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3.3 Les agents virtuels sociaux

3.3.1 Agents virtuels intimes

Bien que le concept d’intimité n’ait reçu qu’un intérêt limité dans la com- munauté des agents virtuels sociaux, plusieurs travaux se sont intéressés à son expression et sa perception dans les interactions humain-agent (e.g (Bickmore et Schulman, 2012; Burger et al., 2016a)). Ces travaux se sont portés sur l’ex- pression d’intimité verbale, non verbale ou bien un combinaison des deux et ont exploré leurs influences sur les perceptions humaines.

A) Comportements verbaux

Parce qu’il s’agit d’un comportement central dans le processus d’intimité (Reis et al., 1988), mais également parce qu’il fait écho à d’autres compétences sociales comme le rapport (Tickle-Degnen et Rosenthal, 1990), le principe de

self-disclosure a suscité un engouement particulier dans la recherche relative aux agents virtuels sociaux. Plusieurs travaux ont ainsi mis en évidence que cette stratégie conversationnelle lorsqu’elle était employée par un agent virtuel permettait d’influencer les perceptions et les comportements des individus :

Déjà dans les années 2000, Moon (2000) montre qu’un agent conversation- nel dont la tâche est d’interviewer un utilisateur et d’obtenir des informations personnelles à son sujet, est plus susceptible d’induire des self-disclosures chez les utilisateurs s’il fait lui-même preuve de self-disclosure et respecte une gra- dation du niveau d’intimité de ses questions (i.e. norme sociale). Dans une seconde étude, l’auteur montre que le phénomène de self-disclosure réciproque entre un agent et un consommateur potentiel, augmente l’intention d’achat d’un produit.

Dans le cadre d’une application de suivi d’enfants diabétiques, Burger et al. (2016b) ont développé un compagnon virtuel capable de self-disclosure. Bien que leurs résultats restent mitigés puisqu’ils n’ont globalement pas réussi à mettre en évidence de lien entre le comportement social de l’agent virtuel et celui des enfants, les résultats de cette étude ont tout de même montré que les enfants exprimant le plus de self-disclosures envers l’agent sont également ceux qui utilisent le plus sérieusement l’application de suivi du diabète. Aussi, en s’appuyant sur leur échelle de mesure du degré d’intimité d’une self-disclosure dans l’interaction enfant-agent (Burger et al., 2016a), les auteurs de l’étude ont rapporté que les self-disclosures peu intimes de l’agent virtuel sont plus susceptibles de générer un comportement social de la part des enfants que les self-disclosures très intimes.

Bickmore et al. (2009) ont développé un agent conversationnel de sou- tien à l’exercice physique et ont montré dans une étude longitudinale, que les participants apprécient davantage leurs interactions avec l’agent et vont plus souvent au bout de celles-ci lorsque l’agent virtuel raconte des histoires qui le concernent plutôt que des histoires qui concernent une tierce personne. Pour

autant, l’agent virtuel racontant ses propres histoires n’est pas jugé plus mal- honnête que son homologue. La même équipe de recherche a également proposé un modèle computationnel permettant d’entretenir une relation humain-agent (Bickmore et Schulman, 2012). Cet algorithme permet a un agent virtuel coach en santé d’adapter automatiquement ses stratégies de self-disclosure au niveau d’intimité désiré par l’utilisateur.

La communication sociale chez l’être-humain est multimodale et fait égale- ment intervenir des comportements non-verbaux. Pour ces raisons, la recherche académique s’est naturellement portée sur la conception et l’évaluation d’agents virtuels disposant de comportements sociaux verbaux et non-verbaux.

B) Comportements verbaux et non-verbaux

La cohérence de l’expression multimodale des comportements sociaux chez les agents virtuels a été abordée dans plusieurs travaux de recherche. Comme nous l’évoquions précédemment, Clavel et al. (2009) ont notamment montré que la cohérence entre expressions faciales et posturales chez un agent virtuel influence l’émotion perçue par les utilisateurs.

La perception de l’intimité est également sensible à la cohérence compor- tementale des ACAs. En s’inspirant de la combinaison de comportements ob- servés dans un corpus de vidéos d’interactions humaines, Kang et al. (2012) ont proposé une étude dans laquelle des participants doivent associer une self- disclosure d’intensité variable à un agent virtuel en fonction des comportements non-verbaux qu’il exprime. Les résultats de cette étude montrent que les par- ticipants ont plutôt tendance à associer un agent virtuel exprimant des incli- naisons de tête, des pauses et une aversion du regard avec une self-disclosure très intime, alors qu’un agent virtuel exprimant des hochements de tête et des contacts visuels est plus facilement associé à une self-disclosure peu intime.

Dans une démarche similaire centrée sur les perceptions humaines, Ochs et al. (2014) ont proposé à des participants de modifier certaines caractéris-

tiques de l’animation d’un ACA, notamment son regard, l’orientation et les mouvements de sa tête, ainsi que ses gestuelles et ses expressions faciales, afin que son comportement non-verbal corresponde à un type d’attitude sociale. En s’appuyant sur le système GRETA (Poggi et al., 2005), ce corpus de données a notamment permis à l’équipe de recherche de développer un modèle d’ACA capable de sélectionner automatiquement les comportements non-verbaux cor- respondant à l’attitude sociale attribuée à l’ACA (Ravenet et al., 2013).

Conclusion. Les comportements sociaux verbaux et non-verbaux des agents

virtuels et leur impact sur les perceptions humaines ont été exploré dans un bon nombre d’études. Dans cette littérature, le processus de self-disclosure a reçu une attention toute particulière, notamment parce qu’il est reconnu comme un processus central dans le concept d’intimité interpersonnelle mais également parce qu’il est associé à des compétences sociales connexes, comme le rapport, le niveau de connexion ou de relation (i.e. relatedness) entre deux personnes. Contrairement à la self-disclosure, les autres comportements verbaux associés à l’expression d’intimité dans la littérature ont en revanche reçu une attention beaucoup plus limitée et nous pensons qu’il est nécessaire de considérer dans leur ensemble les comportements intimes pour appréhender le phénomène dans son intégralité. Dans cette perspective, il nous parait également indispensable de concilier l’expression des comportements verbaux et non-verbaux intimes chez les ACAs pour explorer, avec une approche centrée-utilisateur, les per- ceptions sociales des individus à l’égard des ACAs. Pour être les plus fidèles possibles, les perceptions utilisateurs doivent donc être étudiées en situations réelles d’interaction afin de retranscrire toutes les spécificités des interactions humain-agent et les processus socioperceptifs qui les supportent.