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L’approche sociocognitive de la norme d’internalité (Dubois, 1994) a permis de mettre en évidence l’influence des contextes socio-éducatifs dans l’apprentissage social de la norme

d’internalité. Nous avons vu que l’enseignant joue un rôle important dans l’apprentissage de

cette norme et que le type de pédagogie a des effets différents sur les connaissances

normatives acquises. Conformément à la littérature évoquée dans le chapitre 1, des pratiques

pédagogiques autoritaires favorisent le développement de la clairvoyance normative

(Channouf et al., 1995; Dubois & Le Poultier, 1993; Jouffre, 2007). La clairvoyance

normative renvoie à la mobilisation des explications adaptées au contexte sans nécessairement

adhérer à la valeur des explications causales internes (Py & Somat, 1991; Somat & Vazel,

1999). De plus, nous savons que les parents sont des agents de socialisation apprennent

également les valeurs sociales à leur enfant (Dubois, 2009; Grusec et al., 2000). De ce fait, ils

contribuent à transmettre l’internalité, par l’intermédiaire de leurs pratiques éducatives.

Comme les pratiques pédagogiques, les pratiques éducatives parentales autoritaires favorisent

la clairvoyance normative alors que les pratiques démocratiques contribuent à la mobilisation

spontanée des explications internes (Beauvois et al., 1995; Bouissou, 1996; Carton &

Nowicki, 1994; Lifshitz, 1973). De plus, nous avons pu constater que l’internalité peut être

apprise par le renvoi de feedbacks explicatifs ou par le renforcement des explications causales

(Andrews & Debus, 1978; Dubois & Beauvois, 2002; Försterling, 1985; Knight, 1994; Perry

& Penner, 1990; Robertson, 2000; Schunk, 1984; Schunk & Cox, 1986; Ziegler & Stoeger,

2004). Toutefois, nous pensons que ces deux types d’apprentissage n’ont en réalité pas les

mêmes effets. En effet, le renvoi de feedbacks explicatifs permet certainement d’apprendre à

mobiliser un type d’explications causales par un effet de fréquence associé à un certain type

d’événement. En revanche, le renforcement des explications causales est un apprentissage

renvoyant un feedback évaluatif (positif versus négatif) associé à un type de réponses. L’étude

de Bandura et McDonnald (1963) montre que le renforcement positif associé à un certain

style de réponses permet d’apprendre à l’enfant à utiliser ce style de réponses, même si

celui-ci est opposé au style initial de l’enfant. Ainsi, ce type d’apprentissage permet certainement à

l’enfant d’acquérir la valeur associée à un certain type de réponses. De ce fait, nous pensons

que les feedbacks évaluatifs indiquant que le registre explicatif interne est approuvé et que le

registre explicatif externe est désapprouvé, permet d’indiquer la valeur versus la

dévalorisation des explications causales. Il est donc possible que ce type d’apprentissage

favorise la clairvoyance normative. De plus, l’hypothèse de Guingouain (2001) va dans ce

sens. Néanmoins, comme nous l’avons expliqué précédemment, sans remettre en cause

l’hypothèse de Py et Somat (1996) ainsi que celle de Guingouain (2001) considérant la

clairvoyance normative comme relevant d’une activité métacognitive, nous défendons la

possibilité que la clairvoyance normative, comme les connaissances relatives à la norme

d’internalité manifestées à travers le jugement et la production spontanée, renvoie à un

ensemble de connaissances issu d’un apprentissage implicite et activé automatiquement en

fonction du contexte social en cours. De plus, à partir de la simulation de Van Overwalle

(2007), nous avons fait l’hypothèse que les deux registres d’explications causales étaient régis

par des processus automatiques activés en fonction du contexte. Autrement dit, nous pensons

qu’en fonction des feedbacks explicatifs internes et externes reçus, ainsi que la présence ou

l’absence de feedbacks évaluatifs associés, l’individu apprend à mobiliser un registre

explicatif et/ou lui associer de la valeur.

Nous avons choisi, de tester nos hypothèses à l’instar de Van Overwalle (2007), en

élaborant une modélisation connexionniste. Ce choix est motivé par le fait que nos hypothèses

réfèrent à l’apprentissage implicite et la production de réponses différentes en fonction des

contextes, or les réseaux de neurones sont des outils adaptés pour simuler ces processus. De

plus, il est possible de simuler avec un modèle connexionniste des conflits de valeurs. Cela

nous intéresse, car étant donné qu’aucune étude ne prend en compte simultanément les effets

de la valorisation des explications causales des deux agents de socialisation majeurs pour

l’enfant (i.e. ; parents et enseignant), cela nous permettra d’exposer par exemple des sujets

virtuels à la valorisation des explications internes véhiculées par les enseignants et à la

valorisation de l’externalité par les parents, et relever ensuite leurs effets sur la production

explicative des sujets virtuels. Notre modèle connexionniste servira donc d’une part, à

manipuler des conditions d’apprentissage et d’autre part, à simuler l’évolution de sujets

virtuels dans celles-ci. Ce type d’expérimentation ne serait pas réalisable en tant que tel chez

l’être humain. En effet, il serait difficilement envisageable de manipuler pendant une longue

période les feedbacks reçus. En outre, cela pose des questions éthiques. Dans quelle mesure

un chercheur peut-il se permettre de faire devenir un individu interne et un autre externe,

clairvoyant versus non-clairvoyant ? En sachant que l’externalité n’est pas valorisée, cela

serait préjudiciable pour l’individu. Par l’intermédiaire de l’approche connexionniste nous

allons donc pouvoir réfléchir sur la manière dont s’acquièrent les connaissances relatives à la

norme d’internalité en utilisant un laboratoire virtuel. Avant de présenter la démarche

connexionniste que nous avons entreprise, nous allons consacrer le chapitre suivant à un

exposé synthétique de la perspective connexionniste. Nous allons notamment voir les

avantages de celle-ci pour le chercheur avant même de faire des expérimentations sur les

sujets humains.

Chapitre 3. La perspective connexionniste dans la recherche en

Psychologie.

Dans ce chapitre, nous allons voir comment le connexionnisme peut contribuer à la

réflexion théorique. Le connexionnisme est une perspective scientifique qui s’applique à une

discipline (Bechtel & Abrahamsen, 1993), comme la Psychologie. Ainsi, cette perspective a

été mobilisée dans différentes sous disciplines, comme la Psychologie cognitive (Rumelhart

& McClelland, 1986), la Psychologie clinique (Nair, Nair, Kashani, Reid, & Rao, 2001) et la

Psychologie sociale (Read & Miller, 1998 ; Smith, 1996). Cette perspective permet de

raisonner au niveau théorique en créant un modèle à partir d’un réseau de neurones. Un réseau

de neurones artificiel est un algorithme mathématique représentant le traitement de

l’information et permettant de construire des modèles du traitement de l’information

permettant de simuler les comportements humains (Haykin, 1997). Dans l’approche

connexionniste, la représentation des connaissances diffère des modèles symboliques de la

cognition. Ces derniers considèrent l’activité mentale comme résultant de règles de

production de type « si…alors » (Anderson, 1996). Contrairement aux modèles symboliques,

il n’existe pas dans les modèles connexionnistes de mécanisme de récupération d’une

information stockée dans un module de mémoire. L’accès aux connaissances se fait en

recréant les expériences passées par l’intermédiaire d’un traitement de l’information activant

les cellules en parallèle. Ces cellules n’ont pas de signification en elles-mêmes, seule

l’activation de l’ensemble des cellules génère du sens. Rumelhart et McClelland (1986)

parlent de représentation distribuée des connaissances.

Les réseaux de neurones sont des outils logico-mathématiques, permettant de