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Partie 1: Fonctionnement et handicap Partie 2: Facteurs contextuels Fonctions

1.3 Les approches françaises du handicap

La politique en faveur des personnes handicapées en France trouve ses racines dans l histoire (Didier-Courbin & Gilbert, 2005). C est Louis X)V qui, le premier, se préoccupe de réparer aux blessés de guerre les conséquences de leur handicap, en créant l institution des Invalides, destinée à héberger les vétérans devenus inaptes au travail. En 1919, dans le même esprit, le ministère des Anciens Combattants institue un barème d évaluation des handicaps subis par les victimes de la Grande Guerre, afin d établir un système cohérent pour le calcul de leur pension d invalidité. Notons que ce barème est resté en vigueur jusqu en , y compris pour les invalides civils (ibid.).

Cette même logique de réparation prévaut dans la loi 1898 sur les accidents de travail dans le civil, qui impose { l employeur d indemniser financièrement les infirmités acquises dans le cadre du travail. L employeur peut souscrire { une assurance pour faire face { cette obligation.

Parallèlement, dès , le ministère de l )nstruction Publique, lance, dans quelques écoles primaires, des classes de perfectionnement destinées aux enfants décrits alors comme « anormaux d école ». L objectif déclaré était de leur éviter de devenir délinquants en leur permettant de gagner leur vie. En 1949, la loi Cordonnier introduit une assistance aux infirmes (ibid.).

Toutefois, le terme handicap a été intégré officiellement dans le Dictionnaire de l Académie française dès 1913 : il a été utilisé par les travailleurs sociaux et par les associations prenant en charge les personnes présentant des « infirmités » ou des « incapacités »,

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comme moins négatif ou réducteur que ces derniers termes, surtout à partir des années 1950 (Hamonet & Magalhaes, 2003).

En 1950, le terme « handicap » est utilisé pour désigner un « désavantage », une « infériorité ». De ce fait, ce mot signifie « une personne présentant une déficience physique ou mentale qui l empêche de travailler normalement » (Robert, Rey & Rey-Debove, 1977, page 1213). C est avec l arrivée de la Sécurité Sociale, qui permet de les financer, que de nouvelles institutions se développent, avec des équipements variés, pour tenter d apporter une réponse adaptée, d abord pour les enfants handicapés, ensuite pour les adultes. Leur finalité est de leur permettre de se réintégrer dans le monde du travail (Didier-Courbin & Gilbert, 2005).

En France, l adoption de la loi d orientation en faveur des personnes handicapées fait de leur intégration une obligation nationale et initie les premières mesures visant à l accessibilité de la cité. Elle constitue le socle de la politique sociale sur le handicap pour les trente années à venir (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). Parue en 1975 au terme de longs débats, cette loi améliore les conditions de vie des personnes handicapées, même si elle traduit bien l ambivalence portée par la notion de handicap : d une part, elle déclare l obligation nationale d intégrer dans le milieu ordinaire les personnes handicapées et d autre part, organise la prise en charge du handicap dans des institutions spécialisées. Le handicap n était toutefois, en France, défini dans aucun texte { ce stade. Même la loi d orientation de en faveur des personnes handicapées, qui organise les institutions sociales et médico-sociales dédiées aux populations à besoins particuliers, si elle marquait la reconnaissance du handicap, n en donnait aucune définition. Ce n est qu { partir de , avec la nouvelle C)F de l OMS, que le handicap s apprécie par un taux d incapacité, évalué sur la base d un guide-barème, fortement inspiré de la C)(. Aujourd hui, les principes de la CIF se sont intégrés à notre société et font partie intégrante de notre paysage social. Depuis, de nombreuses mesures concernant les populations à besoins spécifiques et touchant à l accès { l emploi, { l adaptation du cadre de vie et de travail, sont venues enrichir le droit commun. Notons, en particulier, les deux réformes intervenant sur la loi française de 1975, { savoir celle de , restructurant les institutions, et celle de , affirmant l égalité des droits et des chances.

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Arrêtons-nous un instant pour examiner ce que la loi d orientation de 1975 et les deux réformes qui l ont suivie, celle de et surtout celle de , ont apporté de nouveau dans le paysage du handicap (Didier-Courbin & Gilbert, 2005).

Le début de la reconnaissance officielle du handicap est marqué par un rapport publié en 1969 (Bloch-Lainé, 1969), lequel s intéresse { la personne et aux conséquences qu elle subit plutôt qu aux causes du handicap. Ce débat va contribuer à la préparation de la loi du 30 Juin 1975. Comme le stipule Blanc (1999 page 19), « { l heure o‘ le plan [VIe] s interroge sur l avenir des populations défavorisées, ce rapport va avoir beaucoup d échos car il officialise les interrogations des spécialistes ». Bloch-Lainé (1969) propose une formulation qui annonce le changement de référentiel qui apparaitra dans la loi du 30 Juin 1975 : « Dans le type de société où nous vivons, le fondement le plus sage de la solidarité en faveur des « inadaptés » parait être le principe, ou plutôt l objectif, de « l égalité des droits » (Bloch-Lainé, 1969, page 18). Par cette formulation il met en évidence la façon dont l État s est reposé sur l initiative privée pour les questions relatives { l éducation ; la formation et la prise en charge des personnes handicapées n entrant pas dans le champ des politiques publiques. Il souligne de fait l inégalité d accès { certains biens publics qui en découle pour nombre de personnes handicapées (ibid.).

Ce rapport a été suivi de la loi d orientation de , qui pose les jalons de la politique française en vigueur aujourd hui : le droit de la personne handicapée au maintien en milieu ordinaire chaque fois que possible. Cette loi représente la transition entre une logique d assistance et une logique de solidarité. Elle pose le fondement juridique de l intégration scolaire (Didier-Courbin & Gilbert, 2005).

Dès son article premier, la loi d orientation numéro -534 du 30 Juin 1975) décrète que « la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l éducation, la formation et l orientation professionnelle, l emploi, la garantie d un minimum de ressources, l intégration sociale et l accès aux sports et aux loisirs du mineur et de l adulte handicapés physiques, sensoriels ou mentaux constituent une obligation nationale ». Notons que ce premier article a été amendé et renforcé par la réforme de modernisation sociale de 2002, qui induit la restructuration des institutions grâce { l ajout de la dimension de compensation du handicap, annonçant les évolutions législatives actuelles (Didier-Courbin & Gilbert, 2005).

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Par ailleurs, la loi de 1975 organise l effort des institutions, en séparant l effort consacré aux enfants de celui consacré aux adultes. Dans le but de désigner la personne comme handicapée, afin de lui ouvrir l accès au dispositif d intégration, elle crée, dans chaque département (ibid.) :

– une commission pour les enfants, la commission départementale d éducation spéciale (CDES) compétente pour tout ce qui concerne les enfants handicapés de 0 à 20 ans ;

– une commission pour les adultes, la Commission technique d orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) compétente pour les aides sociales (allocations et hébergement) et le travail.

A ce stade, le handicap n est toujours pas défini : « est handicapée toute personne reconnue comme telle par les commissions... » (Risselin, 1998). De fait, la question du handicap était encore peu approfondie. Les termes employés (tels que : infirmes, invalides) se réfèrent à cette date { des suites physiques de maladies ou d accidents, et n incluent pas ouvertement des troubles de fonctions intellectuelles, comme les arriérations et la maladie mentale, ces dernières relevant de la psychiatrie ou de la pédagogie.

Même l approche médicale, { savoir le diagnostic des médecins ad hoc formés pour repérer les handicaps dans le but de les soigner pour contrer leur processus morbide, ne fournit aucun indice pratique sur l état de la personne handicapée, principalement lorsqu il s agit de sa vie quotidienne et de l accomplissement de son rôle social.

C est alors qu intervient, en , le modèle de la C)(, proposé par l OMS, et qui définit trois autres plans, qui sont le lien entre le processus morbide et le « résultat » sur l état de la personne au sein de son milieu de vie. )l s agit des concepts traduits en français par «déficiences» lésion de l organe ou de la fonction), « incapacités » (restrictions du fonctionnement de la personne) et « désavantages » (subis par la personne dans la vie sociale).

Ces concepts sont la base de la Nomenclature des déficiences, incapacités, désavantages, publiée par deux arrêtés identiques, l un du ministère des Affaires sociales en , et l autre du ministère de l Education Nationale en , dont le but est de définir les handicaps dans «les travaux statistiques et les études » (Didier-Courbin & Gilbert, 2005, page 212). Ils ont donc influencé la présente politique française en faveur des personnes

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handicapées, visant { reconnaître une différence, le handicap, et générant la mise en œuvre d actions destinées { en atténuer l incidence d exclusion (Didier-Courbin & Gilbert, 2005) . Notons, dans le cadre de la « grande loi » de 1975, le décret n° 75-535 du 30 juin 1975, concernant les institutions publiques et privées. Ce texte consacre le champ médico-social déjà conçu, au cours des années 50, pour les enfants « handicapés ou inadaptés ». L Etat y confirme son engagement par le biais de l Education Nationale, mettant { disposition des moyens d enseignement, complétés par l assurance maladie pour financer le reste de la prise en charge (Didier-Courbin & Gilbert, 2005).

En réformant la loi du Juin, la France s aligne avec les textes internationaux auxquels elle a adhéré. En effet, cet accord admet que le handicap est une notion relative qui questionne nos normes sociales sur leur approche du principe général de la non-discrimination, or ce principe oblige la collectivité nationale à garantir les conditions de l égalité des droits et des chances aux personnes handicapées, quelle que soit la nature de leur handicap (Gayraud, 2006).

Depuis, de nouveaux décrets ont précisé les variantes du droit posé par la loi de 1975, le renforçant : notons la loi d orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982, laquelle stipule des mesures particulières pour les personnes à mobilité réduite ; la loi d orientation sur l éducation du 10 juillet 1989 réaffirmant le principe de l obligation éducative en faveur des enfants handicapés et la priorité { l intégration scolaire. Enfin, la loi du juillet relative { l accessibilité des locaux d habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public Ces instruments juridiques ont favorisé l autonomie des personnes handicapées et leur intégration dans le milieu ordinaire de vie (Didier-Courbin & Gilbert, 2005).

Le 11 février 2005, un deuxième amendement intervient sur la loi de 1975, introduisant l égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L amendement est notable, car il rassemble des dispositions soutenant la non-discrimination { l égard des personnes handicapées, à travers différentes législations de droit commun (éducation, logement, transports...) et des mesures spécifiques visant à compenser le handicap et { faciliter l accès aux droits et l accès { la vie sociale et publique des personnes handicapées.

43 La loi de 2005 vise un double objectif (ibid.) :

- Garantir la solidarité envers les personnes dont la situation de handicap nécessite des mesures d accompagnement spécialisées ou l attribution d une compensation financière et encourager la lutte contre la discrimination.

- Faciliter l autonomie de tous ceux qui peuvent s intégrer dans le milieu de vie ordinaire (Lasnier, 2003) en éliminant les obstacles de nature à contrarier cette autonomie.

Au lieu d une centration excessive sur la personne handicapée, comme c était le cas dans la loi de , la loi tente d articuler deux niveaux : le niveau de la définition des droits garantis aux personnes, le niveau des adaptations nécessaires de l environnement (Plaisance, 2002). La nouvelle loi aborde donc le handicap d une manière plus pratique, qui prend en compte l environnement de vie de la personne. Elle prévoit la mise en œuvre de politiques de prévention, de réduction et de compensation du handicap. Elle incite à des programmes de recherche sur le handicap visant à améliorer l accès aux soins et aux avancées thérapeutiques et technologiques. C est ainsi qu après deux années de préparation, la loi permet { la France de s engager sur la voie de la réforme et réorganisation de l ensemble du dispositif en faveur des personnes handicapées, notamment par la mise en place de maisons départementales des personnes handicapées, maisons encadrées par une équipe pluridisciplinaire.

Pour la première fois, une loi française fonde une définition légale du handicap inspirée de la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé établie en par l OMS (Gayraud, 2006). Celui-ci est défini dans l article de la loi numéro -102 du 11 février 2005 comme suit : « Art L. 114. - Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant » (Legifrance, 2005).

Avec cette définition, nous retrouvons celle du modèle original de Wood qui met en valeur le fait que le handicap est le résultat d une interaction entre certaines caractéristiques

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d une personne et des éléments de la situation dans laquelle elle est placée (Rossignol, 2010).

En se basant sur cette définition nous constatons qu une personne est dite « handicapée » à partir du moment o‘ l une de ses grandes fonctions vitales est « altérée » d une façon prolongée ou permanente, et non de façon temporaire comme la moindre maladie. Cette définition permet de cibler davantage la population considérée comme porteuse de handicap.

Dans cette loi, il existe bien, conformément à la CIF, une définition légale des avantages octroyés à la personne handicapée, laquelle comprend la notion de limitation d activités et de restriction de participation sociale ainsi que le rôle de l environnement. Cependant, les processus { mettre en place pour l application de la loi présupposent une désignation préalable de la personne comme handicapée, si elle veut se voir autorisée à demander une compensation, et { faire valoir un droit { l évaluation du handicap et { l élaboration d un plan personnalisé de compensation. Or, seule une évaluation bien conduite permet d apprécier les restrictions d activité et de participation sociale, conséquences des déficiences, qui constituent le handicap. Cette évaluation relève à présent des maisons départementales. En effet, le système d information en matière de handicap en France va se structurer autour des nouveaux dispositifs mis en place par la loi du 11 février 2005 : les maisons départementales des personnes handicapées et la Caisse nationale de solidarité pour l autonomie. Ces points seront développés dans la partie . (page 131) « la scolarisation des élèves à besoins spécifiques ».

En guise de conclusion, cette partie a permis de retracer l histoire de la notion du handicap et d aboutir au modèle utilisé de nos jours pour en décrire le concept et donner une définition opérationnelle du handicap. En effet, cette notion a subi beaucoup de modifications et de clarifications au fil du temps. Cette évolution conceptuelle internationale dans le champ du handicap a amené une reconnaissance de la place des facteurs environnementaux dans la marginalisation et l exclusion sociale des personnes en question. Paralèllement { l évolution terminologique, des lois ont été élaborées pour améliorer les conditions de vie des personnes présentant un handicap. L une de ces conditions est l intégration scolaire qui est posée par la loi d orientation de , ce qui a abouti à la création de structures telles le CDES. Ajoutons que la loi du 11 fevrier 2005,

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annoncant l égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a introduit des dispositions pour encourager la non-discrimination. Cela est fait à travers differentes législations de droit commun, mais ce qui nous intéresse dans le cadre de cette recherche est le niveau éducatif où des mesures particulières ont été mises en place pour compenser le handicap et faciliter l accès aux droits { l éducation. De même, la loi a pris en compte l environnement de la personne tout en proposant des politiques de prévention, de compensation et de réduction du handicap. Ce qui rejoint d une façon ou d une autre l origine du mot « handicap » où la personne présentant un handicap est avantagée. Au niveau de l éducation des EBS, l avantage réside dans le fait qu elle s adapte { leurs difficultés sous différentes formes, telles que le recours à l'accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire pour l aide-individuelle (AVS-I) ou un auxiliaire de vie scolaire pour l aide -mutualisée (AVS-M) et à des matériels pédagogiques adaptés concourant à rendre possible l'accomplissement de la scolarité (Ministère de l Education Nationale, 2012).

Rossignol a comparé la vie sociale a une compétition sportive, dans le cadre de cette thèse, nous rapprochons l éducation ou l apprentissage des EBS { une compétition sportive, au sein de laquelle la réussite scolaire repose sur des compétences, et le handicap de l élève est perçu comme un obstacle qui affecte les chances d acquérir ces dernières et de réussir au niveau scolaire.

Comme déjà présenté le champ du handicap est très vaste, contenant plusieurs déficiences o‘ chacune demande des adaptations propres { elle. Ainsi que précisé dans l introduction de cette recherche, notre étude n abordera pas toutes les formes de handicap, mais ciblera plutôt une déficience bien déterminée, la déficience intellectuelle. C est ce dont il sera question dans le chapitre suivant cette thématique issue du concept du handicap.

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2 La déficience intellectuelle

Ce deuxième chapitre a pour objectif de poser un cadre théorique amenant une compréhension approfondie de la déficience intellectuelle, de ses caractéristiques, et de situer les difficultés des EDIL surtout au niveau éducatif. Il se divise en cinq parties. En premier lieu, nous exposerons l historique de la déficience intellectuelle, tout en montrant l évolution de sa terminologie dans le temps. En second lieu, nous aborderons brièvement la situation de la déficience intellectuelle en France et de la scolarisation des EDIL. Par la suite, nous examinerons plusieurs définitions du concept « déficience intellectuelle », ainsi que leurs explications et les mots clés qui les caractérisent, dans le but de mieux cerner la population objet de cette recherche.

En troisième lieu, nous distinguerons les caractéristiques cognitives et affectives de la déficience intellectuelle. Ensuite, nous verrons ses principales causes. Enfin, nous traiterons brièvement les diverses catégories de déficience intellectuelle.