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VIOLENCE = REACTION DU GROUPE

4- L'APPROCHE ETHOLOGIQUE :

L'approche éthologique s'est centrée sur l'étude de l'animal dans son milieu naturel. Elle a tenté d'établir certaines corrélations entre l'agressivité animale et les fonctions d'adaptation. Existe-t-il chez l'animal une véritable appétence au combat, une impulsion d'agression de base ou bien l'agression est elle réactionnelle conséquence d'une frustration ou d'une provocation extérieure ?.

L'agressivité et l'agression chez les animaux peuvent exister à deux niveaux.

L'agression intra spécifique au sein de la même espèce et l'agression entre animaux de différentes espèces.

Les éthologues tels que Tin Bergen- Eibl et Lorenz ( cités par De Ajurriaguerra) ont abouti aux mêmes constats.

1/ Chez les animaux le rapport de prédation est le facteur déclenchant de l'agressivité et des affrontements. Cependant les combats ne sont pas particulièrement atroces et cruels.

L'agressivité est libérée par la peur et l'incapacité de fuir, l'animal attaqué résiste violemment.

2/ L'agressivité fonctionne comme un instinct, elle est précise, programmée et automatique. Elle est souvent déclenchée par des stimuli externes.

3/ Elle a des fonctions précises comme la répartition territoriale ou la sélection de partenaires sexuels, elle permet aussi l'établissement de hiérarchies sociales. Les animaux luttent souvent entre eux lors de la fondation d'un territoire.

Ils deviennent aussi agressifs si ce territoire est violé par d'autres espèces.

Cependant il existe aussi chez les animaux des mécanismes puissants de blocage de l'agressivité qui entrent en action dans certaines situations précises.

- Chez l'adulte animal face a un autre congénère plus jeune. - Chez la même face aux petits.

- Chez le vainqueur face au vaincu.

Il existe chez les espèces animales une véritable hiérarchie sociale instaurée par la force à la suite de combats réels.

L'agressivité devient hiérarchisée ; c'est la loi des males les plus robustes.

4/ L'agressivité a de faibles capacités de destruction ; non seulement les armes des animaux sont limités, ils sont aussi les mêmes pour les adversaires (griffes, cornes, dents) mais ils sont associés à des rituels qui limitent les incidents et diminuent l'agression. Quelquefois la posture de menace qui est le premier pas avant le combat et qui permet d'évaluer la force des adversaires, fait fuir le plus faible.

Il y a même selon Pirlot , un code d'honneur chez les animaux qui permet au vainqueur d'épargner le vaincu parce qu'il s'est soumis. L'agression prend ainsi fin et l'agressivité diminue progressivement.

4-1- L'agressivité selon Lorenz:

Lorenz (1969) est parmi les éthologues célèbres qui ont étendu l'éthologie animale au comportement humain. Comme Freud, Lorenz est un instinctiviste invétéré. Pour lui l'agressivité est un instinct alimenté et nourri par une énergie permanente.

Il récuse l'idée des behavioristes de l'influence du milieu et des stimuli extérieurs. L'animal ou l'homme selon lui, n'ont pas besoin d'attendre les stimuli pour libérer leur énergie.

Ils les créent souvent eux même ; c'est ce que Lorenz appelle le comportement appétitif. Il définit l'agressivité comme une excitation interne, incorporée, qui cherche à se libérer ; elle est spontanée et redoutable.

Lorenz a présenté un modèle de l'agressivité semblable au modèle de la libido de Freud. Il est appelé modèle hydraulique en comparaison à la pression de l'eau enfermée dans un récipient.

L'agressivité est une énergie tendue et sous pression et prête à exploser.

Lorenz voit dans l'agressivité une nécessité pour la survie, il s'appuie sur l'étude de l'animal chez qui l'agressivité et par son biais l'agression, sont nécessaires pour établir l'ordre et la hiérarchie.

La ritualisation permet l'évitement du meurtre et la conservation de l'espèce. Mais comparativement à l'animal, l'instinct de l'agressivité s'est dénaturé chez l'homme. Il n'est plus au service de la vie ; il est devenu une menace. L'homme est porteur de gènes destructifs qu'il a hérités de ses ancêtres.

Les premiers hommes sauvages dont la guerre était l'état naturel. C’est donc une reconnaissance de l'innéité de l'agressivité chez l'homme, Lorenz dit:

"Il est plus que probable que cette quantité néfaste d'agressivité dont une hérédité malsaine pénètre encore l'homme d'aujourd'hui jusqu'à la moelle, provient d'une sélection intra espèce qui a agi sur nos ancêtres pendant plusieurs millénaires lors du paléolithique inférieur". Il ajoute aussi :

"A peine l'humanité eut elle atteint un stade où grâce à ses armes, ses revêtements, son organisation sociale elle était capable de tenir a peu prés en échec les charges et les menaces de l'extérieur, ceux-ci cessèrent d'être les facteurs essentiels de la sélection. C'est alors que commença une sélection intra espèce nuisible. Le facteur sélectif était alors la guerre entre hordes voisines d'hommes ennemis"

La théorie de l'agressivité de Lorenz a rencontré des critiques assez sévères, d'abord en ce qui concerne cette idée de l'existence de gènes à tendance meurtrière chez l'homme, qui lui ôtent toute responsabilité dans les crimes commis et expliquent son penchant pour la violence par les facteurs biologiques qui échappent a son contrôle. Pour Fromm(1975), même si Lorenz avait raison en ce qui concerne la permanence de l'état de guerre pendant le paléolithique inférieur, son résonnement génétique est à remettre en cause. Dans la mesure ou les porteurs de gène sont censés diminuer vu leur extermination par les ennemis, la transmission à la descendance ne peut se faire réellement. D'un autre coté, ce qui est reproché à Lorenz, c'est sa tendance à justifier l'agressivité de l'homme et les pulsions meurtrières sans pour autant étayer sa théorie hydraulique de preuves tangibles.

Un autre aspect sur lequel les critiques ont été unanimes, c'est que Lorenz est parti de l'observation d'animaux jugés inférieurs, ( oies, oiseaux,poissons) pour les appliquer à l'homme, qu'il ne connaît point puisqu'il n'est pas inclus dans son champ d'étude. Selon Fromm, Lorenz a procédé par analogie, ce qui n'est pas une preuve scientifique. Selon lui, la connaissance de Lorenz de l'homme ne dépasse pas celle du profane ; il ne l'a pas perfectionné par une observation systématique ni par une fréquentation suffisant de la littérature.

Lorenz a aussi généralisé son propre vécu, ses expériences personnelles à tous les hommes, sans penser que sa conception de l'amour et de la haine est aussi remise en cause. Il décrit une fusion totale entre les deux pulsions ( les deux instincts) une interaction totale. Le passage de l'un à l'autre se fait sans transition- l'individu passe de l'amour à la haine, sans toutefois abandonner le premier sentiment. Les propos de Lorenz sont très significatifs. "Il n'y a pas d'amour sans agression". A l'encontre de l'agression ordinaire, la haine est toujours dirigée contre un individu exactement comme l'amour… Probablement on ne peut vraiment haïr que là où on a aimé et où en dépit de toutes les dénégations, on aime toujours".

Lorenz va plus loin dans ses assertions en évoquant l'enthousiasme militant des êtres humains au nom duquel ils peuvent commettre des atrocités, sans pour autant éprouver des sentiments de culpabilité.

Par ailleurs, il pense que cette propulsion meurtrière est connectée de plaisir, donc sadique, fait partie de la nature humaine. Elle est donc universelle. ce qui semble intolérable pour la plupart des critiques et surtout pour Fromm:

"Affirmer que l'homme est prompt a connaître des atrocités des que le drapeau est déployé serait une excellente défense pour ceux qui sont accusés de violer les principes de la convention de Genève".

L'approche de Lorenz de l'agressivité, surtout animale nous parait pertinente dans la mesure ou elle génère la conservation de l'espèce et permet l'instauration d'une loi, d'une hiérarchie presque sociale, semblable de par sa structure a celle de l'être humain. Elle devient aporique et paradoxale.

Il ressort de l'attitude de Lorenz une idéologie politique xénophobe et raciale.

Il accorde à l'individu le droit de détruire son prochain sans inhibition morale, parce qu'il est différent et qu'il ne lui ressemble pas. N'est ce pas les mêmes préceptes véhiculés par l'idéologie et la propagande nazie avant et pendant la deuxième guerre mondiale ? les propos de Lorenz sont très significatifs : " même si en tant que patriote, je ressentais une hostilité envers un autre pays, je ne pourrais pas malgré tout souhaiter de tout cœur sa destruction si je prenais conscience qu'il comprend des gens travaillant comme moi avec enthousiasme dans le domaine des sciences inductives, vénérant Darwin….je trouverais impossible de haïr un ennemie qui partagerait avec moi ne serait qu'une seule de mes identifications avec des valeurs culturelles et éthiques ».

La position de Lorenz est transparente- celui qui n'est pas comme moi doit mourir, la suprématie du narcissisme fondamental est évidente.

Cependant, Lorenz fait preuve d'ambivalence quant a ses conclusions sur l'agressivité humaine. Il dévoile un malaise et donne l'impression de vouloir atténuer ses premières

allégations déplaisantes et inacceptables par la création de 4 préceptes fondamentaux dont l’objectif est la canalisation et l'atténuation de cette agressivité fondamentale.

1/ Le premier précepte est régi par la consigne suivante "connais toi toi-même" selon lui, l'individu doit remonter loin dans le passé vers les premières lois de l'évolution pour comprendre son comportement et les enchaînements causaux qui le régissent.

Nul n'ignore selon Fromm l'attachement ou plutôt l'idolâtrie de Lorenz pour Darwin, le maître de la théorie de l'évolution.

2/ La sublimation en psychanalyse est un mécanisme qui permet à la tendance sexuelles de renoncer au plaisir en la détournant vers des activités sociales hautement valorisées.

Lorenz a fait l'ébauche de la sublimation sans s'y attarder, ni l'approfondir, sa connaissance de la psychanalyse et des écrits de Freud étant limités, voir inexistants. Selon Fromm, Lorenz ne connaît Freud que par ouie dire.