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Afin de mieux comprendre les enjeux de l'ATS-D, remontons quelque peu le temps pour connaître ses origines et les moyens existant pour son évaluation. Après un tour d'horizon des différentes familles d'ATS-D, de leurs avantages et de leurs inconvénients, nous nous arrêterons sur une famille particulière de molécules : les calixarènes dont nous décrirons l'essentiel des potentialités connues à ce jour. Enfin, nous retracerons l'historique de la famille des Coronaviridae avec notamment l'émergence, en 2002, du SARS-CoV. Nous dépeindrons les grandes caractéristiques de cette famille, i.e. particularités de leur mode de réplication, pouvoir pathogène et leur comportement face aux ATS-D et aux conditions environnementales.

1 L'antisepsie-désinfection : les agents et l'évaluation de leur activité

antivirale

1.1 L'antisepsie au cours du temps

L'antisepsie a accompagné l'Homme, de façon empirique, très tôt au cours de son Histoire. Dès la haute Antiquité, les épices ou autres essences étaient utilisées par les Egyptiens pour lutter contre les phénomènes de putréfaction des plaies et des cadavres. En Perse, l'emploi de récipients en cuivre ou en argent pour conserver l'eau avait été préconisé pour les propriétés de certains métaux d'empêcher ce qui était appelée la "corruption" de l'eau.

Au 5ème siècle avant Jésus-Christ, Hippocrate, père de la médecine, recommandait pour traiter les infections cutanées et les blessures le recours au vinaigre et au vin, c'est-à-dire aux substances acides et aux alcools.

C'est au 18ème siècle que Sir John Pringle, médecin britannique, a introduit pour la première fois le terme antiseptique dans un article publié par la "Royal Society" : "Experiments on Septic and Antiseptic Substances", suite à ses études sur les épidémies au sein des armées et des garnisons.

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Figure 2 : Page de garde de l'œuvre majeure de Semmelweis

Etiologie, signification et prophylaxie de la fièvre puerpérale (1861).

Semmelweis et l'initiation au lavage des mains

Cependant, le véritable père de l'ATS fut Ignace-Philippe Semmelweis (1818-1865), médecin obstétricien à Vienne. Son action principale fut de faire régresser l'épidémie de fièvre puerpérale qui sévissait à la maternité universitaire, ce qu'il fit non sans mal puisque cela lui coûta par deux fois la révocation.

C'est à l'hôpital général de Vienne que Semmelweis commença à étudier les causes de la fièvre puerpérale, malgré la résistance de ses supérieurs qui croyaient impossible de la prévenir, l'attribuant au confinement, à la promiscuité et à une mauvaise aération. En Juillet 1846, Semmelweis fut nommé chef de clinique dans le service de la maternité où il eut à faire face à un taux de 13% de mortalité maternelle et néonatale, dû à la fièvre puerpérale. En Avril 1847, ce taux atteignit 18%. Curieusement, un deuxième service de maternité avait, pour la même maladie, un taux de mortalité de 2% seulement, alors que ces deux services étaient situés dans le même hôpital et employaient les mêmes techniques. La seule différence était le personnel qui y travaillait : le premier servait à l'instruction des étudiants en Médecine, tandis que le second avait été choisi pour la formation des sages-femmes.

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En 1847, la mort d'un de ses amis, professeur d'anatomie, lui ouvrit les yeux : ce dernier décéda en effet d'une infection, après s'être blessé accidentellement au doigt avec un bistouri, au cours de la dissection d'un cadavre. Son autopsie révéla une pathologie identique à celle des femmes mortes de la fièvre puerpérale. Semmelweis vit très rapidement le rapport entre la contamination par les cadavres et la fièvre puerpérale. Il en conclut que les étudiants et les médecins apportaient sur leurs mains, depuis la salle d'autopsie, des particules contaminantes aux patientes qu'ils soignaient. À l'époque, la théorie des maladies microbiennes n'avait pas encore été formulée, c'est pourquoi Semmelweis conclut que c'était une substance cadavérique inconnue qui provoquait la fièvre puerpérale. Il prescrivit alors, en mai 1847, l'emploi d'une solution d'hypochlorite de calcium pour le lavage des mains entre le travail d'autopsie et l'examen des patientes ; le taux de mortalité chuta alors de 12% à 2,4% (Figure 2).

Malgré un résultat aussi spectaculaire, la communauté médicale de l'époque ne lui apporta pas le soutien nécessaire. Ses observations allaient contre l'opinion qui prévalait alors chez les scientifiques, lesquels attribuaient encore les maladies à un déséquilibre dans le corps des "quatre humeurs fondamentales", une théorie connue sous le nom de dyscrasie et datant tout de même d'Hippocrate. En outre, la surcharge de travail imposée par le lavage des mains avant de s'occuper de chaque parturiente a été débattue. Les médecins n'avaient, de plus, aucune envie d'avouer qu'ils étaient responsables de tant de morts, même de façon involontaire… Enfin, un autre préjugé était que cette thèse semblait ne reposer sur aucune base scientifique, puisqu'aucune justification ne pouvait être donnée. Cette explication ne viendra que quelques décennies plus tard quand Pasteur, Lister et d'autres pionniers auront développé la théorie microbienne des maladies transmissibles.

Les époques Pasteurienne et Listerienne

Ainsi, Louis Pasteur (1822-1895), était un scientifique français, chimiste et physicien de formation et un pionnier de la microbiologie (Figure 3). Après avoir travaillé sur la cristallographie et la chiralité moléculaire, ses travaux ont dérivé vers l'étude de la fermentation où il mit en exergue l'intervention de microorganismes vivants. A partir de 1859, son combat contre la notion de "génération spontanée" l'amena, après quelques années de recherche, à prouver l'existence des "microbes". Puis, en 1863, suite à des maladies affectant les vignes et grevant lourdement le commerce du vin, Napoléon III demanda à Pasteur, reconnu comme spécialiste de la fermentation et de la putréfaction, de chercher un remède. Pasteur proposa alors de chauffer le vin à 57°C afin de tuer les "germes" et résolut ainsi le problème de la conservation et du transport du vin. La pasteurisation était née.

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Figure 3 : Louis Pasteur

Photo de Louis Pasteur prise en 1878 et de la plaque commémorative prise sur l'ancienne distillerie de Lille où Louis Pasteur travaillait sur la fermentation lactique et commença ses recherches en microbiologie et sur la prévention des maladies infectieuses.

Le chirurgien Anglais Joseph Lister, après avoir lu les travaux de Pasteur, proposa, en 1867, que les infections post-opératoires étaient dues, elles aussi, à des organismes microscopiques. Utilisant alors le phénol sur les plaies de ses opérés, il induisit ainsi une réduction drastique des infections et de la mortalité. Il préconisait également une vaporisation de phénol pour tuer les microorganismes présents dans l'air. L'antisepsie "listérienne" était donc bien une manière de combattre les "germes". Cependant, cette méthode présentait des limites, notamment parce que Lister n'avait pas pensé à l'eau comme moyen de propagation.

Des études ultérieures se sont tournées vers des procédés préventifs desquels est née la notion d'asepsie, consistant à développer des méthodes de travail empêchant tout apport de microorganismes. Pasteur revint alors sur le devant de la scène, en attirant l'attention sur les microorganismes propagés par l'eau ou par les instruments et les divers ustensiles chirurgicaux. Il recommanda ainsi de ne se servir que d'instruments d'une propreté parfaite et de les soumettre à un flambage rapide, d'utiliser de l'eau ou autre matériel seulement après avoir été soumis à l'action de la température et bien sûr de se nettoyer les mains, rejoignant ici la thèse de Semmelweis.

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