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APPROCHE DIALECTIQUE ASSISE SUR DES DONNEES ET DES DEMARCHES INTERDISCIPLINAIRES

83 . Les nombreuses sources académiques disponibles (§1) doivent être reconsidérées selon l’approche historique et dialectique que nous avons définie plus haut (§2). Elles seront également passées à l’épreuve de l’interdisciplinarité (§3). Enfin l’immersion de l’auteur dans la société et l’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie ne peut être dissimulée de manière à signaler aux lecteurs que les développements seront nécessairement emprunts d’une certaine subjectivité (§4).

§1| Les sources académiques relative aux institutions de Nouvelle-Calédonie

84 . Le sujet retenu consiste à saisir l’« approche dialectique du système juridique et institutionnel en Nouvelle-Calédonie ». Il y a dans ce sujet nécessité de recourir à plusieurs approches, historique, ethnologique, anthropologique et de sciences politiques.

85 . D’un point de vue juridique, le champ est vaste et de nombreuses études74 de plusieurs types ont été produites sur la Nouvelle-Calédonie, analysant les systèmes institutionnels mis en place par les Accords de Matignon et de Nouméa.

74 DE DECKKER Paul et KUNTZ Laurence, La bataille de la coutume et ses enjeux pour le Pacifique Sud, L’Harmattan, coll. Mondes Océaniens, Paris, 199 , 237 pages;

FABERON Jean Yves, Des institutions pour un pays: la Nouvelle-Calédonie en devenir, PUAM, coll. Droit d’Outre-mer, Aix-en-Provence, 2012, 291 pages ;FABERON Jean-Yves, L’avenir statutaire de la Nouvelle-Calédonie. L’évolution des liens de la France avec ces collectivités périphériques, La Documentation française, coll. Notes et Etudes documentaires, Paris, 1997, 276 pages

FABERON Jean-Yves, FAYAUD Viviane, REGNAULT Jean-Marc (dir.), Destin des collectivités politiques d’Océanie : peuples, populations, nations, Etats, territoires, pays, patries, communautés, frontières, PUAM, t.

I, Aix-en-Provence, 2011, 861 p.;

DE DECKKER PAUL, FABERON Jean-Yves (dir.), La Nouvelle-Calédonie pour l’intégration mélanésienne, L’Harmattan, Paris, 2009, 288 p.;

FABERON Florence (dir.), Diversité de la démocratie. Théorie et comparatisme : les pays de la Mélanésie, L.G.D.J./Lextenso éditions, coll. Centre Michel de l’Hospital, Paris, 2016, 602 p.; FABERONJean-Yves,

86 . Sur le pluralisme juridique issue des accords de Matignon et de Nouméa, on relève les travaux publiés75 notamment par Régis LAFARGUE sur la « justice coutumière » qui rejoignent les monographies publiées par le juge Eric RAU sur la coutume kanak et sur la vie juridique des indigènes de Wallis et Futuna. L’accent doit être mis également sur les travaux conduits par le Sénat coutumier au travers des projets de lois du pays ainsi que des collaborations avec Anne Lise MADINIER et un partenariat Sénat Coutumier76/CNDPA/ Université d’Ottawa, sous la responsabilité des professeurs Ghislain

Des institutions pour un pays: la Nouvelle-Calédonie en devenir, PUAM, coll. Droit d’Outre-mer, Aix-en-Provence, 2012, 291 p.;

FAUGERE Elsa et MERLE Isabelle, La Nouvelle-Calédonie : vers un destin commun ; Karthala, Paris, 2010, 264 pages

GARDE François, Les institutions de la Nouvelle-Calédonie, L’Harmattan, coll. Mondes Océaniens, Paris, 2001, 350 pages

ORFILA Gérard, Régime législatif, réglementaire et coutumier de la Nouvelle-Calédonie, L’Harmattan, coll.

Collection Logiques juridiques, Paris, 2000, 159 pages

DAVID Carine et Jean Gicquel, « Essai sur la loi du pays calédonienne : La dualité de la source législative dans l'état unitaire français » l’Harmattan (15 janvier 2009).

75 LAFARGUE Régis, La coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie, PUAM, Aix-en-Provence, 2003, 307 pages, « La coutume face à son destin: réflexions sur la coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie et la résilience des ordres juridiques infra-étatiques », L.G.D.J, coll. Droit et société. Recherches et travaux, n° 22, Paris, 2010, 417 pages

RAU Eric, Institutions et Coutumes Canaques, Collection Fac- imilés Océaniens, L’Harmattan, 2005 LECA Antoine, ntroduction au droit civil coutumier kanak, PUAM, coll. Droit d’Outre-mer, Aix-en-Provence, 2016, 147 pages

76 Convention de partenariat 2014/2018 sur le thème « État et cultures juridiques autochtones : un droit en quête de légitimité », Sénat coutumier/CNDPA et La Chaire de recherche du Canada sur la diversité juridique et les peuples autochtones, Université d’ Ottawa.

MADINIER Anne-Lise, « Contribution à la reconnaissance d’un droit autochtone kanak en Nouvelle-Calédonie » - Le droit français républicain et de l’Accord de Nouméa à l’épreuve des principes autochtonistes du droit international public - Contrat de collaboration scientifique 2290/2011 /SC/GM- Entre le Sénat Coutumier de Nouvelle-Calédonie et Le Centre de Recherche sur les ransformation de l’Action Publique de l’Université de Perpignan Via Domitia

CORNUT Etienne, Recherche réalisée avec le soutien de la mission de recherche – Droit et Justice, convention n° 214-02-18 14 – Equipe Larje UNC, Equipe de droit privé –Université Jean Moulin Lyon 3- Responsables scientifiques – Etienne CORNUT, Maître de conférences HRD-Larje et Pascale DEUMIER, Professeur équipe de droit privé –Décembre 2016 ; Note sur les événements de Nouvelle-Calédonie, n° 4913 AP/6, Paris, 27/06/1958 (ministère des Affaires étrangères, Océanie française, 13). ; Manifeste pour la sauvegarde des institutions politiques de la Nouvelle-Calédonie et le respect des principes républicain et démocratiques, Nouméa, 23 janvier 1962 (centre des Archives contemporaines, 950175/8).

OTIS et François FERAL. ur la question de l’intégration de la coutume dans le corpus judiciaire Calédonien, un groupe de recherche universitaire conduit par Pascal DEUMIER et Étienne CORNUT a présenté en début 2017, un rapport exhaustif, dont l’intérêt est de mettre en évidence les apports constitutionnels de l’accord de Nouméa.

87 . Ces quinze dernières années, l’association « Maison de la Mélanésie » sous la houlette du professeur Paul DE DEKKER et du professeur Jean-Yves FABERON ont organisé de nombreux colloques sur les thèmes de société qui intéressent la société calédonienne. Un certain nombre d’études ethnologiques et anthropologiques sur le monde kanak et sur la Mélanésie ont également été publiées mais très peu d’études en sociologie.

Curieusement, il est à noter qu’il n’y a pratiquement pas d’étude anthropologique sur les pratiques des populations de colons, d’anciens bagnards et des populations calédoniennes en général. Les anthropologues et sociologues sur-pâturent et inondent le monde scientifique d’études portant sur l’étrangeté du monde kanak... mais ils s’intéressent très peu au monde colonial, à ses transformations et à ses évolutions.

88 . Plusieurs thèses ont été produites, notamment par Carine DAVID sur « les lois du pays », par Jean Baptiste MANGA sur les « Pérégrinations du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », par Léon WAMYTAN sur « Le droit de la colonisation et le droit de la décolonisation » et en 2018, par Anne-Lyse MADINIER sur « L’Etat-nation face à la revendication autochtone :Essai sur les institutions juridiques kanak »

89 . Enfin, il n’y a pratiquement pas de recherche sur la portée des montages institutionnels et administratifs hormis l’étude menée par Carine DAVID sur les lois du pays. D’une manière générale, les études menées en matière de structuration institutionnelle et de science de l’administration sont plutôt descriptives et explicatives prenant appui sur le modèle de référence institutionnel français.

§2| L’approche dialectique du droit et des institutions

90 . La doctrine juridique comporte de nombreux auteurs attachés à développer une analyse réaliste, historique et dialectique du droit. Maurice HAURIOU et Léon DUGUIT, dont l’affrontement doctrinal est légendaire, développent cependant les mêmes analyses historiques et dialectiques dans leurs doctrines explicatives des transformations du

droit77. Pierre LEGENDRE considère que les positivistes sont les « Monsieur Jourdain » du droit qui font de l’histoire sans le savoir et le Doyen CARBONN ER dans son ouvrage Flexible droit est probablement le plus connu des dialecticiens. Des auteurs plus contemporains tels que les professeurs Louis CONSTANS, Mireille DELMAS-MARTY ou Monique CHEMILLIER-GENDREAU ont largement défendu, la démarche dialectique comme fondement de l’analyse juridique.

91 . Le professeur Francis-Paul BÉNO illustre explicitement l’intérêt de cette démarche : « En une première approche des institutions, telle que nous la pratiquons usuellement, nous ne connaissons ces dernières que sous leur aspect le plus immédiat, d’une manière partielle, superficielle. Pour accéder à une connaissance plus approfondie, il nous faut rechercher ce à quoi cette institution a pu être confrontée au cours de sa genèse- ce à quoi elle s’est opposée et ce qui s’est opposée à elle. C’est en effet la prise en compte de ces oppositions qui nous permet de saisir pleinement le contenu de cette institution, d’en définir le concept, au delà des apparences superficielles. Car si l’on va au fonds des choses, on constate que toute institution s’explique autant par ce qui est opposé à elle que parce qu’elle paraît comporter en lui-même78 ».

92 . François FÉRAL79, analysant le droit de l’administration, s’appuie sur l’analyse dialectique pour étudier les origines du droit administratif et déterminer les conditions de son développement, en démontrant que cette évolution correspond aux interactions continues entre l’État, dont le puissant levier est l’administration et la société civile, laquelle est aussi le destinataire de l’action publique en tant qu’ensemble de citoyens. l considère que si la production de la norme juridique dans le cadre d’un pays développé comme la France est le produit de l’interaction entre l’État et la société civile, il faut, dans le cas des sociétés pluralistes postcoloniales, rechercher les moteurs des

77 Marc Milet «La doctrine juridique pendant la Guerre : à propos de Maurice Hauriou et de Léon Duguit », Jus Politicum, n° 15 [http://juspoliticum.com/article/La-doctrine-juridique-pendant-la-Guerre-a-propos-de-Maurice-Hauriou-et-de-Leon-Duguit-1087.html].

DUGUITLEON, Les transformations du droit public, Editions La mémoire du droit, Paris, 1999, 285 pages HAURIOU Maurice, Principes de droit public, Ed. Dalloz ; Paris 2010, 734 pages.

78 BÉNOIT Francis-Paul, « Préface », dans FÉRAL FRANÇOIS, Approche dialectique du droit de l’organisation administrative: l’appareil d’état face à la société civile, op.cit.

79 FÉRAL François, op.cit.

systèmes officiels et non officiels pour saisir les raisons des échecs notamment des programmes menés en Afrique.

93 . L’approche dialectique permet donc d’étudier un objet quel qu’il soit dans sa réalité objective, sa genèse et son évolution interne, sous l’influence plus ou moins accentuée des conditions externes en caractérisant les termes des contradictions principales et secondaires dans leurs imbrications continues, en sachant que le développement n’est pas linéaire ni mécanique mais soumis à une complexité réfléchie aux conditions de la réalité vivante.

94 . Cette démarche analytique étant exposée, il convient de revenir sur la caractérisation de l’objet de l’étude portant sur le droit et les institutions de la Nouvelle-Calédonie. l s’agit du cœur de la société calédonienne qui, loin d’être une réalité finie s’avère toujours en mouvement, en raison du caractère évolutif du processus de l’accord de Nouméa et des marges de manœuvre qu’offre le nouveau paradigme juridique pluraliste.80. Évoquer le droit, revient impérativement à lui associer les institutions politiques et administratives qui le mettent en œuvre et le formatent en faisant face aux oppositions.

95 . l s’agit en définitive de développer une approche globale et dialectique qui permette de cerner dans chaque contexte historique et au niveau local, national et international, la manière dont s’est construit le système juridique dans les diverses composantes de la société et dans les différentes branches du droit. Ce qui sera important, ce n’est pas l’analyse de chaque branche en termes de technique juridique, mais de cerner plutôt les interactions déterminantes dans chaque phase pour le peuple autochtone, pour le colonisateur ou l’État et pour la société civile ou les citoyens non autochtones au cours des différentes périodes historiques puis dans le contexte contemporain.

80 La loi organique du 19 mars 1999 reconnaît explicitement l’existence de personnes et de biens ayant un statut coutumier. Ce qui constitue une catégorie juridique constitutive d’un droit des personnes et d’un droit des biens au moins différente si ce n’est opposée au droit « commun ». Cependant, l’existence de ce statut implique mécaniquement l’existence d’autres institutions coutumières non reconnues explicitement par la loi : les autorités coutumières et leurs actes juridiques par exemple ou la discipline collective qui rend effective ces normes de droit coutumier.

§3| Une analyse juridique incluse dans une démarche interdisciplinaire

l est nécessaire de caractériser la démarche interdisciplinaire (a), l’approche historique (b), l’approche anthropologique (c), le pluralisme juridique (d), l’approche en termes de

« sources de légitimités » (e) et enfin l’approche comparative et sociologique (f).

a) Définition de la démarche interdisciplinaire

96 . Le droit « Raison » et le droit « Ressource » est le fondement de l’État et par voie de conséquence de l’État colonial. L’ordre juridique français est l’expression de l’idéologie de la Révolution de 17 9 qui a sacralisé la propriété privée et l’individu.

Cependant le régime colonial est un régime juridique et institutionnel d’exception s’appuyant sur une idéologie revêtant les parures de l’universalisme, de l’évangélisation et des mythes de la découverte. Cependant c’est l’étatisation de ces espaces qui reste la source supérieure du droit et elle impose aux nouveaux territoires ses conditions bien plus que les droits universels et individuels reconnus à chacun au même moment en Europe.

Ainsi, la genèse de l’ordre colonial appliqué à la Nouvelle-Calédonie émane de l’acte unilatéral de prise de possession qui pour autant n’élimine pas l’ordre coutumier autochtone mais le soumet à ses règles et à ses lois.

97 . Partant, Bénédicte FISCHER définit la démarche interdisciplinaire. « Elle n’a de portée que si la recherche s’articule autour d’un champ théorique particulier qu’est le droit comme évoqué supra. L’interdisciplinarité se distingue de la multidisciplinarité ou de la pluridisciplinarité en s’imposant un champ théorique à partir duquel se développe des problématiques et des hypothèses qui recoupent partiellement celles qu’élaborent, de son côté, les autres disciplines81 ». ’agissant de la méthode elle poursuit : « cette ouverture à d’autres disciplines proposée par la démarche interdisciplinaire permet alors, d’envisager l’étude, à proprement parler, de relations qui supposent par définition, d’observer les règles

81 COMMAILLE Jacques, CHAZEL François, Normes juridiques et régulation sociale, L.G.D.J., coll. Droit et Société, Paris, 1991, p.77, cité par FISCHER Bénédicte dans thèse, Les relations entre l’administration et les administrés au Mali : contribution à l’étude du droit administratif des États d’Afrique subsaharienne de tradition juridique française, rapport cité.

de droit les régissant, leur mobilisation, les comportements ainsi que les stratégies d’acteurs, mais aussi de les replacer dans un contexte politique plus large82».

98 . Mais le choix, dans la méthode de recherche, de développer une approche dialectique et une analyse juridique dans une démarche interdisciplinaire, implique de faire également appel à d’autres approches.

b) L’approche historique et paléo-historique.

99 . Dans l’approche historique et paléo-historique, il faut analyser chaque terme de la contradiction principale et des contradictions secondaires dans leurs évolutions propres et dans leurs interactions au moment des changements et des ruptures.

100 . L’histoire de la Nouvelle-Calédonie permet d’appréhender selon quelles conditions les forces antagonistes traversent les étapes de l’histoire ou les époques rencontrées. L’étude de ces phases est importante car les actions des différentes forces motrices à chaque époque déterminent le positionnement final que va prendre celle-ci dans la phase d’après. Par exemple, il est possible de déterminer que l’engagement des tirailleurs indigènes dans l’ensemble des colonies françaises à la Première et à la econde Guerre Mondiale sera un élément déterminant dans l’octroi de la citoyenneté française à ces derniers à la fin du régime de l’indigénat.

101 . Autre exemple : la phase de la colonisation violente et de la destruction de bons nombres de tribus a laissé place dans la phase suivante à la reconstruction des clans et des chefferies autrement dit de l’organisation sociale kanak sur la base des mêmes principes coutumiers initiaux, mais reconfigurés alors dans le nouveau contexte.

c) L’approche en termes d’anthropologie juridique

102 . Une approche anthropologique est nécessaire pour apprécier l’évolution des règles sociales et de conduites. Les anthropologues juridiques parlent en ce sens « du droit vivant, des relations entre les individus, les sociétés, leurs normes, et les institutions mises en place pour les garder83 ». L’anthropologie s’appuie sur les études ethnologiques,

82 FISCHER Bénédicte dans thèse cité

83 HESSELING Gerti, DJIRÉ Moussa, OOMEN Barbara M. (éds.), Le droit en Afrique. Expériences locales et droit étatique au Mali, Karthala, Paris, 2005, p.9.

linguistiques, sociologiques pour saisir les fondements de la société humaine et de ses mécanismes. l s’agit en l’occurrence d’un droit vivant, « empirique » comme l’est la coutume qui évolue tout en gardant ses repères et ses valeurs. En Nouvelle-Calédonie les études ethnologiques et anthropologiques84 sur les kanak sont conséquentes. Il faudrait donc réinterpréter les données fournies dans l’approche de la société précoloniale kanak.

Le travail de l’anthropologie juridique est de qualifier juridiquement des situations ou des faits au regard des relations culturelles tout d’abord dans une société originelle puis dans une société de dualisme normatif et de pluralisme juridique.

103 . D’un point de vue anthropologique, il y a des différences notoires entre le système juridique de Common-Law » et « le système du monisme juridique français.

Ainsi, « l’ethnocide des cultures coutumières françaises a favorisé le monisme et bloqué la pensée pluraliste 85 ». Ces différences se nivèlent aujourd’hui sous l’effet de la mondialisation et de la généralisation du droit et des phénomènes de communication et de consommation.

d) L’approche en termes de pluralisme juridique

104 . Le pluralisme juridique se situe dans le prolongement de l’anthropologie juridique qui s’attache à qualifier des pratiques ainsi que des comportements sociétaux dans leur contexte historique, culturel et sociologique. En tant que méthode de recherche dans une société coloniale ou postcoloniale, le postulat admis par cette approche est que le droit étatique ne peut prétendre au monopole de la production du droit et des normes pratiquées dans un pays, a fortiori dans un pays colonisé. Aussi en situation coloniale, le droit étatique cohabite, par définition, avec un droit-premier devenu souterrain, plus ou moins reconnu mais qui continue à régir les populations autochtones.

105 . D’une manière générale, durant la première phase violente de la colonisation, la norme étatique ignore la coutume en tant que système normatif. Dans la deuxième phase, le droit étatique tolère la coutume, lui reconnaissant implicitement le rôle de régulateur dans la vie des populations indigènes. Dans la troisième phase, notamment en

84 Les plus célèbres sont le Pasteur LENHARDT, Jean GUIART et Alban BENSA dont les ouvrages abondent dans la présente bibliographie.

85 NICOLAU Gilda, PIGNARRE Geneviève et LAFARGUE Régis (dir.), Ethnologie juridique. Autour de trois exercices, Dalloz, coll. Méthodes du droit, Paris, 2007, p.11.

Nouvelle-Calédonie après l’octroi de la citoyenneté en 1946, le droit étatique instaure implicitement un dualisme juridique et fait une place à la coutume, la plus minime qui soit dans l’ordre public. Enfin, toujours en Nouvelle-Calédonie est instauré en 1998, un régime de pluralisme juridique à caractère hégémonique. Dans chaque phase, le droit coutumier évolue en interaction avec le droit étatique qu’il influence et avec les nouvelles contraintes d’une société en perpétuelle et rapide évolution.

106 . Ghislain OTIS traduit cette théorie come suit : « la théorie du pluralisme juridique peut servir à mettre au jour et à décrire le phénomène empirique qu’est la pluralité des foyers et des systèmes normatifs, ce qui permet alors d’appréhender un sujet d’étude à travers une approche explicative dite pluraliste86 ». Ainsi la méthode de recherche juridique pluraliste, partant de la présence d’un système normatif extra-étatique, permet de dresser des études comparatives et d’instruire les composantes de chaque système normatif. Il en sera ainsi du droit civil coutumier et de son interaction avec le droit civiliste étatique. l faudra alors s’interroger sur le système des valeurs, sur les principes, les acteurs et les procédures. « L’analyse pluraliste a permis de faire la lumière sur l’arsenal des procédés coloniaux de la subordination des cultures juridiques87». Les empires coloniaux ont pu, entre autres choses, « édicter le droit de l’autre en le décrétant d’autorité, tout en prétendant s’en inspirer88».

107 . C’est ce qu’a fait la France lorsqu’elle a institué le régime juridique des réserves foncières kanak en Nouvelle-Calédonie par la voie législative. l s’est agit d’écrire le droit de l’autre en prétendant simplement l’écrire en son nom pour plus de sécurité

107 . C’est ce qu’a fait la France lorsqu’elle a institué le régime juridique des réserves foncières kanak en Nouvelle-Calédonie par la voie législative. l s’est agit d’écrire le droit de l’autre en prétendant simplement l’écrire en son nom pour plus de sécurité