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4.3 - Apport des travaux expérimentaux

La fusion expérimentale des sédiments pour des conditions de haute pression représentatives de la position de la plaque plongeante à l’aplomb d’un arc volcanique (P : ~ 2.5 – 5.5 GPa ; Syracuse & Abers, 2006) a été étudiée par de nombreux auteurs durant les deux dernières décennies (Auzanneau et al., 2006; Hermann, 2002; Hermann and Green, 2001; Hermann and Rubatto, 2009; Hermann and Spandler, 2008; Johnson and Plank, 1999; Li and Hermann, 2015; Mann and Schmidt, 2015; Martindale et al., 2013; Nichols et al., 1994; Prouteau and Scaillet, 2013; Schmidt et al., 2004b; Schmidt, 2015; Skora et al., 2015; Skora and Blundy, 2010; Thomsen and Schmidt, 2008a, 2008b, Tsuno and Dasgupta, 2011, 2012). Les types de sédiments investigués sont variés : des pélites aux marnes en passant par les grauwacke, les argiles rouges, les radiolarites et les sédiments volcanoclastiques.

La minéralogie de l’assemblage subsolidus dépend de la composition du sédiment, des

conditions P-T et des conditions de fugacité en oxygène. Pour une pression d’environ 3 GPa

(correspondant à la profondeur moyenne du toit de la plaque sous un arc volcanique, e.g. Tatsumi & Eggins, 1995), l’assemblage subsolidus typique pour une métapélite (de composition proche de celle du GLOSS) est constitué de grenat + clinopyroxene + quartz/coésite + phengite + rutile (e.g. Mann & Schmidt, 2015).

Le solidus hydraté pour des sédiments pélitiques se situe entre 715 et 830°C (en présence de fluides, Figure I.16a) et entre 890 et 1040°C (sans fluides, Figure I.16c) pour la gamme de pression comprise entre 3.0 et 4.5 GPa (e.g. Mann & Schmidt, 2015) quand le solidus pour une pélite anhydre est situé à environ 1150-1200°C à 3 GPa (Spandler et al., 2010). L’ajout

de CO2 dans un système pélitique tend à augmenter le solidus (Tsuno and Dasgupta, 2012 ;

Figure I.16b). Dans le cas d’un système pélitique, la réaction de fusion à environ 3 GPa en conditions hydratées implique la consommation de quartz/coésite, phengite et clinopyroxène pour former du liquide silicaté et du grenat ± disthène (e.g. Mann and Schmidt, 2015). Les liquides silicatés expérimentaux produits sont siliceux (> 65 wt%) et le plus souvent hyperalumineux (A/CNK > 1). Ils évoluent depuis des compositions trondhjémitiques à basse température (T ≤ 800°C) vers des compositions granitiques à haute température.

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Figure I.16 : Diagrammes pression-température représentant la position des solidii pour (a) des sédiments saturés par une phase fluide (H2O) dans des conditions subsolidus, (b) des sédiments saturés par une phase fluide (H2O + CO2) dans des conditions subsolidus, (c) des sédiments où H2O et/ou CO2sont présents mais où aucune phase fluide n’est présente dans des conditions subsolidus. La ligne épaisse en marron (a) représente la limite de stabilité de la phengite dans l’assemblage résiduel. Les domaines en bleu et violet représentent respectivement les géothermes calculés pour les modèles d’Arcay et al. (2007) et Syracuse et al. (2010). Figure d’après Mann & Schmidt (2015)

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Les études expérimentales récentes s’intéressent au rôle des éléments volatils lors des processus de fusion. Cependant, si le rôle du CO2 (Skora et al., 2015; Thomsen and Schmidt, 2008a; Tsuno and Dasgupta, 2011, 2012) et des halogènes (Li and Hermann, 2015) a commencé à être investigué, le rôle du soufre est encore bien peu contraint (Prouteau and Scaillet, 2013) et nécessite une étude approfondie. Concernant les teneurs en éléments en traces, une partie des études s’y intéressant a été réalisée sur des compositions synthétiques dopées en éléments en

traces (Hermann and Rubatto, 2009; Skora and Blundy, 2010). Or, l’étude de Skora and Blundy

(2012) a montré que les résultats obtenus dans des systèmes dopés en éléments en traces étaient difficilement extrapolables aux systèmes naturels. Si des études sur des sédiments non dopés existent (Johnson and Plank, 1999 : argile rouge riche en Mn et P ; Martindale et al., 2013 : sédiment volcanoclatique ; Skora et al., 2015 : marnes), il n’y a pas de données sur le système pélitique non dopé pour le partage des traces.

I.5 Objectifs de la thèse

Nous avons pu voir dans ce chapitre que la contribution de liquides silicatés issus de la fusion des sédiments était nécessaire pour expliquer les caractéristiques géochimiques de certains magmas d’arc (ex : Th/Nb, Th/La, isotopes Pb). De nombreuses études, géochimiques et expérimentales, ont déjà été réalisées pour contraindre la composition et les caractéristiques en éléments en traces d’un tel agent. La prise en compte du rôle des éléments volatils (CO2, Cl, F) lors des processus de fusion des sédiments subduits est récente et l’effet du soufre en particulier est encore bien peu contraint (Prouteau & Scaillet, 2013). Pourtant, le soufre est le troisième élément volatil le plus émis en contexte de subduction et plusieurs études mettent en évidence qu’il serait le meilleur candidat pour expliquer l’oxydation de la source mantellique des magmas d’arc (Kelley and Cottrell, 2009; Rielli et al., 2017). Les données isotopiques du soufre (δ34S) suggèrent que cet élément peut être transféré de la plaque plongeante vers le coin mantellique par l’intermédiaire de fluides s.l dérivés des sédiments subduits.

Notre étude se focalise sur le recyclage des sédiments riches en éléments volatils (soufre en particulier) en contexte de subduction. L’étude est appliquée au contexte de subduction des Petites Antilles et plus particulièrement au sud de l’arc (Grenade et Grenadines), d’une part parce que la contribution des sédiments dans la source des magmas d’arc a été largement documentée pour cette zone (Carpentier et al., 2008; DuFrane et al., 2009; Labanieh et al., 2012; Turner et al., 1996; White & Dupré, 1986), d’autre part, parce que la base de données disponible pour cet arc est très exhaustive. La nature et la composition chimique (éléments

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majeurs, en traces et rapports isotopiques Sr, Nd, Hf, Pb) des sédiments susceptibles d’entrer en subduction a été étudiée en détail dans le cadre de la thèse de Marion Carpentier (Carpentier, 2007). La base de données des magmas d’arc (et en particulier des IAB) pour les Petites Antilles est vaste. Enfin, on note sur l’île de Grenade, située à l’extrémité sud de l’arc, la présence de xénolites mantelliques (Parkinson et al., 2003; Vannucci et al., 2007) à même de prodiguer des informations sur le coin mantellique situé sous l’arc des Petites Antilles. De plus, les températures estimées d’après les études récentes (Cooper et al., 2012; Syracuse et al., 2010) pour des conditions de pression correspondant à la position du toit de la plaque sous l’arc (≥ 3 GPa) sont suffisamment élevées pour permettre la fusion partielle de la partie superficielle du slab (sédiments ± croûte océanique altérée) en conditions hydratées – voir Figure I.08.

Plusieurs questions se posent dans cette thèse :

Quel rôle peut avoir le soufre lors de la fusion des sédiments subduits dans des conditions de pression et de température correspondant à la profondeur du toit de la plaque plongeante sous un arc volcanique ?

Quelle est l’efficacité des liquides silicatés issus de la fusion des sédiments subduits pour transférer les éléments volatils (en particulier le soufre) et les éléments en traces vers le coin mantellique ?

Quelle est la contribution des liquides silicatés dérivés de la fusion des sédiments subduits dans la source des magmas d’arc ?

Pour répondre à ces questions, deux stratégies principales sont adoptées :

(1) Une étude expérimentale portant sur la fusion et la cristallisation dans des conditions hydratées de sédiments variablement enrichis en soufre (jusque 2 wt% S) pour des conditions P-T-ƒO2 semblables à celles rencontrées à l’aplomb d’un arc volcanique (P : 3 GPa ; T : 650 – 1000°C ; ƒO2 : FMQ – NNO – NNO+1). Les sédiments étudiés, échantillonnés à la Barbade (Petites Antilles), sont une pélite et une marne représentatifs respectivement des pôles alumineux et calciques des sédiments subduits. L’originalité de l’étude consiste à ne pas doper les sédiments en éléments en traces afin de se rapprocher au mieux des conditions naturelles. Ce travail s’est focalisé sur les relations de phases et l’étude géochimique (éléments majeurs,

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éléments volatils, éléments en traces) des liquides silicatés produits et des minéraux résiduels. Cette approche constitue le cœur de la thèse.

(2) Une étude pétro-géochimique de xénolithes mantelliques provenant de l’île de Grenade (arc des Petites Antilles). Ces xénolites témoignent de la composition du manteau lithosphérique (domaine à spinelle) sous Grenade. L’objectif étant de chercher des évidences de métasomatose du manteau via des agents dérivés de la fusion de la plaque plongeante (en particulier des sédiments subduits). Les concentrations en éléments volatils (H2O, S, Cl, F) sont également étudiées.

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C II : M