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Application d’un module de lignes de courants au bassin versant du Strengbach

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4 Application d’un module de lignes de courants au bassin versant du Strengbach

A partir de la simulation sur la période de validation, les temps de séjour de l’eau dans le milieu souterrain ont été calculés à partir d’une technique de backtracking de particules initialement réparties le long de la partie en eau du réseau de chenaux 1-D.

4.1 Principe de la méthode de backtracking

Cette technique utilise les champs de vitesse calculés par NIM dans le but d'identifier les positions et temps antérieurs d'une particule qui arrive à un instant précis et un endroit précis du système. Dans le cas présent, la variabilité temporelle du champ de vitesse dans le système souterrain suppose de travailler soigneusement la technique "simple" de backtracking en contexte d'écoulement transitoire. On illustre le principe de la technique à l’aide de la Figure 92. On se place à une date donnée, par exemple le 1er Janvier 2010 à 23h59. A cette date, on enregistre l’étendue du réseau 1-D en eau. Sur tout le long de cette étendue en eau, on disperse des particules sur chacune des deux rives du chenal. Ici, on a représenté une seule particule, qui se trouve au point a (Figure 92) le 1er Janvier 2010 à 23h59. A partir des résultats issus des simulations de NIM, on a accès au champ de vitesses sur le bassin versant le 1er Janvier 2010 à midi, noté V01/01/2010. On fait l’hypothèse que ce champ de vitesse est valable de 00h01 à 23h59 le 1er Janvier. Supposer ainsi que le champ de vitesse à midi est valable pour l’ensemble de la journée permet de trouver un équilibre entre précision des résultats et considérations numériques (le stockage des champs de vitesse pour l’ensemble des nœuds de calcul devient vite encombrant).

Ainsi, on a accès au vecteur vitesse auquel est soumise la particule qui se trouve au point a au 1er Janvier 2010 à 23h59. On note ce vecteur V01/01/2010(a). En soumettant la particule

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à une vitesse de même module mais de sens opposé à V01/01/2010(a), on peut remonter la trajectoire de la particule en fonction du temps. Puisque le champ de vitesse V01/01/2010 n’est pas uniforme, le backtracking de la particule ne produit pas une trajectoire rectiligne, mais curvilinéaire en fonction des composantes de vitesse échantillonnées (d’où le déplacement de la particule de a vers b puis de b vers c en Figure 92). On soumet ainsi la particule au champ de vitesse -V01/01/2010 jusqu’à ce que l’on ait retrouvé la position de la particule au 31/12/2009 à 23h59. Dans notre exemple, cette position correspond au point c (Figure 92). Pour remonter davantage la trajectoire de la particule en fonction du temps, on soumet la particule à -V31/12/2009, i.e l’opposé du champ de vitesse au 31/12/2009 à midi. On en déduit ainsi la position des points suivants. Le 30/12/2009 à 23h59, on met à nouveau à jour le champ de vitesse, etc… Dans les faits on reconstitue le chemin et les temps de passage (ou d'entrée) d'une masse d'eau qui arrive à un instant t à un endroit donné. Il faut noter que cette reconstruction ne donne pas les flux instantanés le long du parcours suivi, ni les conditions de mélange entre une eau présente dans le système souterrain et une eau qui entre dans le système. Par conséquent, les temps de passages recueillis par une particule en "bactrack" sur son parcours ne donnent pas la distribution exacte des temps de séjour présents dans un volume d'eau arrivant en un point à un instant t. Cette distribution des temps de séjour doit se calculer par la résolution explicite d'un problème de transport (ou d'un calcul de tubes de courant), non encore implémenté dans NIM. Une solution palliative, mais qui reste approximative est de distribuer des particules uniformément sur l'ensemble du système, de les faire suivre un chemin dans le sens normal (par opposition à inverse) des champs de vitesse et de collecter les temps d'arrivée des particules dans une zone donnée. Cette alternative est implémentée, mais là encore, la distribution des temps reste approximative puisqu'elle suppose une entrée d'eau uniforme et instantanée sur le système.

4.2 Aires contributives à l’écoulement à l’exutoire

La Figure 93 représente l’application de cette méthode de "backtracking" en régime transitoire pour tous les points en eau du réseau de chenaux 1-D, à deux dates différentes, le 1er Juillet 2010 (partie droite) et le 1er Mars 2010 (partie gauche), pour la géométrie 1. Puisque les particules prennent leur origine dans la portion en eau de la rivière 1-D, la densité des lignes de courant atteste de l’aire contributive au débit dans la rivière à un instant donné. Ces aires sont variables (assez faiblement en général) dans le temps et dépendent de la proportion en eau du réseau de chenaux 1-D. Le temps de séjour caractéristique est de l’ordre de 100-200 jours, et en général, l’ensemble du bassin contribue au débit à l’exutoire. Quelques exceptions subsistent, notamment pendant l’étiage estival. A ces périodes, quelques fractions du bassin peuvent ne pas contribuer au débit dans la rivière, sans toutefois que le temps de séjour caractéristique ne varie. On notera qu'il ne faut pas analyser trop finement la figure 10 sur la densité des lignes de courant tracées pour estimer les zones contributives du bassin. Cette densité est directement proportionnelle à la longueur en eau du réseau drainant, plus faible en été qu'en hiver. En revanche, on peut sans conteste regarder "l'enveloppe" générale des lignes de courant pour estimer les zones contributives.

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Figure 92 : Schéma de principe de la méthode de backtracking employée pour déterminer les lignes de courant qui participent au débit à l’éxutoire du bassin versant du Strengbach. On place des particules le long de la partie en eau du réseau de chenaux 1D (ici on n’en représente qu’une, située en a le 01/01/10 à 23h59). NIM simule à cette date un champ de vitesse sur la surface du bassin (non uniforme), noté V01/01/2010. En appliquant à la particule un champ opposé à V01/01/2010, on retrace sa position jusqu’au 31/12/09 à 23h59. Ensuite, pour remonter davantage la trajectoire de la particule en fonction du temps, on actualise le champ de vitesse, et ainsi de suite. La fréquence d’actualisation du champ de vitesse a été fixée à une actualisation par jour de façon à trouver un équilibre entre précision des résultats et considérations numériques (Le stockage des champs de vitesse pour l’ensemble des nœuds de calcul devient vite encombrant)

On peut également remarquer qu’aux alentours des sommets les eaux sont particulièrement lentes (Figure 93). Les sommets du bassin ont par définition une étendue contributive nulle et dans le cas présent, les fortes pentes incitent le peu d’eau présente à descendre dans le bassin versant. L’aquifère y est donc généralement presque entièrement désaturé. Il en résulte des conductivités hydrauliques effectives très inférieures aux

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conductivités à saturation (en particulier pour un sol sableux comme au Strengbach) et donc des vitesses d’écoulement très faibles.

Par ailleurs, ce phénomène est exacerbé par les hypothèses simplificatrices de NIM. Pour le comprendre, raisonnons sur un exemple. Dans la géométrie 1, sur la partie haute du bassin, le substratum est généralement à une profondeur de l’ordre de 2 m (Figure 85). Considérons donc une colonne de sol de 2 m de profondeur, située au sommet du bassin, entièrement désaturée et à l’équilibre hydrostatique, de telle sorte que la pression au niveau du substratum vaille -1 m. Puisqu’on est à l’équilibre hydrostatique, la pression à la surface est égale à la somme de la pression au substratum et de l’opposé de l’épaisseur totale de l’aquifère. Ainsi, la pression à la surface vaut -3 m. Un évènement pluvieux s’abat sur cette colonne de sol.

· En pratique, l’équilibre hydrostatique n’est pas instantané après un évènement pluvieux. La précipitation est donc susceptible de générer temporairement une couche saturée en eau dans la partie la plus superficielle du sol, tout en maintenant une pression de -1 m au niveau du substratum. Ainsi, la conductivité hydraulique de la zone saturée de surface est apte à générer des vitesses d’écoulement non négligeables.

· Dans NIM, on fait l’hypothèse d’un équilibre hydrostatique instantané, faisant que l’évènement pluvieux se répercute sous la forme d'une élévation instantanée de pression appliquée à l’ensemble de la colonne. Par exemple, la pression au substratum peut passer de -1 m à -0.5 m et la pression à la surface de -3 m à -2.5 m. Ainsi, l’épaisseur de sol saturé (i.e, à pression positive) modélisée par NIM est nulle à tout instant, contrairement à ce qui se passe en pratique. Les vitesses simulées par NIM s’en retrouvent donc sous-évaluées.

4.3 Application au suivi géochimique

La composition chimique des eaux du Strengbach dépend du temps de contact entre l’eau et la roche. En effet, l’écoulement souterrain altère progressivement l’aquifère, se chargeant ainsi en divers minéraux (magnésium, calcium, silice, sodium, potassium, etc..) au fil du temps. Or, l’étude hydrogéochimique du Strengbach suscite l’intérêt de la communauté scientifique pour son rôle « démonstrateur » des mécanismes d’altération en milieu de socle (e.g;, Ackerer et al., 2018; Gangloff et al., 2014; Lucas et al., 2017; Pierret et al., 2014; Probst et al., 1990). Dans les études géochimiques parues jusqu’ici, la trajectoire et le temps de séjour de l’eau dans le milieu souterrain sont déduits de façon simplifiée, en supposant par exemple une vitesse moyenne uniforme et une trajectoire rectiligne. (Ackerer et al., 2018; Goddéris et al., 2006; Lucas et al., 2017; Maher, 2010).

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Figure 93 : lignes de courant du compartiment souterrain qui approvisionnent le réseau de chenaux 1D à la date du 1er mars 2010 (gauche) et du 1er juillet 2010 (droite). L’échelle de couleur indique qu’une particule d’eau parvenant à la rivière à une date donnée (e. g. 1er mars 2010) est partie de ou est passée par un point donné du bassin versant X jour auparavant. La densité des lignes de courant dépend directement de la portion en eau du réseau de chenaux 1D à une date donnée (e. g. 1er mars 2010).

Dans ce contexte, les simulations de NIM relatives au temps de séjour de l’eau dans le milieu souterrain sont dignes d’intérêt. En effet, celles-ci ont le potentiel de conditionner les recherches hydrogéochimiques sur une base plus réaliste, notamment en apportant une contrainte durée – longueur de contact de l’eau dans un système réactif avec la roche ou son altérite. On applique donc une technique de "backtracking" similaire à celle décrite en Figure 92 afin de générer les lignes de courant qui arrivent à l’ensemble des points de prélèvements hydrogéochimiques sur le bassin versant du Strengbach (Figure 94).

Les résultats indiquent que la vitesse de l’eau sur une même ligne de courant n’est pas constante (Figure 94). Par ailleurs, certains prélèvements, comme CS2 (Figure 94) captent des lignes de courant provenant d’emplacements multiples, et aux profils de vitesses différents. Ainsi, les particules arrivant à CS2 par le Sud ont parcouru plus de distance en 100 jours que celles qui y sont arrivé par le Nord (i.e., les longueurs des portions rouges des lignes de courant Nord et Sud différent pour CS2 dans la Figure 94).

Ces observations attestent que la dynamique hydrogéochimique du Strengbach est plus complexe que ce qui a été supposé dans la littérature scientifique. Par conséquent, une collaboration est en cours avec les auteurs de Ackerer et al., (2018). Cette collaboration vise à investiguer la composition géochimique des eaux du Strengbach au regard des informations de conditionnement fournies par NIM, en utilisant le modèle hydrogéochimique KIRMAT (Gérard et al., 1998).

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Figure 94 : lignes de courant du compartiment souterrain qui approvisionnent les points de prélèvement hydrogéochimiques sur le bassin versant du Strengbach le 29 Mars 2011. L’échelle de couleur indique qu’une particule d’eau parvenant à un point de prélèvement le 29 Mars 2011 est partie de ou est passée par un point donné du bassin versant X jour auparavant. Les carrés bleus désignent les points de prélèvements hydrogéochimiques.

Dans la mesure où ce couplage entre modélisation hydrologique et hydrogéochimique est relativement novateur, considérant par ailleurs que les résultats de cette collaboration ne sont pas encore publiés au moment de l’écriture de ce manuscrit, ceux-ci ne sont pas détaillés ci-après. Quoi qu’il en soit, ils s’avèrent très encourageants. Les concentrations en élément chimiques mesurées correspondent bien aux concentrations simulées par la chaîne de traitement NIM/KIRMAT.