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6.1 Un modèle théorique d’intimité virtuelle

6.1.4 Antécédents et régulation

Inspirés de la littérature, nous proposons que l’expression de comportements intimes et leur perception soient dépendantes d’antécédents et soient régulées en fonction des caractéristiques de l’individu, du contexte et de l’interaction. A) Régulation de l’expression d’intimité

Tout comme l’intimité chez l’être humain (Reis et al., 1988; Prager, 1995), nous proposons que l’intimité virtuelle soit considérée comme un modèle dy- namique interpersonnel impliquant les deux membres de la dyade. Un premier processus de régulation de l’expression d’intimité chez l’individu se met en place en réponses aux comportements et attitudes perçus de la part du partenaire d’interaction. Par exemple, plusieurs travaux ont mis en évidence l’importance de la réciprocité dans les comportements intimes et montrent que l’expression de self-disclosures augmente la probabilité que le partenaire exprime à son tour une self-disclosure (Laurenceau et al., 1998; Moon, 2000). Ainsi, l’expression d’intimité est à la fois dépendante des comportements d’autrui exprimés au cours de l’interaction mais également de l’historique d’interactions ou de re- lation avec ce partenaire. Dans cette veine, nous proposons que le niveau de connaissance du partenaire, pouvant être assimilé d’une certaine manière à l’historique de la relation, soit considéré comme une caractéristique de régu- lation de l’expression d’intimité. En effet, nous pouvons supposer que, comme dans les relations humaines (Hinde, 1981; Prager, 1995), la construction de la relation répond à un certains décours temporel et s’accompagne de comporte- ments intimes spécifiques à cette temporalité.

Nous proposons également que le processus d’intimité soit en partie dé- pendant des caractéristiques de l’individu et soit notamment influencé par la personnalité. Effectivement, une relation entre profils d’intimité (statuts) et personnalité a été établie dans la littérature (Orlofsky, 1978) et nous conduit à penser que la personnalité de chaque individu influence la manière dont sont

exprimés les comportements intimes au sein des relations. De nombreux autres travaux ont aussi mis en évidence l’impact des troubles et pathologies de l’esprit sur le processus d’intimité (Prager, 1995). Enfin, Reis et al. (1988) évoquent l’influence sur l’expression d’intimité des caractéristiques individuelles, au tra- vers des besoins, des désirs et des peurs propres à chaque individu. Nous pro- posons ainsi que l’expression d’intimité virtuelle soit elle aussi régie par les motivations personnelles des individus.

En complément, nous faisons l’hypothèse que le contexte de l’interaction (e.g. environnement professionnel, normes sociales, intentions et bénéfices in- terpersonnels) joue un rôle dans l’expression des comportements d’intimité dans les interactions humain-agent. Nous pensons par exemple que le respect des codes sociaux en vigueur dans le contexte d’interaction considéré a pour conséquence de modifier la manière dont un individu exprime des comporte- ments d’intimité.

Ainsi, notre modèle d’intimité virtuelle propose que les caractéristiques de l’interaction (perception des comportements d’autrui et antécédents), les carac- téristiques personnelles de l’individu (e.g. personnalité, pathologies et troubles, motivations) et le contexte social de l’interaction (e.g. norme social, environ- nement) soient reconnus comme des régulateurs de l’expression d’intimité vir- tuelle dans les interactions humain-agent.

B) Régulation de la perception d’intimité

De même que les comportements d’intimité sont sujets à régulations, nous proposons que la perception d’intimité soit sous l’influence de différents fac- teurs.

Nous postulons que la perception d’intimité virtuelle, tout comme l’inti- mité interpersonnelle, est influencée par des filtres d’interprétation propres à chaque individu (Reis et al., 1988). D’après les auteurs, ces filtres d’interpréta- tions reposent dans les interactions humaines sur la représentation mentale que

l’individu se fait de l’autre, de soi et de l’interaction. Ainsi, un même compor- tement, tel que pleurer, pourra être interprété comme un signe de faiblesse ou une preuve du courage selon l’individu concerné. De même, la manière dont est perçu le comportement de l’autre peut également dépendre de la manière dont l’individu se représente et se considère : un rire pourra passer pour sympathique ou moqueur selon la représentation que l’individu a de lui même globalement et au cours de l’échange. Dans cette même veine et en nous inspirant des tra- vaux de Burgoon et Hale (1988), nous proposons que la perception d’intimité virtuelle soit influencée par les antécédents de l’individu et notamment ses interactions passées. A travers son expérience, l’individu se construit une re- présentation de l’intimité et des comportements intimes d’autrui attendus et adéquates selon les contextes.

Ainsi, il se peut que les représentations mentales que se font les individus à l’égard des ACAs influencent la manière dont ils en perçoivent l’expression d’intimité. Les expériences passées d’interaction avec d’autres agents virtuels ou toutes autres formes d’intelligence artificielle ont aussi probablement façonné la manière dont les gens se représentent les ACAs. La représentation et la conceptualisation des affects chez les ACAs est également une construction mentale qui pourrait influencer la perception d’intimité chez les utilisateurs d’ACAs.

Nous avons proposé précédemment que le processus d’intimité, dans sa globalité, soit influencé par les caractéristiques personnelles de l’individu. De même que l’expression d’intimité est influencée d’après-nous par la person- nalité, les troubles et dysfonctions psychologiques de l’individu, ainsi que ses motivations personnelles, nous postulons par ailleurs que la perception d’inti- mité est également sensible à ces facteurs de régulation.

Tout comme l’expression d’intimité, la perception des comportements d’au- trui apparaît, selon nous, dépendante du contexte de l’interaction.

Conclusion. Ainsi, notre modèle d’intimité virtuelle propose que les repré-

sentations mentales de l’individu et ses antécédents, ainsi que ses caractéris- tiques personnelles (e.g. personnalité, pathologies et troubles, motivations) et le contexte de l’interaction (e.g. norme social, environnement) soient reconnus comme des facteurs de régulation de la perception d’intimité virtuelle dans les interactions humain-agent.

6.1.5

Conclusion

Nous proposons un modèle d’intimité virtuelle dédié aux ACAs (Figure 6.1) qui s’articule autour de 3 dimensions majeures et qui implique des processus dyadiques d’expression et de perception de comportements multimodaux, régu- lés par des facteurs internes et externes. Ce modèle est proposé pour répondre aux spécificités et aux contraintes des interactions humains-agents virtuels ; par conséquent, certaines dimensions de l’intimité, tels que ses aspects sensoriels et charnels, ne sont pas rapportés dans ce modèle. D’autre part, ce modèle théorique a été élaboré dans une démarche de conception d’ACAs capables d’exprimer des compétences sociales et avec pour ambition d’améliorer l’expé- rience des utilisateurs et la relation-client. Bien qu’il s’appuie principalement sur des théories initialement basées sur les relations amoureuses, notre modèle s’inspirent également de travaux portés par d’autres formes de relations intimes (Stern, 1997) et s’adresse tout particulièrement aux interactions humain-agent répondant à une situation professionnelle ou de service.

En complément de ce modèle théorique, notre questionnement de recherche nous a poussé à construire une échelle de mesure de l’intimité virtuelle, « Vir- tual Intimacy Scale » (VIS) pour évaluer l’intimité perçue dans l’interaction au travers des comportements de l’ACA.

6.2

Une échelle de mesure de l’intimité virtuelle