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Chapitre Trois   L

1. Après nom inaliénable

Comme nous le détaillerons ailleurs, le mwotlap possède une centaine de noms au comportement particulier, car ils sont obligatoirement suivis d'un possesseur. Ce sont les noms dits "inaliénables", qui forment une sous-classe de noms – ex. he~ ‘nom (de)’, ulsi~ ‘cime (de)’. En ce qui concerne le possesseur de ces noms dépendants, son expression obéit à trois règles :

– S'il est anaphorisé, ce possesseur se présente sous la forme d'un suffixe possessif, ex. na-ha-n ‘son nom’, n-ôlsê-n ‘sa cime’.

– S'il est explicité, un possesseur humain référentiel est coréférencé par le suffixe 3SG -n, et se présente sous la forme d'un substantif :

ex. na-ha-n mayanag ‘le nom du chef’ ; na-ha-n na-lqôvên mino ‘le nom de ma femme’. – S'il est explicité, un possesseur non-référentiel et/ou non-humain se présente

obligatoire-ment sous la forme d'un nom sans article ; il suit la "forme nue" (non-suffixée) du nom N1: ex. na-he lôqôvên ‘un nom de femme’ ; na-he mômô ‘les noms des poissons’ ;

n-ulsi qêtênge ‘la cime de l'arbre’.

Seul ce dernier cas nous concerne ici. On peut l'illustrer par quelques exemples, où le nom N2 sans article apparaît clairement dans son rôle de qualifiant :

(164) nô-tôti bak ‘tronc de banian’

ART-tronc.de banian

n-êwe bak ‘fruits de banian’

ART-fruit.de banian

(165) na-s¼e ga ‘déchet de kava’

ART-déchet.de kava

(166) na-he et ‘nom de personne, anthroponyme’

ART-nom.de personne

na-he mahê ‘nom d'endroit, toponyme’

II - L'art de la translation

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-(167) na-tno tamge ‘lit’

ART-endroit.de natte

na-tno plên ‘aérodrome’

ART-endroit.de avion

D'une manière générale, le nom nu N2 est sémantiquement non-référentiel, ce qui correspond typiquement à cette valeur "qualifiante" dont nous parlons. Cependant, il faut signaler que s'il réfère à un non-humain, N2 garde sa forme nue (sans article substantivant), même lorsqu'il a valeur référentielle :

(168) nê-lwo qo mino ‘ma dent de cochon’ ["cochon" –réf]

ART-dent.de cochon mon ‘les dents de mon cochon’ ["cochon" +réf] Ceci constitue une exception sémantique à la tendance générale { nom = qualité [-réf] vs. substantif = substance [+réf] }. Mais cette exception est restreinte à un cas très particulier, i.e. les possesseurs non-humains d'un nom inaliénable : caractérisés par une faible individuation, ces derniers neutralisent l'opposition de référentialité, et partant le contraste entre qualité et substance.

Nous étudierons plus en détail la syntaxe et la sémantique de la possession au §B p.492. 2. Après nom aliénable dépendant

Les exemples que nous venons de voir étaient définis par N1 = nom inaliénable – et donc nécessairement dépendant ; toujours terminés par une voyelle (ex. na-he, na-tno), ces radicaux inaliénables ont tous en commun de pouvoir être suffixés en -n (ex. na-ha-n, na-tno-n). Par ailleurs, le mwotlap présente un ensemble limité de noms aliénables – incompatibles avec la suffixation–, et qui pourtant sont sémantiquement dépendants. Ils sont obligatoirement suivis d'un qualifiant / régime, qui se présente toujours sous la forme d'un nom nu :

(169) na-matheg ‘la soif’ [lit. l'envie d'eau]

ART-envie.(de) eau

na-matheg bêl ‘le désir sexuel’

ART-envie.(de) coït

(170) na-tawye hap del ‘absolument tout’

ART-totalité.(de) chose tout [lit.l'ensemble de toutes les choses]

(171) nê-vêt ganah ‘un banc de mulets (poissons)’

ART-groupe.(de) mulet

La structure 〈N1-N2〉 est également attestée lorsque N1 constitue une partie de N2, dans des syntagmes qui s'apparentent à des noms composés. Citons quelques parties du corps :

(172) na-qtêg bênê-k ‘mon épaule’

ART-début.(de) main-1SG

(173) ni-vinvin ¾eye-k ‘mes lèvres’

LES CLASSES DE MOTS ET LART DE LA TRANSLATION

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-(174) ni-sis mete-k ‘mes pupilles’

ART-sein œil-1SG

(175) nê-kle gap yê¾ê-k ‘mon cou-de-pied’

ART-dos.de crabe pied-1SG [lit. dos-de-crabe de mon pied] …ou des noms de partie d'objets, de plantes ou d'animaux :

(176) n-aqut ê¼ ‘façade de la maison’

ART-devant maison

(177) na-klêp mitig ‘base de la palme de cocotier’

ART-base.de.palme cocotier

(178) na-tweh mitig ‘fleur de cocotier’

ART-fleur cocotier (sens secondaire : riz) na-tweh tênge ‘fleur’ [lit. fleur de plante]

ART-fleur plante

(179) ni-vin vetel ‘peau de banane’

ART-peau banane

ni-vin qo ‘cuir (en peau de porc)’

ART-peau cochon peau [± réf] ; porc [–réf] On comparera les exemples (178) et (179) aux suivants, avec un nom N1 inaliénable quasi-synonyme :

(178)' na-tawhi gêvêg ‘fleur de pommier’

ART-fleur.de pommier

(179)' ni-pni qo ‘une peau de porc’

ART-peau.de cochon peau [+réf] ; porc [± réf] On rencontre également les radicaux nus après des mots dépendants, dont le statut syntaxique exact (nom ou adjectif…?) n'est pas clair. C'est le cas, par exemple, de (ba)bahne X ‘le dernier X’ (cf. bah verbe ‘finir’)1 :

(180) babahne eh ‘la dernière chanson’

dernier² chanson

bahne vônô ‘la dernière île’ (spéc. les Salomons)

dernier pays

Deux expressions quasi synonymes signifient la "quintessence de X", le "véritable X", le "X pur" : (ni-)tiy X et (n-)a¼e X. Ils sont tous deux suivis du nom seul :

(181) ni-tiy ha-n ‘son vrai nom’

ART-(quintessence) nom-3SG

1 Le mot bahne n'est pas un nom inaliénable, car il est incompatible avec le suffixe -n : *bahne-n ; en cas d'anaphore sur son régime, son suffixe a la forme -gi : (ba)bahne-gi ‘le dernier’. Cf. §2 p.349.

II - L'art de la translation

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-(182) n-a¼e et a) ‘le premier homme’…

ART-premier personne b) ‘quelqu'un de bien’ (≈ un "vrai mec")

De même, l'interrogatif (na-)han X ‘quel X ?’, se comporte lui-même comme un nom, en prenant l'article, etc. ; son régime est un radical nominal simple :

(183) na-han men ‘quelle sorte d'oiseau ?’

ART-quel oiseau

la-han metehal ‘par quel chemin ?’

dans-quel chemin

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