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Apport de la cytogénétique dans le diagnostic des hémopathies malignes myéloïdes :

Anomalie isolée lors des contrôles 47,XX,+8

C. Apport de la cytogénétique dans le diagnostic des hémopathies malignes myéloïdes :

La cytogénétique des hémopathies a pour but de rechercher d’éventuelles anomalies chromosomiques présentes au sein des cellules hématopoïétiques malignes. Contrairement à la cytogénétique constitutionnelle pré et postnatale, les anomalies observées sont acquises, restreintes aux cellules du clone tumoral. L’analyse doit être réalisée sur au moins 20 métaphases ; ceci peut s’avérer difficile dans certains types d’hémopathies (SMD et LAM) où la culture peut être très faible avec des mitoses en nombre très réduit (par lame) et de qualité médiocre. Le défi pour le cytogénéticien en Onco-hématologie est de détecter les anomalies clonales sur un nombre de mitoses suffisant issues des cellules cancéreuses avec des chromosomes très remaniés et peu reconnaissables ; afin d’établir un diagnostic cytogénétique avec certitude.

Les progrès de la cytogénétique ont montré que certaines anomalies chromosomiques étaient récurrentes et spécifiques. Ainsi, pour différentes pathologies, des altérations cytogénétiques caractéristiques ont été mises en évidence et sont aujourd’hui intégrées dans la classification de l’OMS.

Dans la LMC, la réalisation du caryotype hématologique permet d’affirmer le diagnostic de la LMC dans 95% des cas, par la mise en évidence du chromosome Philadelphie (Ph) dans les cellules sanguines et/ou médullaires. Cette anomalie doit être systématiquement recherchée devant une hyperleucocytose persistante, sans étiologie retrouvée, avec myélémie, mais aussi devant toute augmentation des autres lignées sanguines, en particulier quand il y a une splénomégalie 22.

Dans notre série d’étude, la translocation t(9;22)(q34;q11) est retrouvée chez 71% de nos patients, confirmant ainsi le diagnostic de la LMC chez 182 patients. Les patients avec un chromosome Ph classique représentent 90,6%, tandis que 6% ont une caryotype complexe avec plus de 3 anomalies. Ce pourcentage est faible par rapport aux données de la littérature. (Tableau 10). La fréquence des patients avec absence du chromosome Ph au caryotype est plus élevée dans notre étude par rapport à l’étude de F.Harieche et al et l’étude de S.Taoussi et al

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23- 24. Ceci s’explique par l’inclusion dans l’étude des patients avec des tableaux cliniques évocateurs de LMC mais non confirmés.

F. Harieche et al25 S. Taoussi et al26 Notre étude

Ph positif 96% 94% 71% Ph+(forme classique) 98% 97% 90,6% Ph+(forme complexe) 2% 3% 6% Ph négatif 4% 3% 24% Echec 0% 3% 5%

Tableau 10: Comparatif des résultats cytogénétiques dans la LMC.

Dans la LMC, la translocation peut impliquer un troisième chromosome en plus des chromosomes 9 et 22, on parle de variant du chromosome Ph et il représente en général dans 5% des cas. Dans notre étude, nous avons trouvé 5 cas de variants de Ph soit 2% des cas. Nos résultats concordent avec ceux d’autres études, notamment celle de Huret et al 27 et celle de Sokal et al28 chez qui le pourcentage des variant de PH est respectivement 4% et 1%. Il existe d'autres anomalies dont la présence au moment du diagnostic indique un pronostic moins favorable. L’apparition d’une ou plusieurs anomalies chromosomiques supplémentaires dans les cellules possédant le chromosome Ph, telles que les trisomies 8 et 19, sont appelées anomalies cytogénétiques additionnelles (ACA) et signent une évolution vers la phase d’accélération, qui est une phase de transition entre la phase chronique et la phase blastique et qui nécessite une surveillance accrue. Dans notre série, nous avons noté des anomalies surajoutées lors du diagnostic chez 11 patients (4%).

Donc nous avons pu confirmer ; par la cytogénétique conventionnelle ; le diagnostic de LMC en phase chronique chez 171 patients soit 66,5% des cas, et le diagnostic de LMC en phase accélération chez 11 patients soit 4% des cas.

Le réarrangement BCR-Abl peut être mis en évidence par cytogénétique moléculaire (FISH) sur les noyaux (FISH interphasique) ou sur les mitoses (FISH métaphasique). La FISH n’est pas recommandée de manière systématique pour diagnostiquer la LMC, mais cet examen reste indispensable dans le cas de la forte suspicion de LMC où le caryotype ne permet pas de mettre

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en évidence le chromosome Ph. Elle peut parfois être un complément diagnostique utile si la culture est faible avec un nombre de métaphases insuffisant voire nul. Dans notre série, FISH étaient réalisées chez 5 patients chez lesquels le chromosome Ph n’a pas été retrouvé et chez 10 de patients chez qui nous avons eu un échec de culture. Le gène de fusion BCR-Abl1a été retrouvé chez 11 de ces patients (73%).

La cytogénétique classique et moléculaire permettent donc la confirmation du diagnostic de LMC chez 193 patients soit 75 % des cas.

A l’échelle moléculaire, il existe plusieurs types de transcrit de fusion BCR-Abl1 selon la localisation des points de cassures sur le gène Bcr, plusieurs types de leucémies peuvent être générées selon l’oncogène transcrit : p190 BCR-Abl, p210 BCR-Ablou encore p230 BCR-Abl. La protéine p190 BCR-Ablest le résultat d’une cassure dans la région « mineur » du gène bcr (m-bcr) donnant lieu à une translocation e1a2 mRNA de Abl. La protéine p210 BCR-Ablest le résultat d’une cassure dans la région « majeure » du gène BCR (M-Bcr) qui donne naissance à un ARNm b2a2 ou b3a2 34. Cette protéine est retrouvée dans 95% des LMC. La protéine p230 BCR-Ablest le produit d’un point de cassure dans la « micro » région du gène BCR (μ-bcr) donnant lieu à un ARNm e19a2. (Figure33)

Figure 32: Représentation schématique des points de cassure entre Bcr et Abl conduisant aux différentes protéines de fusion. Break Cluster Region (BCR), Abelson (ABL), les exons (e1,

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La recherche qualitative des différents transcrits peut se faire par RT-PCR (reverse transcription polymerase chain reaction). Cette technique repose sur l’extraction des acides nucléiques, la transformation de l’ARN en son ADN complémentaire (ADNc) grâce à une transcriptase inverse, puis l’amplification par PCR de l’ADNc. La RT-PCR peut être qualitative ou permettre de faire des mesures quantitatives : il s’agit de la RT-QPCR (Quantitative Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction). Il s’agit de la technique la plus sensible pour la recherche du gène BCR-Abl; elle est capable de détecter une cellule leucémique parmi plus de 100 000 cellules normales 30. Cette technique montre que plus de 50 % des patients pour lesquels la cytogénétique était négative sont en fait bcr/abl+ 31.

Figure 33: Prise en charge cytogénétique de la LMC au diagnostic.32Caryotype complexe : nombre d’anomalies supérieur ou égal à 3 ; ACA : anomalies cytogénétiques additionnelles ; ACA majeures* :+8,+19,i(17)(q10).

Suspicion de LMC (257 patients) Caryotype sur moelle (257) Présence de t(9;22)(q34;q11) ou t(9;22;v ) (182) LMC (182) Avec ACA Ph+ (11) ACA majeures* ou caryotype complexe (7) Signal d’alarme Surveillance accrue Autres ACA (3) Sans ACA (171) Échec (10) FISH et/ou autre technique : Recherche de la fusion BCR-ABL1 (10) BCR-ABL1-(2) Exclusion d’une LMC BCR-ABL1+ (8) LMC Absence de t(9;22)(q34;q11) (53) FISH et/ou autre technique : Recherche de la fusion BCR-ABL1 (5) BCR-ABL1+ (3) LMC Ph-BCR-ABL1+ BCR-ABL1-(2) Exclusion d’une LMC

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Chez les patients avec un tableau clinique et biologique évocateur de SMD , le caryotype est toujours un élément diagnostique très important. Il doit être réalisé systématiquement, au même titre que la NFS et le myélogramme. sauf chez des sujets très âgés avec un diagnostic de SMD certain et où le caryotype n’aurait aucune conséquence thérapeutique 33.

Le caryotype médullaire est primordial, il permet de conforter le diagnostic dans les cas difficiles grâce à la mise en évidence d’anomalies cytogénétiques typiques 34.

Lorsque le diagnostic d’un SMD est ambigu ou que le myélogramme n’est pas contributif, la mise en évidence d’anomalies cytogénétiques sur le caryotype permet de suspecter une prolifération clonale. En outre, l’apparition d’anomalies chromosomiques peut aussi précéder l’apparition de la dysplasie médullaire suggérant la présence d’une forme «fruste» de SMD. Cela souligne l’importance de réaliser un caryotype à visée diagnostique devant la présence de cytopénies inexpliquées et/ou en l’absence d’anomalies morphologiques sur le myélogramme. En cas d’échec de la cytogénétique conventionnelle ou nombre de mitoses insuffisant, l’hybridation in situ à fluorescence permet de retrouver des anomalies chez 25 à 38 % des patients et permet également d’éliminer une monosomie 7 qui représente un facteur de mauvais pronostic indépendant 35.

Les anomalies chromosomiques sont présentes chez environ 30 à 50 % des patients dans les SMD de novo, et jusqu’à 80 % dans le cas des SMD secondaires. Dans notre série, nous avons eu un caryotype anormal chez 22 patients (29,3%) sur 57 patients adressés pour suspicion de SMD.

A la différence des leucémies aiguës myéloïdes dans lesquelles les translocations réciproques prédominent, les SMD sont caractérisés, le plus souvent, par des déséquilibres génomiques à type de délétion. Une étude multicentrique internationale a confirmé la grande hétérogénéité des SMD, en identifiant 684 types d’anomalies chromosomiques sur 1080 SMD à caryotype anormal 36, la majorité de ces anomalies étant rares avec des fréquences inférieures à 1%. Les principales anomalies sont par ordre décroissant : la perte partielle ou totale d’un chromosome

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5, la perte partielle ou totale d’un chromosome 7, la trisomie 8, la délétion 20q, la perte d’un chromosome X ou Y et la délétion 17p (Tableau 11).

Anomalie chromosomique Incidence (%)

- Perte partielle ou totale d’un chromosome 5 - 15

- Perte partielle ou totale d’un chromosome 7 - 10

- Trisomie 8 - 8

- Délétion 20q - 4

- Perte d’un chromosome X ou Y - 2

- Délétion 17p - <1

Tableau 11: Principales anomalies chromosomiques des SMD de novo (D’après Haase et al, 2008)

Dans notre série, les anomalies cytogénétiques retrouvées sont :

Anomalies de nombre Nombre de patients Pourcentage % - Monosomie du 7. - Trisomie de 8. - trisomie de 9 - marqueur . - double Y . - trisomie 21 et un X surnuméraire. 3 2 1 1 1 1 2 2 1 2 1 1 1 1 14 9 4,5 4,5 4,5 4,5 9 9 4,5 9 4,5 4,5 4,5 4,5 Anomalies de structure

- délétion au niveau du bras long du chromosome 5 (5q-) - triplication du chromosome 1 - Isochromosome X - dérivé de chromosome 20 - dérivé du chromosome 17 - isochromosome 17

- délétion au niveau du chromosome 14 - translocation entre le bras long de

chromosome 7 et 12

Tableau 12: anomalies cytogénétiques retrouvées chez les patients adressés pour suspicion de SMD.

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Malgré le développement des techniques de biologie moléculaire au cours des dernières années, la cytogénétique (caryotype +/- FISH) reste encore à ce jour l’un des plus puissants éléments au diagnostic de LAM. Bien que sa résolution soit limitée, le caryotype permet d’obtenir en une seule technique une vision globale du génome. Il devra systématiquement être complété par des études moléculaires lorsqu’aucune anomalie chromosomique n’est mise en évidence. Environ 60 % des LAM présentent un caryotype anormal et ces anomalies acquises sont parfois associées à des aspects cytologiques particuliers. On distingue schématiquement : les translocations équilibrées, les délétions chromosomiques et les gains chromosomiques (essentiellement trisomies).

Certaines anomalies sont parfois spécifiques d’un type cytologique particulier tel que la translocation (8;21) dans la LAM 2, la translocation (15;17) dans les LAM 3 et l’inversion du chromosome 16 dans les LAM 4 avec éosinophiles.

Dans notre série, les anomalies cytogénétiques rencontrées chez les patients adressés pour suspicion de LAM sont :

la translocation t(8;21) chez 3 patients

2 caryogrammes complexes.

Une translocation t(15;17)(q24;q21) chez 1 patient

une inversion péricentrique du chromosome 16 chez 1 patient.

Les moyens à mettre en œuvre pour détecter les anomalies chromosomiques dépendront donc de leur fréquence, de leur importance pronostique, de la pathologie considérée mais aussi de l’âge du sujet.

La translocation (8;21)(q22;q22) est aisément identifiable au caryotype, elle peut être masquée dans un remaniement complexe impliquant l’un des 2 points de cassure de la translocation, 8q22 ou 21q22, dans un faible pourcentage de cas (1 %). La recherche moléculaire du gène hybride ou du transcrit AML1-ETO ne semble donc justifié que dans des cas particuliers : remaniements 8q22 ou 21q22 au caryotype, échec de la cytogénétique

Diagnostiqué par caryotype

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conventionnelle ou morphologie médullaire très évocatrice de t(8;21). Le gène de fusion AML1-ETO est en règle générale localisé sur le dérivé 8.

L’inversion du chromosome 16, inv(16)(p13q22), ou son variant cytogénétique t(16;16)(p13;q22), sont détectées par cytogénétique conventionnelle, mais nécessitent une bonne qualité de préparation chromosomique pour être authentifiées au caryotype. De plus, des inv(16) peuvent être masquées dans des remaniements complexes impliquant soit 16p13, soit 16q22, et d’authentiques inv(16) cryptiques (2,8 %), avec gène de fusion CBF-MYH11 généré par insertion moléculaire sans remaniement cytogénitiquement visible, ont été rapportées.

La FISH peut donc utilement compléter la cytogénétique conventionnelle. La distinction entre inv(16) et t(16;16) ne peut se faire que sur métaphases car les images sur cellules interphasiques sont identiques pour les 2 types de remaniement. Toutes les inv(16) sont ainsi aisément détectables par FISH, le seul écueil des sondes commerciales (de grande taille) sont les très rares insertions de petite taille qui nécessitent des cosmides locus-spécifiques pour être détectées. Cette efficacité en fait un outil de choix pour systématiser la recherche de l’anomalie. Cette recherche paraît justifiée dans les groupes d’âge qui bénéficieront d’une thérapie stratifiée sur la présence de l’inv(16) mais le groupe morphologique à analyser reste à définir. En effet, les inv(16) sont trouvées dans des LA à composante monocytaire dans 90 % des cas, le plus souvent LAM4 variante éosinophiles, mais aussi rapportées dans des LAM2 (6 %), LAM1 (3 %) et exceptionnellement LAM7(< 1 %).

La translocation t(15;17) standard est observée dans 92 % des LAM 3, mais le remaniement est cryptique dans 4 % des LAM3 (PML-RAR généré par insertion indétectable par cytogénétique conventionnelle) et masqué dans une translocation variante (simple ou complexe) dans 2 % des LAM 3. Donc, toute LAM 3 sans t(15;17) au caryotype ou présentant un remaniement chromosomique impliquant un des 2 points de cassure de la t(15;17), soit 15q22, soit 17q12, doit faire l’objet d’une exploration complémentaire par FISH à la recherche d’un gène de fusion PML-RAR. Outre une confirmation du diagnostic, la présence d’un gène

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de fusion PML-RAR permet de prédire une bonne réponse à l’ATRA (acide tout-trans-rétinoïque) et à l’arsenic.

Un faible pourcentage de leucémie d’aspect promyélocytaire est caractérisé par d’autres remaniements chromosomiques qui tous impliquent RAR : t(11;17)(q23;q21)/PLZF/RAR (0,8 %), t(5;17)(q35;q21)/NPM/RAR (0,2 %), t(11;17)(q13;q21)/NUMA/RAR (< 0,1 %) et STAT5b/RAR (< 0,1 %). Le meilleur outil de mise en évidence de ces anomalies est la cytogénétique conventionnelle, capable de visualiser la totalité du génome.

Nous avons posé le diagnostic de la LAM; par la cytogénétique ; chez 7 patients (37%). On a pas pu comparer nos résultats avec d'autres études du fait de nombre réduit de nos patients (19 patients).

D. Apport de la cytogénétique à l’évaluation pronostique des