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PARTIE II : ETATS DES LIEUX

2.1. CONTEXTE ENVIRONNEMENTAL ET ECO-SYSTEMIQUE

2.1.2. Analyses

Le processus de la dégradation s’auto entretient (Fig.1) ; il a par conséquent tendance à s’accentuer au fil du temps. Cette tendance peut cependant être atténuée sinon inversée par des pratiques concourant à la dissipation de l’énergie des gouttes d’eau et à la maîtrise de l’énergie du ruissellement, les causes premières de l’érosion mécanique des sols.

2.1.2.1. Indices d’agressivité climatique

La hauteur et la fréquence des pluies sont d’importants facteurs de l’érosion hydrique des sols. Au-delà de 75 mm, le ruissellement devient considérable, indépendamment de l’intensité des pluies (Roose, 1977). Il en est de même des fréquences resserrées des pluies qui amènent rapidement les sols à la saturation, et induisent en conséquence le ruissellement. Hauteur et fréquence rythment aussi la croissance des cultures. Dans les tableaux 3,4 et 5 les hauteurs de pluies ont été réparties en trois tranches, dont la dernière (H>75 mm) se rapporte aux pluies dites exceptionnelles, en raison de leur faible fréquence et de leur agressivité vis-à-vis des sols. Les tableaux ont été construits en rapportant le nombre de jours de pluies pour chaque tranche de hauteur à la moyenne calculée sur la première décennie (souvent de 1951 à 1960) des enregistrements.

Tableau 3: Indice de la variation du nombre moyen de jours de pluies par tranche de hauteur et par décennie pour la ZAC 1 (Source : SODEXAM)

Poste Abidjan Adiaké

Le nombre de jours de pluies exceptionnelles a augmenté dans la région d’Abidjan jusqu’en 1990, tandis qu’il a diminué sur les postes d’Adiaké et de Tabou. A San Pédro, ce nombre est

Tableau 4 : Indice de la variation du nombre moyen de jours de pluies par tranche de hauteur et par décennie pour la ZAC 3. (Source SODEXAM)

Poste Bondoukou Bouaké

Déc/H (mm) <30 30- 75 >75 <30 30-75 >75 51-60 30,4j (=1) 6,5j (=1) 0,2j (=1)

60-70 0,9 0,8 0,2 28,8j (=1) 6,2j (=1) 0,5j (=1)

70-80 0,9 0,9 2,2 0,8 0,8 2,1

80-90 1,0 0,9 3,2 0,9 1,0 6,2

90-00 0,7 0,7 1,6 1,0 0,9 0,6

00-10 0,8 0,8 1,2 1,0 1,1 1,0

Poste Daloa Man

Déc/H (mm) <30 30-75 >75 <30 30-75 >75

51-60 43,7j (=1) 9,6j (=1) 0,6j (=1)

60-70 0,9 0,8 0,7

70-80 38,7j (=1) 6,6j (=1) 0,3j (=1) 0,8 1,0 1,9

80-90 0,8 0,9 1,9 0,9 1,0 1,0

90-00 0,8 0,9 0,7 1,1 1,2 1,1

Déc. =décennie ; J = nombre de jours ; (=1) : indice de référence

Le tableau 4 montre en particulier que sur la plupart des postes de mesure en ZAC3, le nombre de jours de pluies exceptionnelles a augmenté au moins jusqu’à la décennie 1980-1990, où l’augmentation a été la plus forte. En revanche, la fréquence des pluies utiles, bénéficiant pleinement aux cultures et aux sols, a diminué depuis 1960.

Tableau 5 : indice de la variation du nombre moyen de jours de pluies par tranche de hauteur et par décennie pour la ZAC 4 (Source SODEXAM)

Poste Boundiali Korhogo

Déc/H

(mm) <30 30-75 >75 <30 30-75 >75

51-60 39,5j (=1) 12,4 (=1) 1j (=1)

60-70 1,0 0,9 1,9

70-80 1,1 1,0 2,5 29,4j (=1) 5,9j (=1) 0,2J (=1)

80-90 0,8 0,6 2,7 1,0 1,1 1,9

90-00 0,8 0,6 1,9 1,1 1,0 1,2

00-10

Déc. =décennie ; J = nombre de jours ; (=1) : indice de référence

Dans le Nord du pays, tableau 5, tandis que le nombre de jours de pluies utiles a dans l’ensemble diminué depuis la décennie de référence, celui des fortes pluies agressives a sensiblement augmenté. La plus forte de ces augmentations a été enregistrée au cours de la décennie 1980-1990.

Au total, si la pluviométrie moyenne annuelle est en forte diminution sur l’ensemble du pays (Figure 8), en revanche le climat est devenu au fil du temps plus agressif, en particulier au cours de la décennie 1980-1990. Depuis, la fréquence de telles pluies a un peu partout diminué.

2.1.2.2. Symptômes, impacts et causes sous-jacentes de la dégradation des terres En Côte d’Ivoire, les causes sous-jacentes de la dégradation des terres sont liées aux activités humaines. Ce sont entre autres la coupe à blanc de la végétation spontanée au profit des cultures, les exploitations forestière et minière anarchique, le surpâturage etc. Les symptômes et les impacts suivants en résultent généralement:

 l’aggravation du déficit hydrique, se traduisant par une insuffisance de pluviométrie,

 une recharge incomplète des nappes phréatiques, et par conséquent l’assèchement de nombreux cours d’eau;

 la raréfaction du bois et l’amenuisement des formations naturelles forestières;

 l’ensablement des cours et des plans d’eau et leur envahissement par les végétaux aquatiques avec comme conséquence la diminution des ressources halieutiques;

 la réduction des surfaces agricoles utiles et de celle des terres de parcours;

 la disparition de certaines espèces animales et végétales et la prolifération d’espèces nuisibles

 la dégradation des conditions de vie et l’aggravation de la précarité des populations Cependant l’impact qui préoccupe le plus grand nombre d’acteurs, parce influant directement sur les conditions de vie des populations est la baisse des rendements agricoles, consécutive à la diminution de la fertilité des sols, à l’extension des cultures sur des terres marginales, etc.

Pour mettre en évidence cette conséquence particulièrement grave de la dégradation des terres, nous avons suivi, année après année, les rendements à partir des statistiques agricoles (MINAGRA, 2010) d’au moins une culture caractéristique de chacune des ZAC 2 et 4.

La figure 10 montre que le rendement du sorgho (ZAC 4), dans le Nord du pays a régulièrement baissé depuis au moins 1995. Cette baisse n’a pas résulté d’un manque d’intérêt pour cette culture, si l’on s’en tient à l’augmentation des superficies : en moyenne 108 ha/an depuis 1990 contre à peine 26 ha/an pour le mil, autre aliment de base dans la région. Dans le Sud intérieur (ZAC 2), le rendement du palmier à huile (Figure 11) a également baissé à partir de cette même période, laquelle est postérieure de quelques années seulement à la décennie 1980-1990, marquée par l’aggravation du dérèglement climatique (tableaux 3, 4 et 5). Pour le palmier, cette baisse moyenne correspond à 45% du pic de 11 tonnes/ha obtenu vers 1993.

Elle pourrait être en partie expliquée par le vieillissement du verger et l’extension de la culture à des zones peu favorables.

Figure 11 : Evolution du rendement du sorgho, d’après MINAGRI, 2010.

La baisse du rendement du sorgho, culture qui n’ a bénéficié d’aucune attention majeure a été continue depuis environ 10 ans.

Figure 12 : Variation dans le temps du rendement respectif du palmier, du caféier et du cacaoyer, d’après MINAGRI, 2010).

Les rendements moyens du café et du cacao (figure 12) sont restés constants mais faibles sur la période considérée.

La coïncidence dans le temps du déclenchement de la baisse du rendement du sorgho et de celui du palmier à huile dans deux ZAC différentes incline à émettre l’hypothèse d’un déterminant commun. Celui-ci pourrait être imputé pour une grande part au dérèglement climatique qui s’est traduit au cours de la décennie 1980-1990 entre autres par une augmentation du nombre de jours de pluies exceptionnelles, à caractère érosif et par la diminution de la pluviométrie (tableaux 4 et 5).

La figure 13 montre que les rendements du riz et du maïs, deux cultures transversales, ont régulièrement augmenté sur la période des mesures. Ces deux cultures ont bénéficié des acquis de la recherche scientifique (cultivars de plus en plus performants et résistants à la sécheresse). Dans le cas précis du riz, il convient d’ajouter à ces acquis la maitrise de l’eau (aménagement de nombreux bas-fonds par l’Etat).

Figure 13 : variation du rendement respectif du riz et du maïs (source MINAGRA, 2010)

Ces deux exemples du riz et du maïs (Fig. 12) montrent que l’impact négatif de la dégradation des terres peut être atténué voire corrigé.

2.1.2.3. Zones d’Intervention Prioritaires

Il a été montré précédemment que l’agressivité du climat, vue à travers l’occurrence des pluies dites exceptionnelles, a augmenté du Sud vers le Nord, où la végétation a une faible capacité à protéger la terre. A l’intérieur de cette partie Nord du pays, la dégradation est sans doute d’autant plus poussée que les sols sont sableux ou limoneux, et que la pression anthropique est forte (alentours de la ville de Korhogo par exemple). La distinction précise des zones « chaudes » nécessite cependant d’actualiser l’étude de la capacité des sols réalisée à 1 /2.000.000 par Perraud (1971), et d’interpréter finement les images satellites. Pour le moment et de façon globale, le « toit du pays » marqué par une régression sévère de la pluviométrie, et par une forte activité d’extraction minière devrait être considéré comme une zone d’intervention prioritaire, dans le cadre de la lutte contre la dégradation des terres.

Les autres zones vulnérables, à prémunir nécessairement contre ce fléau, sont le Littoral et les régions montagneuses de l’Ouest.