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© Bernard Vienne 1984

C. LA POPULATION

La population recensée à Mwotlap était de 816 habitants en 1967, 1142 en 1979, 1189 en 1989, 1418 en 1999 ; les chiffres disent d'eux-mêmes la vitalité démographique de cette population. Parmi ces habitants de Mwotlap, seule une quinzaine d'individus ignorent la langue locale, car ils sont originaires d'ailleurs : outre les épouses nées dans d'autres îles des Banks, le prêtre anglican vient des îles Salomon, le médecin et sa famille proviennent des îles Torres, les enseignants du primaire sont originaires d'autres îles du Vanuatu, et arrivent à Mwotlap en vertu du "mouvement national" de cette République… Cependant, toutes ces personnes acquièrent en quelques années une bonne maîtrise du mwotlap, langue indispen-sable à la bonne intégration sociale de ces familles immigrées ; et leurs enfants se mêlent sans problème à ceux des autochtones, au point de n'avoir vite que le mwotlap comme langue maternelle.

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-Si nous estimons pourtant à 1800 la population parlant cette langue, c'est qu'une partie des locuteurs du mwotlap se trouve en dehors de cette île. Aux 1400 résidents à Mwotlap et Aya, il faut ajouter :

– environ 80 locuteurs établis, depuis au moins deux générations, sur la côte nord-est de Vanua-lava [cf. Carte 4], dans les villages de Qa¾lap et Lal¾etak ;

– environ 160 locuteurs émigrés, de façon plus ou moins définitive, à Santo la seconde ville du pays (île d'Espiritu Santo), et regroupés en particulier au quartier-village de Mango ; – environ 100 locuteurs (?) émigrés à Vila la capitale ;

– une quinzaine de familles clairsemées dans les autres îles du Vanuatu, en particulier Ureparapara, Gaua, Ambae, etc.

Rares sont les Mwotlaviens qui se sont aventurés au-delà des frontières du Vanuatu, surtout parmi ceux qui habitent aujourd'hui dans l'île. Le plus souvent, il s'agit d'individus qui, bien qu'originaires de Mwotlap par leur famille, s'étaient établis longtemps à la ville, et avaient perdu tout usage de la langue ; du fait de leurs fonctions professionnelles ou de leurs rencontres, certains auront visité l'Australie ou l'Europe, et d'autres –très peu– y seraient demeuré : on signale une femme en France, un homme en Angleterre, etc. D'autre part, dans les années 1910, quelques hommes de Mwotlap ont été enrôlés sur les plantations de canne à sucre du Queensland australien (époque du Blackbirding), et n'en sont jamais revenus1.

Au total, ce sont donc entre 1800 et 2000 locuteurs qui composent la communauté linguistique du mwotlap, dont une grande partie vit encore au pays, concentrée sur quatre petits kilomètres carrés. Si on le compare aux autres langues des Banks ou du Vanuatu, le mwotlap est donc à l'abri d'une disparition prochaine : ce n'est pas une langue en danger.

D. VIVRE À MWOTLAP

1. Une économie paysanne

Les Mélanésiens sont avant tout des paysans : fortement attachés au lopin de terre qu'ils héritent de leurs ancêtres en vertu d'un droit familial complexe fondé sur les structures de parenté, ils cultivent essentiellement des racines et tubercules. La plante reine à Mwotlap est l'igname (ni-hnag), que l'on cuit à la vapeur soit telle quelle, soit sous forme d'un gâteau salé nommé na-tgop ; dans les cérémonies de mariage, le père du marié offre au père de la mariée de grosses ignames crues, en même temps qu'un grand na-tgop à base d'ignames – c'est dire la haute valeur de ce tubercule dans la société.

Le taro (ne-qet) est également connu, mais beaucoup moins cultivé : l'île de Mwotlap manque cruellement d'eau douce, indispensable à la culture de cette racine ; et c'est d'ailleurs précisément pour entretenir des tarodières (na-mat) que certains Mwotlaviens seraient partis, il y a quelques générations, à l'assaut des collines très arrosées de Vanua-lava. Importé au XIXème s., le manioc (na-mayok) fait également recette dans l'île ; et d'autres types de tubercules ou de légumes sont consommés régulièrement, tels que des variétés sauvages d'ignames : no-tomag, nê-dêvet… Aujourd'hui, ces légumes traditionnels sont très fortement concurrencés par la consommation quotidienne d'une grande quantité de riz,

1 Taitus Lôlô se souvient ainsi qu'un de ses grands-pères John Alfred Vahlapqo serait parti pour Bundaberg. D'autre part, on trouve dans l'annuaire australien des M. ou Mme Motlap, dont l'origine ne fait pas mystère.

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-toujours importé ; mais un mouvement très récent de retour à la tradition –depuis le début 2000– incite à revenir à la culture de l'igname.

Les fruits les plus nourrissants ne sont pas les plus sucrés : c'est le cas du fruit à pain (ne-beg ~ na-mte) ou des diverses variétés de bananes (na-ptel). Nous n'énumé-rerons pas tous les fruits sucrés qui poussent à Mwotlap, qu'ils soient anciens (litchi na-twen ; pomme canaque na-gvêg…) ou plus récents (ananas na-madap ; mangue na-ma¾go ; papaye na-mayap…). Il faut réserver une mention spéciale pour le fruit des fruits en Océanie, la noix de coco, laquelle comporte au moins sept noms ; boisson sucrée quand elle est jeune, on l'appelle nô-wôh; nourriture charnue quand elle est plus mûre –on dit alors na-mtig–, elle est souvent râpée pour en extraire la pulpe, et se retrouve dans toutes les recettes ; des bouquets de cocos verts accompagnent toujours les ignames parmi les présents du mariage [photo]. On n'en finirait pas de citer les usages non-alimentaires de ce fruit providentiel, depuis les nattes et les décorations confectionnées en palmes de cocotiers, jusqu'aux branches enflammées, employées anciennement comme torche pour s'éclairer. Plus

récem-ment, le cocotier est devenu la source d'extraction du coprah, matière première oléagineuse qui constitue les plus grosses exportations du Vanuatu, en même temps que la principale – voire unique– source de revenus financiers, pour les habitants de Mwotlap.

Enfin, c'est aussi dans des noix de coco évidées que l'on sert la boisson traditionnelle de cette région du monde, le kava. Cette dernière plante (na-ga), une variété de poivrier sauvage, tient une place particulière dans la vie des Mélanésiens : boisson narcotique réservée aux hommes de quelque importance, le kava se boit le soir, après le coucher du soleil, dans un moment de partage et de sérénité d'autant plus apprécié par chacun, qu'il vient après une journée de travail sous le soleil.

Chasse et cueillette ne sont pas inconnues à Mwotlap, d'autant plus que la végétation luxuriante s'y prête, dès lors qu'on en maîtrise les secrets. Cependant, et même s'ils sont plus terriens que marins, les habitants de Mwotlap pêchent le poisson beaucoup plus souvent qu'ils ne partent à la chasse. Il y a une bonne raison à cela : la faune terrestre est très peu développée dans ces contrées océanes, et mis à part les quelques petits perroquets ou chauves-souris que poursuivent les enfants, la terre ne présente guère d'animal sauvage. La seule exception peut-être, qui fait d'ailleurs la réputation de Mwotlap dans tout le Vanuatu, sont les délicieux "crabes de cocotier" (na-diy), qui ne se nourrissent que de noix de coco. Outre la pêche déjà mentionnée, qui s'effectue toujours en mer –à la ligne, au filet, ou au harpon– le littoral omniprésent contribue également à l'alimentation, avec ses crabes et ses divers coquillages. Les animaux que l'on élève au Vanuatu sont traditionnellement des porcs (no-qo) –dont la valeur économique et symbolique peut atteindre des sommets– et des volailles, plus récemment des bovins ; mais l'île de Mwotlap ne compte à ce jour qu'une seule vache, destinée à agrémenter le repas collectif de Noël.

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26 -2. L'organisation sociale

Bien que les habitants de Mwotlap mangent plutôt trop que pas assez, le thème de l'alimentation hante leurs références culturelles : toute cérémonie est d'abord synonyme de repas collectifs ou d'échanges de nourriture ; les cérémonies funéraires consistent symboli-quement à "manger les jours du mort" (gen nô-qô¾ mete) pour compenser sa perte ; les mariages, on l'a dit, donnent lieu à un échange de nourriture, etc.

Parmi les moments solennels concernés par la symbolique de la nourriture, figurent en bonne place les anciennes cérémonies, aujourd'hui disparues, de prise de grade dans les sociétés secrètes. Il s'agissait anciennement, pour les seuls hommes, de suivre tout au long de leur vie un parcours initiatique, au cours duquel un individu gravissait les échelons d'une hiérarchie de grades, qui en comprenait douze : tous les cinq ans en moyenne, tous les hommes se réunissaient hors du village, à l'écart des femmes et des enfants, pour une période de forclusion pouvant atteindre plusieurs semaines. Au cours de ces cérémonies dites na-halgoy ("secret"), chaque initié était invité à acheter, contre de la monnaie de coquillages (nê-sêm), le droit de "manger (le contenu d')un four", et par conséquent d'acquérir un grade supérieur dans la hiérarchie des honneurs. Néanmoins, le titre qu'il obtenait ainsi, et qui était ouvert à tous les hommes, du moment qu'ils pouvaient le payer, était plus un titre honorifique qu'un véritable pouvoir politique ; avoir été initié, ne serait-ce qu'au plus bas des grades de la hiérarchie, suffisait pour participer aux prises de décisions collectives, dans une forme de démocratie directe qui peut rappeler l'Athènes classique. Encore aujourd'hui, la société de Mwotlap n'est pas organisée selon une structure pyramidale : les hommes se réunissent régulièrement pour légiférer sur les diverses affaires de la communauté ; tout au plus chaque village délègue-t-il une partie de ses pouvoirs à deux ou trois "chefs de village" (mayanag, plutôt "un maire"), élus par les citoyens et remplacés chaque année.

Autre point commun avec l'Athènes classique, et avec presque toutes les sociétés du monde, les femmes demeurent à l'écart et des honneurs et des décisions collectives, étant censées s'occuper plutôt des affaires domestiques et familiales. Bien que leur rôle soit surtout de faire la cuisine à la maison, elles se rendent quotidiennement, au même titre que les hommes, au lopin de terre familial, pour y cultiver et y prélever la nourriture de chaque jour. Elles s'affairent également aux fourneaux –ou plutôt, au grand four creusé (na-qyê¾i) collectif– chaque fois que leur quartier ou leur village est en fête, ce qui n'est pas rare : rythmée par les travaux saisonniers aux champs et par le travail du coprah, la vie à Mwotlap est aussi sans cesse ponctuée d'occasions pour se retrouver ensemble – mariage, fête chrétienne, départ ou arrivée d'une personnalité locale… Dans tout l'archipel du Vanuatu, Mwotlap est réputée comme l'île de la fête, de la danse et du jeu ; on n'y manque pas une occasion pour jouer, chanter, danser, ou… manger. Aujourd'hui, les parties de cartes ou de volley sont venues remplacer les cérémonies initiatiques de jadis, et personne ne semble s'en plaindre. Les fêtes offrent également l'occasion de réunir tout un village, voire l'ensemble de

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-la communauté Mwot-lap, autour d'un même événement et de projets communs ; c'est alors que se construisent ou se réparent les maisons collectives, que se fabriquent les instruments de musique, que s'échangent le plus les histoires drôles et les cancans…

3. Religion et cosmologie

Depuis plus d'un siècle, les missionnaires protestants ont fait des îles Banks un pays chrétien (Bonnemaison 1986), où l'on passe presque autant de temps dans les églises qu'en dehors d'elles. Au rite anglican devenu "traditionnel", le disputent aujourd'hui trois ou quatre sectes récemment importées des États-Unis, comme les Seventh Day Adventists, qui se portent plutôt bien parmi des populations apparemment dociles. Cependant, les credos de complaisance ne s'accompagnent que rarement d'une foi profonde et véritable en un Dieu unique ; ce qui apparaît beaucoup plus nettement, c'est la vivacité qui caractérise encore, à ce jour, les croyances ancestrales dans les esprits et dans la sorcellerie, malgré l'interdit ecclésiastique.

Mais de même que la société n'est guère hiérarchisée, et semble éclatée en autant de familles et d'individus, on aurait du mal à trouver une divinité centrale au panthéon originel de Mwotlap ; même le héros fondateur Iqet a plutôt les traits humains du personnage farceur, et son identification au Dieu chrétien, ou

même à un équivalent indigène, s'explique par un syncrétisme récent1. En réalité, l'individualisme de la société se retrouve dans les croyances des Mwot-laviens : les êtres surnaturels sont éclatés en une multitude d'esprits bénéfiques, ou plus souvent maléfiques, établissant le lien entre le monde des Vivants (na-myam) et celui des Morts (Amnô). D'une façon générique, ces esprits portent le nom de

na-tmat, qu'on peut traduire à la fois comme

"défunt", "revenant", "fantôme", "diable" ou "ogre", dans les contes. Ces Esprits des Morts hantent les rochers, les forêts et les pensées des hommes, et sont commémorés sous la forme de danses sacrées. Ainsi, le même nom na-tmat, en même temps qu'il désigne les Esprits eux-mêmes, renvoie également aux anciennes sociétés secrètes qui avaient pour mission de les honorer (Vienne 1984), et donne aussi leur nom aux masques des danseurs, voire à toute forme de couvre-chef.

4. La musique et la danse

Mais s'il est vrai que certaines danses sacrées (no-yo¾yep, na-laktebes, ne-¼e, ne-qet…) émanent directement des Esprits des Morts, et sont donc réservées aux hommes initiés – passés par le na-halgoy– d'autres danses sont autorisées aux profanes, qui ne manquent jamais d'en profiter : na-mapto, na-la¾vên, na-vaybol, na-mag sont autant de moments où

1 Un mythe raconte ainsi comment Iqet envoya aux hommes son fils Jésus-Christ (Tigsas), pour leur faire découvrir la Mort, et les délivrer ainsi de leurs péchés.

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-femmes et enfants sont conviés à danser sur la grand'place du village (tenepnô). La plupart des danses sont accompagnées, ou pour mieux dire menées tambour battant, par un groupe de musiciens et de chanteurs debout au centre de la place. Tous les instruments de l'orchestre traditionnel (na-wha) sont des percussions : tambours de gros bambou (nê-vêtôy), tambour allongé à membrane de feuilles (na-tmatwoh), grosse planche de bois (na-qyê¾ malbuy) posée sur une cavité et heurtée de longs bâtons [photo supra], large tronc évidé (no-koy) et battu par trois musiciens lors des grandes cérémonies [photo infra], etc. La musique à Mwotlap est d'abord un art du rythme.

Quant à l'ingrédient mélodique, il est assuré par la voix des chanteurs. À l'instar des danses et des instruments, l'art du chant est étonnam-ment développé à Mwotlap, et les compositeurs poètes sont respectés pour leur immense savoir et leur talent. Il existe en fait deux genres principaux de chants dans l'île, correspondant à des usages, des publics et des styles bien distincts.

D'un côté, les chants nobles de la tradition (n-eh tê-nête), sont interprétés à l'occasion de cérémonies coutumières. Certains de ces chants célèbrent la personne des chefs, ou des notables suffisamment riches pour pouvoir s'offrir les services d'un compositeur (n-et bo-towtow-eh), sorte de griot qui leur composera une chanson en leur honneur ; de nos jours, en outre, ils célébreront la visite d'un évêque anglican ou d'un ministre du gouvernement du Vanuatu. Un peu l'équivalent des chants religieux de nombreuses cultures, ils sont connus essentiel-lement de quelques chanteurs âgés, plutôt des hommes, qui en maîtrisent le style grave et vibré, et qui, surtout, en comprennent le sens. En effet, la caractéristique principale de ces chants coutumiers est de n'être pas composés dans la langue commune parlée par tout le monde, mais dans une langue archaïsante, quasi ésotérique pour la plupart des habitants de l'île. Cette langue poétique, appelée na-vap non Iqet "la langue d'Iqet" du nom du fondateur mythique de la région, représente pour le mwotlap actuel, en quelque sorte, ce que la langue d'Homère était au grec classique, ou ce que l'arabe coranique est aux dialectes arabes modernes. Aussi n'est-il pas rare, pour les gens de Mwotlap, de chanter ces chants, si longs soient-ils, certes sans se tromper – mais aussi sans en comprendre un traître mot. Un simple vers de cette langue étrange, qu'on dirait venue du fond des âges, évoque tout un monde ancien, solennel, poétique aussi. Mais cet archaïsme d'apparat n'empêche pas de nouveaux chants d'être encore aujourd'hui composés –entièrement de tête– par les savants aèdes de l'île, tel Jon Stil, âgé de plus de 90 ans. Ces mélodies sont elles-mêmes classées en un nombre impressionnant de genres, en fonction de leurs premières notes, de leurs premiers mots, ou encore de l'usage auquel elles sont destinées : nê-wêt, na-wlêwlê liwo, na-male¾, no-towhiy, na-vawelop, rovaywele, rovinêvêsêgme…

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-L'autre genre musical est plus à la portée de tout le monde : d'une part, il n'est pas confiné aux augustes régions du pouvoir, mais surtout il emploie la langue de tous les jours, si bien que n'importe qui peut fredonner ces chansons populaires (n-eh Stri¾ban). Ce sont généralement les jeunes gens qui prennent leur guitare, pour entonner ces airs entendus la première fois, en général, lors d'une fête de mariage, chantés par le "String Band" du village. Paradoxalement, c'est en effet surtout lors des bals clôturant la journée des noces que se chantent ces chansons d'amours impossibles – fiançailles malheureuses qui n'eurent pas l'heur de plaire aux parents, et que l'on transforme en chansons pour ne pas souffrir tout seul. Car le plus fascinant concernant toutes ces chansons d'amour, c'est qu'elles racontent toujours l'histoire véritable d'un jeune homme ou d'une jeune fille de l'île – histoire jadis secrète d'amours adolescentes, que tout le monde, au fil des années, finit par savoir décrypter dans les allusions de chaque chanson. Il arrive souvent que l'incipit soit une date précise, comme dans notre chanson, avec parfois mention de l'année (ex. 1978) ou un prénom ; au point que chaque chanson finit par être désignée non pas par son titre, mais par le nom de son protagoniste : nok so se na-ha-n Kupa "Je vais chanter le ‘nom’ de Kupa". À ces chansons populaires, il faut ajouter des kyrielles de comptines enfantines ou de berceuses ; et il ne faut pas oublier non plus que le tiers de la journée, pour ainsi dire, se passe dans des chorales protestantes aux accents fort différents.

5. La tradition orale

Outre ces chansons qui ponctuent les heures de la journée, le folklore oral à Mwotlap se compose aussi de récits plus longs, en prose. Ces derniers sont répartis en deux grandes catégories vernaculaires. 90 % de ces narrations s'appellent na-vap t-a¼ag "paroles d'autrefois", et racontent les aventures de héros imaginaires, généralement jeunes, selon un schéma globalement récurrent – le héros se trouve confronté à diverses épreuves, qu'il réussit finalement à surmonter. Ces histoires, plutôt racontées par les (grands-) parents à l'intention des enfants, ne prétendent pas à la vérité, et se placent délibérément dans un monde merveil-leux, volontiers jugé futile et peu sérieux. En revanche, certains récits (environ 10%) sont soigneusement exclus de cette première catégorie, quand bien même ils y ressembleraient, et sont nommés na-kaka t-a¼ag "causerie d'autrefois". Ce sont plutôt des histoires que se racontent les adultes, voire les hommes initiés, dans des contextes plus sérieux, solennels. En outre, on insiste souvent sur la véracité –y compris symbolique– des faits ainsi relatés, en dépit du merveilleux qui y règne ; des preuves tangibles viennent souvent étayer ces histoires, comme des marques laissées par des Géants dans le paysage rocheux de l'île. Malgré une nuance difficile à saisir entre les deux mots na-vap et na-kaka, les deux expressions semblent bien correspondre à notre opposition entre contes et légendes. À noter, seuls les contes se

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