ce dernier vodun joue un rôle social très important dans l'ensemble de la zone. Les individus en particulier le consulte pour connaître leur propre destinée. De même, les représentants de communautés, lignagères ou villageoises, l'interrogent sur le devenir de celles-ci. Toute manifestation extraordinaire est interprétée comme étant surnaturelle et soumise à l'interrogation du F a4 par l'intermédiaire d'un devin ou bok

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. Cette pratique est courante dans toute la région; tous les informateurs en ont parlé, soit directement, soit de façon elliptique. Les espèces végétales qui viennent d'être citées ne sont pas toutes habitées par des divinités. Elles se reconnaissent grâce

1 Maupoil, dans son étude sur la géomancie à l'ancienne Côte des Esclaves (1943) essaie de définir Fa et de le situer par rapport aux autres vodun : la plupart des auteurs constatent que Fa est le dieu, ou le génie, de la divination, l'intermédiaire entre hommes et dieux. Il est donc consulté à tout propos. Fa est vodun dans la mesure où il est inconnaissable. D'après certains de ses informateurs, Maupoil écrit : Fa n'est que le message du plus haut principe divin, Mawu. Il est un mode abstrait d'interprétation ou de révélation du passé ou du futur.

2 Photographie n°3, Annexe 5.

3 Les noix, selon la tradition, ne seraient pas comestibles. Récit de Bè (Lomé, 02/90) 4 Seuls les vodunO peuvent consulter le Fa directement pour avoir la confirmation de leurs interrogations sur la présence ou non d'un vodun.

au vodun Fa consulté par le bok

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; celui-ci révèle aux hommes par la divination l'arrivée, la localisation, le nom du ou des vodun et ce que l'on doit faire pour se les concilier. Fa est également consulté lors du déplacement d'un v o d u n et de son installation, pour savoir si l'emplacement choisi lui agrée. Il en est de même pour toute fondation de village; la fertilité du sol n'est pas un critère suffisant pour établir définitivement une communauté; la confirmation du choix doit être demandée à Fa. C'est donc le Fa qui apprend aux hommes l'identité du vodun résidant dans un arbre.

Les informateurs que j'ai rencontrés m'ont essentiellement parlé du vodun Dan et des t

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résidant habituellement dans des arbres; ce sont donc ces deux cas qui seront successivement étudiés1.

2° Le vodun Dan

Le serpent python est considéré comme un vodun2. Il s'agit ici du vodun Dangbe (Dan.gbe : "serpent-vie"), connu des Européens comme le "bon serpent". C'est la divinité la plus remarquée des voyageurs. De nombreuses descriptions de son culte sont à notre disposition; sa découverte serait liée à un événement militaire au cours duquel il serait intervenu pour assurer la victoire des Xweda sur leurs ennemis3. Son culte à l'origine est xweda et il se diffusa à travers tout le royaume après la conquête de Ouidah4. C'est donc un vodun protecteur, et il est sollicité en cas de sécheresse ou de pluies trop abondantes.

Sur le plateau d'Abomey5, où le baobab ( Adansonia digitata ) se trouve en plus grand nombre, il m'a été dit que le vodun Dan habite surtout dans cet arbre, les autres vodun sont essentiellement dans l'iroko (Milicia excelsa); à Gnijazun, l'informateur a même précisé que

1 Ceci est peut- être à mettre en relation avec l'approche historique de mon thème de recherche, car en effet le vodun Dan joue un rôle dans les fondations d'établissement humain mais il est également invoqué pour obtenir des pluies régulières assurant de bonnes récoltes.

2 Dangbe ne doit pas être confondu avec le DanAyidoxwedo dont il sera question plus loin.

3 Skertchly (1874, p. 30-31) décrit l'origine du culte du serpent. Les informateurs interrogés à Ouidah n'en ont pas conservé le souvenir à ce jour.

4 Ce qui correspond à la stratégie d'intégration des populations conquises par la conciliation de leurs divinités principales. Dan se rencontre également au Togo.

5 Enquêtes de Gnijazun(11/92), Za-johitin (07/92), Avokanzun (11/92), Kinta (07/92).

Dan n'est jamais dans l'iroko. Des variantes régionales s'observent, mais en effet dans cette région cet arbre ne semble pas abriter ce vodun, alors qu'au Sud de la dépression de la Lama, Dan réside dans les deux espèces et apparemment plus souvent dans la seconde.

A Sozun, non loin d'Abomey (11/92), l'informateur a expliqué ainsi la présence de Dan dans un baobab : Le vodun Dàn est dans kpasa (Adansonia digitata). Les personnes qui n'ont jamais eu d'enfant, ou qui n'ont fait que du mal se transforment en kpasa après leur mort et commencent à demander des choses. On va consulter Fa et on est informé; ce qu'il dit, on le fait, et quand il commence à manger régulièrement, il envoie du bien. Dans le cas de ce Dàn (qui est dans le kpasa), c'est le frère du t

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, Ayìmàdogùsu, qui n'a jamais eu d'enfant. Quand il est mort, il est venu dans ce kpasa qui existait avant, parce qu'il n'y a aucun enfant pour lui donner à manger.

Maupoil (1943, p. 61) écrit qu'il y a d'innombrables espèces de Dan, selon les lieux, et donc selon les fidèles, ce que les auteurs anciens n'ont pas manqué d'observer. Falcon (1970, p. 70) ajoute que pour certains informateurs, Dangbe est un ancêtre divinisé, ce qui va dans le sens du récit présenté1.

Toutes les informations relevées concernent des arbres parvenus à leur plus grand développement, il ne s'agit jamais d'arbres plantés. Si l'on peut parler d'association Adansonia digitata-vodun Dan dans la région d'Abomey, d'autres espèces, comme nous l'avons vu, peuvent abriter Dan, notamment le f

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ntin (Vitex doniana), particulièrement lorsqu'il abrite une ruche2. Dan interdit alors de récolter le miel, non seulement dans la ruche, mais aussi celui qui coule à terre3 et de ce fait, ces arbres doivent être particulièrement craints.

3° Le Loko

Les auteurs anciens, dont Ellis (1894, p. 49), disent que le loko est un vodun qui réside dans un arbre, identifié comme étant Milicia

1 Peut-être, à la suite de Herskovits (1967, p. 243 et suiv.), peut-on faire un rapport entre le vodun Dan et la fécondité ; généralement, comme nous allons le voir, les ancêtres divinisés sont représentés par des irokos; or dans ce cas d'absence de descendance, il s'agit d'un baobab et du vodun Dan.

2 Information obtenue à Gnijazun (O7/92).

3 Dans ce cas, on peut supposer qu'un interdit religieux semble assurer le contrôle de l'exploitation du miel, produit de cueillette qui serait peut-être surexploité si cette règle n'existait pas ou n'était pas observée.

excelsa. Cet arbre est connu en français sous le nom d'iroko, nom d'origine yoruba, et de loko en fon.

Le Hérissé (1911, p. 114) signale à propos du Loko (appelé aussi roco) qu'il y a autant de légendes du Roco que de vodoun dans les noms desquels cet arbre figure : Adanloko, Atanloko, Léléloko, Lokozoun... D'après Falcon (1970, p. 51), il faut distinguer la divinité de l'arbre lui-même; un informateur lui a dit : Loko est le dieu de la forêt qui s'incarne dans l'iroko. Or le terme loko sert aussi à désigner l'arbre en fon. Les noms du vodun et de l'arbre se confondent. J'ai recueilli des informations sur cet arbre qui ne permettent pas de clarifier la question1; voici ce que l'on m'a raconté à Gnijazun : Loko et kpasa abritent beaucoup de choses. Le vodun Dan habite surtout kpasa (Adansonia digitata) et les autres vodun le loko. Loko est un nom de vodun ; le nom de l'arbre se confond avec celui du vodun. Cet arbre est préféré des vodun.

Celui-ci est à la fois vodun et la résidence de la divinité. Il semble, bien que cet arbre puisse abriter d'autres divinités comme Dan et qu'il soit essentiellement associé au culte des ancêtres, comme nous allons le constater.

b) Arbres et histoire

Certains arbres acquièrent leur sacralité en relation avec un

événement historique et sont dans ces cas souvent liés à un culte rendu aux ancêtres; nous allons voir que les vodun ont souvent une origine humaine2 et que l'arbre sert à matérialiser un lieu que l'on peut

qualifier d'historique.

1° T

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et fondations

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est un vodun particulier à une famille (h

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nu) dont il représente généralement l'ancêtre mythique. Au cours d'une migration, les détenteurs d'un t

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l'emportent avec eux ou prélèvent une partie de sa représentation matérielle si l'ensemble de la famille n'est pas

1 Des enquêtes complémentaires seraient à envisager.

2 Adoukonou (1979) écrit que les mythes racontant l'origine des vodun les identifient à des personnes humaines.

concerné par le déplacement. Ils l'installent dès leur arrivée dans un nouveau lieu où ils fondent un nouveau village, ou bien y sont accueillis par les premiers occupants qui leur attribuent des terres. Dans la plupart des cas que j'ai rencontrés, le t

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est matérialisé par un arbre, un Milicia, parfois planté selon les informateurs et qui porte un nom1.

A Tinji, j'ai obtenu des informations très intéressantes sur un arbre planté appelé Alantan loko et qui représente un acte symbolique à l'origine de la fondation du village; l'installation du t

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montre la détermination et la volonté d'indépendance de son détenteur.

Gudugbe2 venait d'Adamè chasser ici (à Tinji) et restait longtemps sans rentrer. Les cérémonies familiales s'étant organisées en son absence, il décida de ne plus habiter la même maison que ses frères et de s'installer sur son lieu de chasse; il prit un peu du t

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Atinsu3 dans la case (d

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 : prière.case) et un "l

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zin" 4pour représenter ses ancêtres. Il prit la direction de "tan"; en chemin, il trouva une jeune pousse de lokò qu'il a enlevée et plantée non loin du marigot ("tan nu"). Il l'a arrosée et le jeune plant a pris. Il mit en place le t

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et après cela, il dit : "je ne vais plus jamais partager le t

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avec eux". Il est retourné ensuite chercher son grand frère Logo pour qu'il s'occupe du vodun parce que lui était trop jeune. Le lokò planté est appelé "Alantanloko", mais chez lui, le t

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est appelé "Atinsu". "Tan" est une source permanente et lorsqu'il l'a découverte, il a décidé de rester à côté car les animaux ("lan") viennent s'y abreuver; cela a donné son nom à l'endroit : "lantannu".

Nous voyons très bien ici la différence qui est faite entre l'arbre et le t

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; l'arbre est planté pour matérialiser l'endroit où le t

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est installé. L'installation même du t

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constitue un acte à la fois symbolique et politique, montrant la volonté d'indépendance d'un membre d'une famille et édifiant ainsi le fondement d'une nouvelle communauté.

On peut citer pour un complément d'information Le Hérissé (1905, p. 115) qui a recueilli des récits à propos de certains t

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:

1 A Adjarra : Wasaloko (planté); Lissèzun, Mase; Ouidah, Kpasè; Sozun, Adanloko; Togudo, Adanloko, tOxwyO d'Ajahuto qu'il a apporté d'Aja. A chaque fois il s'agit d'un Milicia excelsa.

2 L'ancêtre de l'informateur Gudugbenon Kinxwe Dagbetin.

3 C’est le tOxwyO des Ayinonvi de la région de Bohicon. (Adoukonou, p. 220) 4 Poterie particulière pour représenter les morts.

Les Aïnonvi houtonou, dont un des ancêtres divinisés est Atanloko, racontent que celui-ci se changea en arbre pour empêcher son âme de se perdre. Il choisit le roco qui atteint un âge très grand. C'est depuis ce temps là que les Aïnonvi offrent des sacrifices aux rocos qui croissent près de leurs cases, car ils pensent que ces arbres poussent spontanément, pour indiquer la tombe d'un individu dont toute la famille est éteinte et qui reste par suite sans aucun culte des morts.

En note il ajoute : cette croyance en la spontanéité de la naissance des rocos a occasionné un fait original. M. le Gouverneur Liotard avait recommandé le roco, dont l'ombrage est magnifique, pour le reboisement des postes et des marchés. Quand l'administrateur d'Abomey voulut commencer son semis, les indigènes le glosèrent, prétendant que les graines de roco sont incapables de germer à l'endroit où l'homme les sème.

Et de fait, il n'est jamais fait état d'un semis mais plutôt d'un transfert d'un jeune plant afin de matérialiser un lieu; dans les autres cas, comme dans le récit de cet administrateur, il s'agit d'arbres parvenus à leur plus grand développement, que ce soient le baobab ou l'iroko.

Ce récit se rapproche de celui de Sozun et du vodun Dan présent dans le Kpasa ; dans les deux exemples il s'agit d'un ancêtre mort sans descendance.

2° Arbres et événements historiques

Quand un événement important survient dans la vie d'une communauté villageoise, certains arbres sont plantés pour exprimer un souhait sur l'avenir de la communauté ou s'assurer du caractère divin d'un phénomène (comme la transformation d'un homme en vodun ou l'apparition d'un vodun). Si la plantation réussit, cela signifie que les puissances surnaturelles sont avec ceux qui l'ont faite et ce lieu devient un lieu de commémoration où les descendants organisent des cérémonies1.

1 Ces actes ne sont pas particuliers à cette aire culturelle; En France même, aujourd'hui encore ont lieu des plantations d'arbres commémoratives : le Nouvel Observateur du 3-9/06/1993 rapporte la plantation d'un chêne à Beaune (Bourgogne) par F. Mitterand et M. Gorbatchev. Les exemples sont nombreux.

A Aklaku, un arbre planté par les ancêtres dans des circonstances que l'on peut qualifier d'historiques a aujourd'hui encore une importance fondamentale pour les différents groupes ethniques habitant la ville1. J'ai fait des enquêtes auprès des Guen, des Watchi et des Kotafon et j'ai ainsi recueilli des traditions relativement différentes sur les circonstances de la plantation d'un x

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tin (Zanthoxylum zanthoxyloides) et sur le fondement de la chefferie détenue par les Guen. Si la plupart des informateurs s'accordent pour dire que Kankwe Aho, qui appartenait au clan Tugban des Guen venus d'Accra (Ghana), est bien le fondateur, le récit des événements qui suivirent diffère selon les communautés. En effet, les Guen durent imposer leur domination aux Watchi, originaires de Tado, venus s'installer dans la région d'Aklaku au début du XVIII° siècle. L'expansion territoriale des Guen se