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2.4 - Analyse par spectroscopie Raman

Calcul des bilans de masse

II. 2.4 - Analyse par spectroscopie Raman

Certains échantillons ont été analysés en diffusion Raman sur un micro-spectromètre Horiba Jobin-Yvon LabRam300 (LPG, Nantes, France) pour (1) déterminer la nature de la phase SiO2 présente dans les expériences et (2) déterminer la solubilité et la spéciation des espèces volatiles (H2O, S, C) dans les verres expérimentaux. Ces mesures ont été réalisées en collaboration avec Yann Morizet.

Nous avons utilisé un laser de 532 nm (100 mW) et un réseau de haute densité (1800 traits/mm) afin d’obtenir une résolution spectrale de 0.4 cm-1 sur les échantillons. Deux fenêtres spectrales ont été étudiées : (1) la première est comprise entre 300 et 1250 cm-1 et permet d’étudier la signature vibrationnelle des silicates (voir section II.2.4.2) et d’obtenir des informations sur la dissolution des espèces SO42- (S oxydé) et CO32- dans les verres silicatés et, (2) la seconde est comprise entre 2500 et 3900 cm-1 et permet d’obtenir des informations sur les espèces H2O et HS- (S réduit) dissoutes dans les verres silicatés. Les données ont été traitées à l’aide du logiciel LabSpec.

II.2.4.1 - Rappels sur les réseaux silicatés cristallins et amorphes

Pour comprendre comment interpréter les spectres Raman, il est important de rappeler quelques bases sur la structure et la polymérisation des silicates cristallins et amorphes.

La brique élémentaire des réseaux silicatés est le tétraèdre de silice SiO4 (Figure II.14). Il est constitué d’un petit atome de silicium (Si) relié à quatre gros atomes d’oxygène (O) qui constituent les sommets du tétraèdre. Le tétraèdre de silice possède quatre valences libres qui peuvent être utilisées pour former des liaisons avec d’autres tétraèdres (induisant une augmentation du degré de polymérisation) ou être saturées par des cations présents dans le système. La notation Qn peut être utilisée pour définir le type de coordinence (Rossano and

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Mysen, 2012; Tournié, 2009). Le nombre n correspond au nombre d’atomes d’oxygènes

pontants dans le tétraèdre, c’est-à-dire le nombre d’atomes d’oxygènes mis en commun avec

un autre tétraèdre de silice. Aussi, le type de coordinence Q0 signifie que le tétraèdre de silice est isolé dans le système et ne partage aucun atome d’oxygène quand le type de coordinence Q4

correspond à un tétraèdre complètement lié au réseau cristallin par ses quatre atomes d’oxygène.

Les silicates cristallins sont classifiés en 6 catégories en fonction de la façon dont s’organisent les tétraèdres de silice :

(1) Les nésosilicates (ex : olivine, grenat) sont formés de tétraèdres isolés (SiO4)4- et leur charge négative est compensée par l’association avec des cations isolés. Leur type de coordinence est Q0.

(2) Les sorosilicates (ex : épidote) correspondent à des groupements de deux tétraèdres reliés par un des sommets (avec un oxygène pontant). Leur type de coordinence est

Q1.

(3) Les cyclosilicates (ex : tourmaline) sont formés de tétraèdres reliés les uns avec les autres par deux atomes oxygènes (2 oxygènes pontants par tétraèdre) pour former des structures en anneaux avec 3, 4 ou 6 tétraèdres. Leur type de coordinence est Q2. (4) Les inosilicates (ex : pyroxènes) sont constitués de tétraèdres reliés les uns avec les

autres pour former des chaînes simples. Un tétraèdre au sein de la chaîne partage deux de ses sommets avec les tétraèdres voisins (2 oxygènes pontants). Leur type de coordinence est Q2.

(5) Les phyllosilicates (ex : micas, argiles) correspondent à des empilements de couches tétraédriques où s’intercalent des groupements hydroxyles (OH-), ce qui confère un aspect en feuillets aux minéraux de cette famille. Les tétraèdres partagent trois sommets avec leurs voisins (3 oxygènes pontants). Leur type de coordinence est Q3.

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Il arrive qu’une partie des ions Si4+ au sein des tétraèdres soit substitué par des ions Al3+. Dans ce cas, le type de coordinence peut être de Q2.

(6) Les tectosilicates (ex : quartz, feldspaths) sont des silicates où tous les sommets des tétraèdres sont reliés entre eux (4 oxygènes pontants) pour former un réseau tridimensionnel. Leur type de coordinence est Q4. Mais, dans le cas des feldspaths par exemple, une partie des ions Si4+ peut être remplacée par des ions plus ioniques (ex : Al3+, Fe2+, Fe3+, …) et les valences doivent être équilibrées par l’incorporation de cations tels que Na2+, K+ ou Ca+. Dans ce cas, l’état de coordinence est Q3. Les verres silicatés sont constitués en partie de tétraèdres de silice (SiO4)4- qui peuvent être connectés dans des configurations semblables à celles des silicates cristallins. Cependant, le réseau y est plus désordonné et le verre silicaté est amorphe. Les ions Si et Al agissent comme des formateurs de réseaux dans le verre silicaté. Certains éléments (alcalins, alcalino-terreux, Ca, Pb, Zn, …) agissent, au contraire, comme des modificateurs de réseaux en cassant des liaisons Si-O, provoquant une dépolymérisation du réseau silicaté (e.g. Tournié, 2009). Une diminution du degré de polymérisation se traduit, entre autres, par une diminution de la viscosité du liquide silicaté. La figure II.15 illustre la structure d’un verre silicaté et les arrangements des différents tétraèdres (Q0, Q1, Q2, Q3, Q4) dans des configurations similaires aux types néso-, tecto-, ino-, cyclo- et sorosilicates des silicates cristallins.

II.2.4.2 – Interprétation des spectres Raman

La spectroscopie Raman est une technique d’analyse non-destructive qui permet d’étudier les liaisons chimiques de la matière à l’échelle subnanométrique en se basant sur l’interaction lumière-matière.

Figure II.15 : Schéma simplifié de la structure d’un verre silicaté montrant les différentes possibilités d’arrangements tétraédriques (Q0, Q1, Q2, Q3, Q4). Figure d’après Tournié (2009).

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Le tétraèdre de silice SiO4 est pris comme unité vibrationnelle. Le spectre Raman correspond aux modes de déformations et d’élongations des tétraèdres de silice. Les distances interatomiques et les masses des atomes étant toujours constantes, une vibration apparaît toujours dans la même zone. Que ce soit pour les silicates cristallins ou amorphes, cela permet donc d’obtenir des informations sur la composition du matériel étudié. La position exacte du pic donne des informations sur les liaisons entre les atomes (e.g. Tournié, 2009).

La silice SiO2 peut se présenter sous différentes formes dans la nature : quartz α, quartz β, cristobalite, trydimite, coésite, etc… La figure II.16 représente les spectres Raman d’un quartz α (silicate cristallin) et de sa forme amorphe (verre de silice).

Le spectre du quartz est caractérisé par des pics de forme lorentzienne (témoignant d’un réseau cristallin très ordonné) avec un pic majeur à 463 cm-1 (déformation) et un pic à 200 cm -1 (oscillation de rotation). En ce qui concerne le spectre du verre silice, on constate que les bandes sont plus larges (forme gaussienne). Cela traduit le caractère plus désordonné de la matière. Les bandes à 1060 et 1190 cm-1 sont représentatives du mode d’élongation quand la

bande centrée autour de 450 cm-1 correspond au mode de déformation. Un pic « boson » peut

être présent pour certains verres silicatés et est révélateur de la structure inhomogène du verre à l’échelle nanométrique.

Globalement, les spectres Raman des verres silicatés peuvent être décomposés en deux massifs principaux (Figure II.17) : un massif de déformation (δ) centré vers 500 cm-1 et un

Figure II.16 :spectres Raman d’un quartz α (cristallin) et d’un verre de silice (SiO2). Figure d’après Tournié (2009).

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massif d’élongation ( ) centré vers 1000 cm-1 (e.g. Tournié, 2009). Le second massif (centré vers 1000 cm-1) peut être décomposé en cinq bandes gaussiennes correspondant aux différentes structures Qn. Les nombre d’ondes des différentes configurations Qnpermettent d’identifier les assemblages tétraédriques présents dans la structure du verre silicaté. Des pics sous la forme de lorentzienne peuvent parfois être présents dans les spectres Raman et correspondent à des nano-cristaux au sein du verre silicaté.

Les analyses en spectroscopie Raman des charges expérimentales produites pour cette thèse se focalisent sur les éléments volatils (H2O, CO2, S). Les bandes caractérisant l’H2O (vibrations d’élongation O-H) se situent entre 3000 et 3800 cm-1 (Mercier et al., 2009; Rossano and Mysen, 2012). Il arrive que ces bandes ne soient pas bien visibles dans le cas où un phénomène de fluorescence est présent dans le spectre. Le phénomène de fluorescence apparaît lorsque le détecteur est saturé par des photons hyper-énergétiques (énergie excitatrice > transition électronique du composé étudié). Dans les verres silicatés, le dioxyde de carbone peut être dissous sous la forme CO32- qui se situe vers 1070-1080 cm-1 (Morizet et al., 2015; Rossano and Mysen, 2012). En ce qui concerne le soufre, plusieurs pics peuvent être identifiés en fonction de l’état de spéciation du soufre dans le système. Le pic du soufre réduit (S2-/HS-) se situe vers 2574 cm-1. Dans les systèmes contenant du fer, le soufre réduit (S2-) peut également se présenter dans des complexes Fe-S (vers 400 cm-1). Le pic du soufre oxydé (S6+/SO42-) se situe, quant à lui, généralement vers 990-1000 cm-1 (Klimm and Botcharnikov, 2010).

Pour interpréter les spectres, un traitement est nécessaire au préalable (Figure II.18). Il consiste à définir une ligne de base qui supprime le pic « boson » et permet d’exploiter au mieux

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les informations du spectre analysé. Après avoir soustrait au spectre tout ce qui se situe sous la ligne de base, les aires des deux massifs principaux (déformation et élongation) peuvent permettre de calculer l’indice de polymérisation (Ip). Enfin, le massif d’élongation (centré autour de 1000 cm-1) peut être décomposé en cinq composantes suivant les différentes structures Qn qui constituent la charpente du verre silicaté) – e.g. Tournié (2009).

Figure II.18 :Schémas représentant les différentes étapes de traitement d’un spectre Raman. Figure modifiée d’après Tournié (2009).

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C III : F

DE SEDIMENTS VARIABLEMENT ENRICHIS EN