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I.1 LES ECHANGEURS/REACTEURS CONTINUS

I.1.3 LES ECHANGEURS/REACTEURS COMPACTS

I.1.3.2 Applications

L’intensification potentielle que peuvent apporter les inserts 3D à un procédé global n’a souvent été caractérisée qu’à l’échelle de l’élément ou du canal comme c’est le cas pour les géométries précédentes. Pour compléter ces travaux, deux autres technologies d’inserts ont été caractérisées et testées au sein de notre équipe de recherche à l’échelle d’une unité

complète. Elles concernent les échangeurs/réacteurs « Open Plate Reactor » et « ShimTec® reactor ».

a. Le réacteur OPR (Open Plate Reactor)

L’appareil, conçu par Alfa Laval et caractérisé au laboratoire de génie chimique, comporte trois blocs, chacun constitué par une plaque réactionnelle encadrée de deux plaques de refroidissement. Selon leur arrangement et leur nombre, plusieurs configurations des écoulements des fluides procédé et utilité peuvent être envisagées. Pour cette étude, les 1er et 3ème blocs sont à co-courant, le 2ème bloc étant à contre-courant (Prat et al, 2005). La

plaque réactionnelle est garnie d’inserts en PEEK (Polyétheréthercétone ; cf. figure I.16). Leur nombre et leur disposition peuvent être ajustés en fonction du temps de séjour requis et de la réaction mise en œuvre.

Figure I.16: Schéma des inserts de la plaque réactionnelle.

La distribution du temps de séjour souligne le caractère piston de l’écoulement confirmant ainsi les travaux de Bouaifi et al. (2004). En effet, ces auteurs ont montré que chaque

élément en série permettait d’assurer un mélange efficace en modifiant constamment la direction de l’écoulement, favorisant ainsi les taux de cisaillement et de dissipation de l’énergie turbulente. De plus, la caractérisation thermique a permis d’estimer un coefficient global de transfert de chaleur compris entre 1900 et 2300 W·m-2·K-1. L’OPR se situe donc à mi-chemin entre un échangeur à plaque classique (U=5000 W·m-2·K-1) et un réacteur tubulaire (U=500 W·m-2·K-1).

Le couplage entre bonnes performances thermiques et efficacité du mélange permet, de manière sûre, de mettre en œuvre une réaction exothermique, instantanée et irréversible, telle que, par exemple, l’oxydation du thiosulfate de sodium par le peroxyde d’hydrogène. Pour conduire cette synthèse en mode discontinu, les réactifs doivent être dilués ou coulés très lentement afin de ne pas provoquer d’emballement thermique. Dans l’OPR, au contraire, les réactifs ont été concentrés afin d’obtenir une conversion finale acceptable par rapport au faible temps de séjour dont nous disposons dans l’appareil limité pour cette étude à 3 plaques en série.

Ces résultats expérimentaux ont été utilisés pour développer un outil de simulation afin de reproduire et de prédire le comportement de l’OPR (Elgue et al, 2004 ; Elgue et al, 2006). Ce

caractérisés expérimentalement. Ainsi selon les applications requises, il permet de réaliser une étude de faisabilité en optimisant la configuration de l’appareil, les positions d’injection des réactifs,… ; de prédire le contrôle du procédé en estimant son comportement et ses conditions opératoires optimales et de mettre en œuvre des analyses dynamiques notamment dans le cadre des études de sécurité. Ainsi, Benaissa et al. (2008) ont simulé

des arrêts de fonctionnement des lignes de refroidissement et d’alimentation des réactifs et étudié le comportement de l’OPR en conséquence, mettant en évidence son caractère intrinsèquement plus sûr par rapport au réacteur discontinu.

Ces dispositifs de prédiction et de contrôle sont nécessaires pour développer ce type d’installation à l’échelle industrielle. Haugwitz et al. (2007) ont également développé un outil

de contrôle pour optimiser la conversion tout en gérant les contraintes externes du procédé.

b. Le réacteur ShimTec®

Cet échangeur/réacteur est conçu et construit par Chart Industries. Les plaques réactionnelles sont gravées par procédé photochimique puis empilées de façon à former un chemin réactionnel en trois dimensions (cf. figure I.17). Elles sont ensuite soudées par diffusion. Chaque plaque réactionnelle est prise en sandwich entre deux plaques de refroidissement.

Figure I.17: Plaque réactionnelle du réacteur ShimTec ; a) Modèle KTS10540 (Anxionnaz et al,

2009a); b) MarbondTM (Phillips & Symonds, 1999).

Phillips & Symonds (1999) ont comparé les performances de mélange du MarbondTM avec celles d’un échangeur/réacteur à plaques et ailettes classique. La réaction du 1- et 2-naphtol avec l’acide sulfanilique diazoté donne quatre produits colorés, chacun étant formé à des vitesses différentes. Ainsi en mesurant la quantité de chaque produit dans les deux appareils, il est possible de comparer la qualité du mélange. Les auteurs ont ainsi noté que 30% de sous-produits en moins étaient fabriqués dans le MarbondTM. La seconde réaction de caractérisation est une réaction d’hydrolyse (Schéma réactionnel de Walker). Elle comporte deux étapes, la première est très rapide et légèrement exothermique, l’un des réactifs catalyse la seconde étape moins rapide, considérée comme indésirable. Ainsi, moins la seconde réaction forme de produits, meilleur est le mélange. Le Marbond TM a donc été testé en mode isotherme et en mode adiabatique. Les auteurs ont montré que l’évacuation

de la chaleur de réaction (mode isotherme) permettait de réduire la quantité de produits secondaires (étape 2) formés. Grâce au développement d’un outil numérique, ils prédisent ainsi une nette réduction des produits indésirables dans le cas de réactions fortement exothermiques.

Pour compléter ces travaux, la caractérisation complète des performances thermo- hydrauliques du ShimTec a été réalisée (Anxionnaz et al, 2009a). L’écoulement dans

l’échangeur/réacteur peut être assimilé à un écoulement de type piston et une corrélation reliant les pertes de charge au nombre de Reynolds a été établie. La caractérisation thermique a permis de souligner l’efficacité thermique de l’appareil, supérieure à 95% pour toutes les expériences. Le coefficient global de transfert de chaleur est du même ordre de grandeur que celui de l’OPR, soit 2000 W·m-2·K-1.

Ces étapes préliminaires étant validées, la réaction exothermique d’oxydation du thiosulfate de sodium par le peroxyde d’hydrogène a pu être mise en œuvre (∆Hr=-586,2 kJ·mol-1 de Na2S2O3). La conversion est calculée par bilan thermique sur le réacteur ainsi que dans un vase calorifugé placé en sortie de réacteur. Le fluide secondaire est chauffé à 47°C afin tout d’abord d’initier la réaction, d’accélérer ensuite sa cinétique puis de contrôler la température du milieu réactionnel quand la chaleur de réaction devient trop importante. Des conversions de l’ordre de 70% sont obtenues. Elles ne sont pas complètes du fait du très faible temps de séjour dans l’appareil (<15 secondes) mais celui-ci peut être facilement rallongé par l’ajout de plaques supplémentaires.

La comparaison avec la mise en œuvre de cette synthèse exothermique en réacteur discontinu est intéressante. La chaleur dégagée pendant la réaction par unité de volume dans le ShimTec vaut 20.103 kW·m-3. Le coefficient global de transfert de chaleur dans un réacteur discontinu à double enveloppe est estimé au maximum à 500 W·m-2·K-1. Nous avons donc évalué la chaleur maximale qui pouvait être évacuée par la double enveloppe pour un gradient de température de 45°C :

∆T A U

Qmax = ⋅ ⋅ (I-2)

Les valeurs numériques sont récapitulées dans le tableau I.2.

Volume (m3) 1·10-3 1·10-2 0,1 1 Diamètre (m) 0,08 0,2 0,4 0,9 hauteur (m) 0,2 0,3 0,8 1,4 Aire d’échange (m2) 0,055 0,22 1,13 4,6 Qmax/V (kW.m-3) 1200 500 250 100 tc (s) 230 560 1120 2800

Tableau I.2: Dimensions caractéristiques et chaleur maximale échangée pour un réacteur discontinu à

double enveloppe, temps de coulée, tc dans le cas de la conduite en mode semi-continu.

Il apparaît clairement à la lecture de l’avant-dernière ligne (Qmax/V) que les capacités d’évacuation de la chaleur du réacteur discontinu à double enveloppe ne sont pas suffisantes pour mettre en œuvre la réaction d’oxydation dans les mêmes conditions opératoires que dans le ShimTec. Dans ces conditions, deux solutions s’offrent alors à nous : il faut soit diluer les réactifs, soit opérer en mode semi-continu, i.e. couler lentement un des deux réactifs dans le réacteur. Dans ce cas, le débit de coulée nécessaire pour qu’à

chaque instant la chaleur dégagée par la réaction ne soit pas supérieure aux capacités d’évacuation de la double enveloppe peut être calculé :

r max max ∆H Q F = (I-3) max thio thio c F M m t ⋅ = (I-4)

Cette estimation étant faite, on constate dans le tableau I.2 que le temps de coulée minimum varie donc de 230 à 2800 secondes selon le volume du réacteur, afin d’opérer en sécurité. Cependant, ce temps opératoire reste toujours nettement supérieur au temps de séjour du ShimTec (15 secondes).

Les caractérisations de l’OPR et du ShimTec ont confirmé les tendances prédites par les études élémentaires réalisées sur différentes technologies d’inserts tridimensionnels. En intensifiant les transferts thermiques et massiques, les températures opératoires sont mieux contrôlées permettant d’améliorer les sélectivités (Phillips & Symonds, 1999), de travailler de

manière sûre (Benaïssa et al, 2008 ; Elgue et al, 2004) et de modifier les cinétiques afin de

compenser la diminution du temps de séjour inévitable en mode continu (Anxionnaz et al, 2009a).

En revanche, peu ou pas de littérature n’est disponible concernant les écoulements diphasiques liquide/liquide ou liquide/solide et c’est un domaine d’applications qui ne peut pas être négligé. Ainsi, on peut se questionner sur le comportement des inserts tridimensionnels vis-à-vis de l’encrassement et des pertes de charge ainsi que sur leur maintenance. En outre, leurs modes de fabrication n’étant pas courants, les coûts de fabrication peuvent être élevés. A l’heure actuelle et dans le contexte d’innovation et de transfert vers l’industrie des procédés continus, ce paramètre n’est évidemment pas à négliger.

La voie des inserts tridimensionnels est néanmoins intéressante et nécessite de plus amples développements, notamment dans le champ de ses applications. Une autre manière envisageable pour intensifier les transferts dans les échangeurs à plaques consiste à structurer en deux dimensions le chemin réactionnel. Cette technologie, plus facile à mettre en œuvre, fait l’objet du paragraphe suivant.