• Aucun résultat trouvé

Analyse spectroscopique de la structure des lignines

Lignine Teneur totale en sucres (%)

III.1.4. Analyse spectroscopique de la structure des lignines

Afin d’acquérir des informations sur leur structure et leur composition chimique, les différentes lignines de cette étude, ainsi que leurs fractions séparées selon les différents protocoles, ont été analysées par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR).

Les spectres FTIR des différentes lignines, présentés sur la Figure III.9, permettent de mettre en évidence les principaux pics caractéristiques des lignines, dont l’assignation détaillée a été donnée par Faix.207 Le large pic autour de 3 400 cm-1 est relatif à l’élongation O—H des hydroxyles phénoliques ou aliphatiques. Bien que la teneur en groupements hydroxyles phénoliques de la lignine Kraft soit le double de celle des lignosulfonates, l’intensité de ce pic est nettement plus importante pour ces derniers, comme cela a déjà été observé par El Mansouri et al.141 La forme de ce pic est complexe à analyser, puisqu’elle dépend de nombreux paramètres, notamment de la formation de liaisons hydrogène intra- ou intermoléculaires. L’étude par Kubo & Kadla208 de composés modèles a permis de différencier pas moins de 9 contributions différentes à ce pic, comprises entre 3 165 et 3 650 cm-1. Le doublet de pics à 2 940 et 2 840 cm-1 est lié à l’élongation C—H dans les groupements méthyles ou méthylènes. Il est principalement imputable aux groupements méthoxyles —OCH3 des lignines, et est observable pour toutes les lignines étudiées. Toutes les lignines utilisées pour cette étude provenant de bois de résineux, leur quantité de groupements méthoxyles est sensiblement la même, environ un par unité C9, ce qui explique que peu de différences soient observées en termes d’intensités de ces bandes. Néanmoins, elles sont partiellement masquées pour les lignosulfonates d’ammonium et de calcium, à cause du chevauchement d’un pic supplémentaire, vers 3 150 – 3 190 cm-1. Ce pic est imputable au cation ammonium NH4+, qui est présent en grande quantité dans les lignosulfonates d’ammonium, mais également dans ceux de calcium, comme l’a montré l’analyse élémentaire (Tableau III.3).

Figure III.9 : Spectres FTIR des différentes lignines étudiées

Le détail des spectres entre 800 et 1 800 cm-1 permet de différencier les différentes lignines étudiées. Les pics situés à 1 600 et 1 510 cm-1 sont caractéristiques de la vibration du squelette aromatique, et apparaissent donc comme la signature des lignines. Ils sont présents pour toutes les lignines avec des intensités proches, sauf pour la lignine Kraft pour laquelle le pic à 1 510 cm-1 est plus intense. La région spectrale comprise entre 1 400 et 400 cm-1 est plus délicate à analyser, dans la mesure où chaque pic est la résultante de plusieurs contributions (élongations C—C, C—O et C=O, déformation

C—H). Néanmoins, cette région renferme des vibrations spécifiques aux différents monolignols des lignines. Toutes les lignines de cette étude possèdent un pic à 1 270 cm-1, propre aux unités guaïacyles, mais aucun dans la région 1 325 – 1 330 cm-1, traduisant l’absence d’unités syringyles, comme attendu pour des lignines de bois résineux. La région du spectre comprise entre 1 300 et 1 000 cm-1 est également sensible aux modes de vibration des impuretés polysaccharidiques des lignines, ce qui complexifie encore son analyse.209 Toutefois, les différences importantes entre les spectres des lignosulfonates et ceux des lignines Kraft et Kraft sulfonée dans cette région traduisent bien qu’il existe des différences structurelles importantes entre les différentes lignines étudiées. Toutes les lignines présentent également un intense pic vers 1 035 cm-1, relatif à la déformation C—O des alcools primaires et la déformation C—H dans les unités guaïacyles.

D’autres différences entre les spectres peuvent être notées. Les lignosulfonates présentent un massif important dans la région 400 – 700 cm-1, qui est beaucoup moins marqué pour les lignines Kraft et Kraft sulfonée. Les lignosulfonates d’ammonium exhibent également un intense pic situé à 1 400 cm-1, caractéristique du cation ammonium NH4+, également présent sous forme d’un épaulement sur le spectre de Ca-LS, mais absent pour toutes les autres lignines. Enfin, le spectre de la lignine Kraft contient une large bande autour de 1 690 cm-1, typique de l’élongation C=O dans des structures carboxyles ou carbonyles conjuguées.

Figure III.10 : Spectres FTIR de NH4-LS et de ses fractions séparées par UF

La comparaison des spectres FTIR des fractions de NH4-LS séparées par UF est donnée sur la Figure III.10. Le spectre de la fraction UF < 1 kDa est singulièrement différent des autres. Des pics à 1 774, 1 126 et 618 cm-1 sont visibles uniquement sur cette fraction. Le pic à 1 400 cm-1 est également beaucoup plus intense que dans les autres fractions, quand ceux localisés à 1 510, 1 040 et 654 cm-1 sont au contraire bien moins marqués.

Deux facteurs peuvent permettre d’expliquer ces différences. Tout d’abord cette fraction est celle qui contient le plus de résidus hémicellulosiques de faibles masses molaires, comme nous l’a montré l’analyse de la teneur totale en sucres (paragraphe III.1.3). Le pic à 1 126 cm-1, attribué à la vibration des alcools secondaires et à l’élongation C=O, peut par exemple être fortement influencé par la présence de sucres. La faiblesse du pic à 1 510 cm-1, caractéristique du squelette aromatique de la lignine, confirme que cette fraction est celle dont la teneur en lignine est la plus faible, en raison de la présence de plus de 20 % de sucres. Ensuite, la majorité des cations ammonium doit se retrouver dans cette fraction, puisque leur faible taille leur permet aisément de traverser les différentes membranes d’UF : les bandes à 3 160 et 1 400 cm-1 qui en résultent sont en effet maximales pour la fraction UF < 1 kDa.

Figure III.11 : Spectres FTIR de NH4-LS et de ses fractions séparées par solubilité dans l'éthanol

Les spectres FTIR de NH4-LS et de ses fractions séparées par solubilité dans l’éthanol sont exposés sur la Figure III.11. La fraction soluble dans l’éthanol à 90° ainsi que le résidu présentent des spectres différents des autres fractions. Un pic à 1774 cm-1 est identifiable sur la fraction soluble dans l’éthanol à 90°, alors qu’il est absent de toutes les autres fractions. Le pic à 1 126 cm-1 est absent de la fraction soluble dans l’éthanol à 90°, alors qu’il est particulièrement intense dans le résidu. Les sucres étant insolubles dans l’alcool, on peut s’attendre à trouver une teneur en sucre minimale dans la fraction soluble dans l’éthanol à 90°, et au contraire maximale dans le résidu. Il semble donc que le pic à 1 126 cm-1 traduise la présence de résidus de sucres dans les lignosulfonates. Le même raisonnement laisse à penser que le pic à 618 cm-1 serait également lié à la présence de résidus hémicellulosiques, dans la mesure où il est également présent sur la fraction UF < 1 kDa.

Figure III.12 : Spectres FTIR de KL et de ses fractions séparées par solubilité dans différents solvants organiques Les spectres FTIR des fractions de lignine Kraft séparées par solubilité dans différents solvants montrent relativement peu de différences, comme on peut le voir sur la Figure III.12. La fraction de plus faible masse molaire, soluble dans le dichlorométhane, présente cependant un pic marqué à 1 694 cm-1, qui n’est que modérément visible sur les spectres des autres fractions. Ce pic est caractéristique de l’élongation C=O, et traduit donc la présence de groupements carboxyles ou carbonyles conjugués préférentiellement sur les résidus de faible masse molaire. La forme du pic relatif à l’élongation O—H des hydroxyles varie également selon les fractions, révélant des différences dans l’établissement de liaisons hydrogène entre les molécules de lignine.208