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Chapitre 4. Résultats et Discussion

4.1 Effet de la concentration de la solution de trempage et de la teneur initiale en alcalis sur l’expansion

4.1.6 Analyse et discussion

Groupe 1

Les résultats pour la série 1 / Groupe 1 permettent d’évaluer l’influence de la concentration de la solution de trempage sur l’expansion des éprouvettes de mortier fabriquées selon une même formulation et ayant une teneur en alcalis fixée à 1,4 % Na2Oeq. Durant les premiers jours (jusqu’à 28 jours environ), les éprouvettes conservées dans les solutions de trempage les plus concentrées (1,00 N, 1,25 N, 1,50 N et 1,75 N) subissent les expansions les plus importantes proportionnellement à la concentration de la solution de trempage (Figure 4-2). Puis, à long terme, les expansions subies par les éprouvettes dans les solutions de trempage les moins concentrées (0,85 N, 0,70 N, 0,55 N) deviennent plus importantes, si bien que plus la concentration de la solution de trempage est faible, plus l’expansion ultime subie par les éprouvettes est élevée. La plus faible quantité de produits de réaction observée sur la surface des éprouvettes conservées dans les solutions de trempage les moins concentrées (0,55 N, 0,70 N, 0,85 N respectivement) pourrait expliquer en partie l’importance des expansions mesurées pour ces éprouvettes (Figure 4-5).

Une explication plus exhaustive et complète nécessite l’analyse de la composition des produits de réaction formés à différents moments de l’essai. Des analyses chimiques n’ont pas été réalisées systématiquement dans le cadre de cette étude. Toutefois, en faisant certaines hypothèses basées sur les conditions de l’essai, des explications supplémentaires peuvent être suggérées. Plusieurs études ont montré que les propriétés gonflantes et la viscosité du gel d’alcali-silice dépendent de sa composition, notamment les rapports Na:Si et Ca:Si (Gholizadeh-Vayghan & Rajabipour, 2017 ; Mitsunori Kawamura & Iwahori, 2004 ; Vayghan et coll., 2016). Les produits de la RAS qui sont pauvres en alcalis et en calcium (faibles Na/Si et Ca/Si) seraient les moins fluides, ayant une limite élastique plus élevée. Ce paramètre détermine la pression maximum que le gel peut supporter avant de s’écouler dans la porosité de la pâte de ciment environnante. D’autres études sur la cinétique de formation des gels d’alcalis-réaction ont montré que la vitesse d’attaque de la silice réactive conduisant à la formation de gels d’alcalis-réaction est proportionnelle à la concentration en ions hydroxyles et alcalins dans la solution interstitielle (Kim et coll., 2015 ; Stéphane Multon et coll., 2009). Les résultats de ces travaux appliqués au contexte de la présente étude suggèrent l’explication suivante : plus la concentration de la solution de trempage est élevée, plus la réaction est rapide et plus la quantité d’alcalins fixés par le produit formé est élevée, de telle sorte que les produits de réaction dans les éprouvettes et dans les solutions de trempage les plus concentrées devraient avoir un Na/Si plus élevé et donc être plus fluides. En dépit de la formation d’une grande quantité de produits due à la vitesse de la réaction, leur faible viscosité ne leur permettrait pas de générer des expansions trop importantes.

Grattan-Bellew (1981) a montré que la phase d’expansion principale de la réaction est particulièrement contrôlée par la diffusion, spécialement dans les granulats. Ce phénomène est important, puisque pour la plupart des combinaisons de ce groupe (hormis le cas de la solution de trempage à concentration de 1,00 N), la concentration en alcalis de la solution interstitielle des mortiers est différente de celle de la solution de trempage. Ces différences de concentration engendrent vraisemblablement la migration d’alcalis de la solution de trempage vers ou depuis les éprouvettes de mortier, selon la concentration de la solution de trempage. Le processus de diffusion est toutefois beaucoup plus lent dans les particules de granulats que dans la pâte de ciment (Poyet et coll., 2007). En ce sens, plus il y a d’alcalis disponibles, plus la concentration d’alcalis diffusée dans ces particules est élevée et rapide. Ceci pourrait expliquer pourquoi à court terme (jusqu’à 28 jours environ) les éprouvettes conservées dans les solutions de trempage de concentrations plus élevées (> 0,85 N) ont subi des expansions significativement plus importantes. Toutefois, d’autres phénomènes semblent entrer en jeu, puisque les éprouvettes dans la solution de concentration 1,00 N ont généré les expansions maximales jusqu’à environ 100 jours.

Groupe 2

Les résultats pour la série 1 / Groupe 2 permettent d’évaluer l’influence de la teneur en alcalis des mélanges sur les expansions mesurées. Pour chaque mélange, la teneur en alcalis (Na2Oeq) du mortier est ajustée pour obtenir une solution interstitielle de même concentration que la solution de trempage afin de réduire l’impact des phénomènes de diffusion des alcalins de la solution interstitielle du mortier vers la solution de trempage, ou vice et versa. L’effet pessimum observé avec une expansion maximale pour les éprouvettes dont la concentration en alcalis est équivalente à 1,00 N (jusqu’à 250 jours environ) (Figure 4-3) est probablement dû à la combinaison de plusieurs facteurs. Pour les mélanges avec les teneurs en alcalis (Na2Oeq) ajustées à une concentration de 1,50 N et 1,75 N, la porosité peut être probablement un facteur à considérer, en plus du Na/Si plus élevé qui influence la nature et les propriétés des produits formés. En effet, la mise en place et la consolidation de ces mortiers ont été plus difficiles que pour les mélanges avec une teneur en alcalis plus faible. Une porosité plus importante, visible en surface, a été observée lors du démoulage des éprouvettes avec une teneur en alcalis ajustée à la concentration de 1,75 N. Un dosage élevé en alcalis des mélanges peut en effet accélérer la prise et entrainer un raidissement plus rapide du matériau. Il est rapporté dans la documentation que les accélérateurs de prise apportent généralement un surplus d’alcalis aux mélanges qui jouent un rôle important dans l’augmentation de la vitesse de réaction, donc la prise (Won et coll, 2012 ; De Bellie et coll., 2005 ; Wang et Gillott, 1995). En outre, ils affectent la microstructure de la pâte de ciment qui devient plus poreuse (Gebler et coll., 1992). Il faut aussi noter qu’une hausse de la teneur en alcalis peut avoir des effets similaires à une hausse de température sur la stabilité de certains composés, comme l’ettringite (augmentation de sa solubilité) (Glasser, 1996). Les plus faibles teneurs en alcalis considérées (0,55 N, 0,70 N, 0,85 N) promeuvent une expansion à

taux initialement plus faible, mais se maintenant dans le temps (Figure 4-3). Après neuf mois d’essais, les taux d’expansion observés sont d’autant plus importants que la teneur en alcalis est faible. Ainsi, tel que mentionné précédemment, il est possible d’anticiper à plus long terme une tendance similaire à celle relevée pour la série 1 / Groupe 1 (Figure 4-2).

Gao (2010) a étudié l’effet de la concentration de la solution de trempage sur l’expansion mesurée pour des éprouvettes de mortier incorporant un granulat calcaire siliceux (15% du calibre 315-630 μm + 15% du calibre 630-1250 μm), conservées dans une solution de NaOH. La teneur en alcalis de ces mélanges de mortier a été ajustée pour avoir une concentration en alcalis de la solution interstitielle très proche de celle de la solution de trempage. Les valeurs d’expansion obtenues à 550 jours environ pour les trois concentrations testées, 0,77 N, 1 N et 1,25 N, sont 0,70%, 0,65% et 0,60% respectivement. Les courbes d’expansion de ces éprouvettes ont montré initialement un taux d’expansion élevé durant les 60 à 100 premiers jours, suivi d’un faible taux d’expansion jusqu’à l’asymptote finale. Jusqu’à 40 jours environ, l’expansion mesurée s’est révélée proportionnelle à la concentration de la solution de trempage, après quoi un renversement de la tendance a été observé. Ces résultats ont permis à Gao de conclure que la concentration de la solution de trempage influence peu l’expansion mesurée dans les conditions d’abondance d’alcalis, néanmoins pour les concentrations considérées et le granulat choisi. De ce fait, une solution 1 N de NaOH a été choisie dans le cadre de l’optimisation de l’essai.

En comparant les résultats des essais de la série 1 / Groupe 1 avec ceux de Gao, des similitudes et des différences peuvent être relevées. En ce qui concerne les similitudes, on constate également un renversement de la tendance de proportionnalité de l’expansion mesurée par rapport à la concentration de la solution de trempage, bien qu’un peu plus tardivement (Figure 4-2). Les deux études permettent donc de confirmer qu’à terme, plus la concentration de la solution de trempage est élevée, plus l’expansion mesurée est faible. Ces résultats vont aussi dans le même sens avec ceux de Deboot et coll. (2016) qui ont étudié l’impact de la concentration de la solution de trempage dans le cadre de l’essai AMBT (selon ASTM C1260) en utilisant un sable naturel siliceux de rivière composé de roches volcaniques à grain fin (basalte, andésite, dacite, rhyolite cristalline), des roches volcaniques vitreuses (rhyolite et tuf) et du quartz microcristallin (quartzite, silice microcristalline, etc.). Ces résultats ont été présentés de manière plus détaillée dans le chapitre sur la revue de la documentation.

En revanche, une différence majeure peut être relevée quant à la cinétique d’expansion, qui dépend du type de granulat utilisé. En effet, le métagrauwacke utilisé dans le cadre de cette étude montre une cinétique beaucoup plus lente que le calcaire siliceux utilisé par Gao. Il est prévisible que les différences d’expansion qui seront mesurées à long terme en considérant les mêmes concentrations que celles utilisées par Gao soient

significatives. Dans cette situation, une concentration de la solution de trempage de 0,55 N et une concentration en alcalis des mélanges de mortier égale à 1 N semblent mener aux résultats les plus pertinents pour le granulat en question. Ce choix se justifie aussi par le fait qu’il y a moins de perte de produits de réaction (dans la solution de trempage) associée à ces conditions de l’essai.

La concentration initiale en alcalis des mélanges de mortier a une influence significative sur les expansions mesurées à moyen terme (> 30 jours). Pour une concentration donnée de la solution de trempage, les expansions subies par les éprouvettes de la série 1 / Groupe 2 (i.e. teneurs variables en alcalis du mortier) sont plus faibles que celles des éprouvettes de la série 1 / Groupe 1 (Figure 4-4). Pour les concentrations de la solution de trempage inférieures à 1 N, la concentration initiale en alcalis du mortier étant plus faible pour les éprouvettes du groupe 2, la réaction est vraisemblablement plus lente. On peut ainsi supposer qu’à un âge donné, il y a moins de produits de réaction formés à l’intérieur des éprouvettes du groupe 2 et, par conséquent, l’expansion est plus faible. En contrepartie, pour les concentrations de la solution de trempage supérieures à 1 N, la concentration initiale en alcalis du mortier étant plus élevée dans les éprouvettes que dans celles du groupe 2, on peut présumer que la réaction y est plus rapide, mais que le gel formé se dirige plus rapidement vers l’extérieur de l’éprouvette (à cause de la quantité et/ou de la viscosité), ce qui expliquerait les expansions mesurées moins élevées à long terme pour les éprouvettes de ce groupe.

À 280 jours, l’expansion maximale mesurée pour les éprouvettes du groupe 2 est obtenue dans la solution de trempage de concentration 1 N, mais les taux d’expansion enregistrés à ce stade dans les différentes solutions laissent présager que les valeurs d’expansion maximales seront obtenues pour les plus faibles concentrations à long terme (Figure 4-3).

En résumé, les résultats de la série 1 permettent de tirer les conclusions suivantes :

1. Les éprouvettes conservées dans les solutions les moins concentrées (0,55 N et 0,70 N) montrent une cinétique initiale plus lente, mais subissent des expansions plus importantes à long terme (reste à vérifier pour les éprouvettes du groupe 2 qui génèrent plus d’expansion pour concentration 1 N). Les pertes de gel semblent aussi les moins importantes pour ces éprouvettes.

2. Parmi les combinaisons étudiées, celle qui semblerait à priori idéales pour générer des résultats pertinents et épuiser la silice réactive des particules de GRO correspond au cas du mortier comportant une teneur en alcalis ajustée pour avoir [OH-] = 1 mol/L conservé dans une solution de trempage de concentration 0,55 N. Toutefois, ces conditions présentent le désavantage de prolonger les essais sur une plus longue durée pour atteindre l’asymptote.

3. La teneur en alcalis des mélanges et la concentration de la solution de trempage ont une influence significative sur les expansions mesurées à plus ou moins long terme, du moins pour ce type de granulat (GRO).

4. Les variations de la concentration des solutions de trempage au cours du temps sont peu significatives. Cela est probablement du au fait que le volume de la solution est ajusté régulièrement avec de la solution correspondant à la concentration originelle.

4.2 Effet de la taille des particules du granulat réactif sur