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Chapitre 4. Résultats et Discussion

4.3 Évaluation de la cinétique de la réaction dans les granulats du barrage à l’étude (Série 3)

4.3.4 Analyses et discussion

L’analyse des résultats des mesures d’expansion réalisées sur les éprouvettes de la série 3 montre globalement des différences en lien avec la taille initiale des granulats extraits du béton du barrage (5-20 mm et 20-40 mm). Toutefois, les mélanges de mortier ne montrent presque pas de différences entre les granulats prélevés au niveau de la centrale (loc. 660) et de la prise d’eau (loc. 734).

Les éprouvettes avec les granulats dont la taille initiale à l’extraction du béton est 20-40 mm ont généré des expansions plus importantes pour les deux squelettes granulaires. Ceci est vraisemblablement dû au fait qu’à un âge donné au sein du béton du barrage, la proportion volumétrique de silice réactive consommée est moins importante pour cette taille, laissant ainsi une quantité plus importante de silice résiduelle disponible pour réagir

et générer de l’expansion lors de l’essai sur prismes et sur barres de mortier. Ces résultats concordent avec ceux présentés dans les travaux de Grimal (2007) montrant que les mortiers constitués de graviers broyés réagissent plus vite et ont des asymptotes de gonflement plus élevées que ceux fabriqués avec des sables broyés. Ces résultats sont expliqués en soulignant la différence de cinétique entre les différentes tailles de particules de granulats composant les bétons de l’ouvrage affecté (le barrage Temple-sur-Lot) et l’accessibilité de la silice du cœur des particules de granulats qui n’avait pas encore été atteinte par les alcalins, rendue possible par les opérations de concassage.

Globalement, les courbes ne présentent pas de différences significatives entre les granulats du béton des deux zones échantillonnées : la centrale et la prise d’eau. La différence observée pour les particules de granulats de taille 5-20 mm extraites du béton pour les éprouvettes avec le squelette granulaire ASTM 3 suggère que la réaction était plus avancée dans les particules de cette taille au niveau du béton de la prise d’eau (loc. 734) laissant une quantité moindre de silice réactive disponible. Toutefois, cette différence peut aussi n’être qu’apparente ou peut être due à d’autres facteurs comme la variabilité intrinsèque des matériaux et de l’essai (granulométrie d’origine et granulométrie après concassage). Dans l’hypothèse que la différence découle réellement de l’historique de la réaction dans le béton de l’ouvrage selon les deux zones de prélèvements des carottes, une explication devient nécessaire pour les résultats obtenus avec les granulats de taille 20-40 mm. En effet, pour ces plus grosses particules, seule une couronne extérieure serait atteinte par les hydroxydes alcalins. Les effets de la différence d’épaisseur de cette couronne selon les deux zones échantillonnées seraient probablement masqués par le processus d’extraction des granulats des carottes et les opérations de concassage rendant accessible toute la silice du cœur des granulats non encore altéré. Dans le cas des particules de ce calibre, il est à noter qu’aucun des deux squelettes granulaires (LMDC et ASTM) ne permet d’identifier une différence significative d’expansion résiduelle entre la centrale et la prise d’eau.

Bien que les asymptotes de gonflement ne soient pas encore atteintes, le faible écart entre les courbes d’expansion des éprouvettes avec le GRO et celles avec les GRB (10 à 30 % en moyenne) suggère un niveau d’épuisement relativement faible (limité) de la silice réactive dans ces derniers.

Les éprouvettes fabriquées selon le squelette granulaire LMDC ont généré des expansions plus importantes que celles fabriquées selon le squelette granulaire ASTM 3 en dépit des pertes de gel plus importantes. Ceci peut vraisemblablement s’expliquer par le fait que les particules réactives du calibre pessimum de 600 – 1180 μm, tant pour le GRO que pour les granulats du barrage, représentent une plus grande proportion du squelette granulaire dans la distribution LMDC (50 % contre 25 % pour le squelette ASTM).

Figure 4-13 Produits blanchâtres observables après 200 jours de trempage à la surface des éprouvettes de mortier et dans les solutions de trempage pour la série 3 (squelette granulaire LMDC) : (a) 660-520, (b) 660-2040, (c) 734-520, (d) 734- 2040

(a) (b) (c) (d)

Figure 4-14 Produits blanchâtres observables après 200 jours de trempage à la surface des éprouvettes de mortier et dans les solutions de trempage pour la série 3 (squelette granulaire ASTM 3) : (a) 660-520, (b) 660-2040, (c) 734-520, (d) 734- 2040

(a) (b) (c) (d)

La cinétique de réaction du granulat du barrage à l’étude est très lente par rapport à celle du calcaire belge (CB) utilisé par Gao (2010). On verra plus loin que ce dernier granulat présente en fait des caractéristiques minéralogiques et une cinétique de réaction similaires à celles du calcaire Spratt (voir Figure 4-15). Les courbes d’expansion pour ces deux granulats atteignent une asymptote au bout d’environ 150 jours, tandis que pour le GRO (et le GRB), avec des conditions d’essais en tout point similaires, la cinétique durant la phase d’expansion secondaire après 250 jours est encore de l’ordre de 0,0011 %/jour. Le temps nécessaire pour atteindre l’asymptote avec le granulat du barrage semble être beaucoup plus important. Lors des essais d’expansion réalisés sur le GRO par Béland (2020), l’asymptote n’était pas encore atteinte après 600 jours d’essais. Le suivi des essais de ces éprouvettes (au-delà de la durée de travaux de maitrise de Béland) a montré que la phase de repos s’amorce après environ 1200 jours. Ces essais se poursuivent actuellement et les résultats sont prévus d’être publiés dans un rapport ultérieurement. Il s’ensuit donc que le temps nécessaire pour estimer l’expansion résiduelle d’un granulat comme celui du béton du barrage au moyen de la méthode LMDC ne cadre pas avec l’objectif initial d’un essai de laboratoire fiable et raisonnablement rapide (dans le contexte des essais de caractérisation voués à la RAS). En outre, pour le GRB, les résultats ne montrent pas une différence nette entre les lieux de prélèvement des carottes (centrale et prise d’eau) contrairement aux résultats présentés par Grimal (2007) pour le granulat du barrage de Temple sur Lot. Il faut noter toutefois qu’une différence importante entre les degrés de saturation de l’ouvrage selon la localisation des prélèvements a été observée, variant de 30 à 85 %, dans le cas du barrage Temple sur Lot (Grimal, 2007). Le mécanisme d’expansion tel que présenté dans la section 1.4.3.2 basé sur une attaque des ions OH- de la périphérie vers le cœur du granulat peut ne pas correspondre au granulat du barrage à l’étude.

Bien que la phase d’expansion principale, souvent atteinte sur une durée de temps relativement courte, soit déterminante dans le niveau d’expansion générée à long terme pour les granulats très réactifs (Grattan-Bellew, 1981), il semblerait que la phase d’expansion secondaire, souvent la plus longue et la moins prévisible, soit tout aussi importante notamment pour les granulats de réactivité moyenne et à cinétique lente comme le GRO. En d’autres termes, pour un granulat à cinétique rapide comme le Spratt pour lequel le gonflement asymptotique est atteint dès 160 jours environ (voir Figure 4-15), il est plus facile de prédire l’expansion résiduelle par extrapolation des données de la phase principale que pour les granulats à cinétique lente pour lesquels la phase d’expansion secondaire s’étend sur une longue période de temps. En outre, il est difficile d’extrapoler les résultats à date pour se faire une idée de l’expansion future du béton du barrage. La loi de Larive (1997), couramment utilisée à cet effet, nécessite des données expérimentales sur une période plus longue pour un granulat comme le GRO. Cette loi utilise un temps de latence défini à partir du premier point d’inflexion de la courbe et un temps caractéristique qui décrit l’atténuation exponentielle jusqu’au début du gonflement asymptotique. Le lecteur intéressé pourra se référer à la thèse de Larive (1997) pour les détails relatifs à ces

Dans le présent cas, le temps de latence pourrait être déterminé à partir de la phase d’expansion principale et le temps caractéristique pourrait être estimé à partir de la phase d’expansion secondaire. Toutefois, cette dernière phase n’est pas assez avancée à date pour estimer le temps caractéristique et le gonflement asymptotique.

Figure 4-15 Résultats comparatifs obtenus lors de l’essai d’expansion accéléré sur mortier du LMDC pour des granulats caractérisés par des cinétiques de réaction différentes (distribution granulométrique : LMDC; calibre des particules réactives : 600-1180 µm)

En résumé, les résultats de la série 3 permettent de tirer les conclusions suivantes :

1. Les éprouvettes de mortier avec les granulats dont la taille initiale à l’extraction du béton est 20-40 mm ont généré des expansions plus importantes que pour la taille 5-20 mm. Ceci est vraisemblablement dû au fait qu’une quantité plus importante de silice réactive est disponible pour la taille 20-40 mm tenant compte de l’historique de consommation dans le béton du barrage.

2. Les résultats ne montrent aucune différence significative entre les granulats du béton provenant de la centrale (loc. 660-) et de la prise d’eau (loc.734-). La différence observée avec le squelette granulaire ASTM 3 pour les particules de granulat provenant du béton de la prise d’eau est probablement le résultat de la variabilité intrinsèque du matériau et/ou de l’essai.

3. La cinétique d’expansion, selon la méthode d’essai LMDC, est très lente pour le granulat du barrage à l’étude (le GRB et le GRO) par rapport à celle du calcaire belge (CB) utilisé par Gao (2010) et dont le comportement se rapproche du calcaire Spratt, d’où l’importance de la nature du granulat dans le cadre de l’essai développé par le LMDC. Ce dernier point est étudié dans la section suivante.

HP GRO-600-1180 Spratt-600-1180 CB-630-1250 0.00 0.10 0.20 0.30 0.40 0.50 0.60 0.70 0 50 100 150 200 250 300 350 400 Exp an sion (% ) Temps (jours) HP GRO Spratt-600-1180 CB-630-1250

4.4

Étude de l’influence de la nature du granulat réactif et de la