Lors de l'analyse des entretiens, neuf catégories ont été privilégiées et ont permis de visualiser des croisements entre les différents entretiens (12 entretiens). Mais avant de commencer cette analyse, il me paraît important de remarquer que les personnes interrogées n'appartiennent pas aux catégories socio-professionnelles les plus connues du monde des enseignants, à savoir ingénieurs issus des grandes écoles, universitaires, médecins, vétérinaires, juristes… qui ne représentent pas la majorité de la population. Une étude plus approfondie des statistiques pourrait être révélatrice; il s'agirait là d'une piste complémentaire.
128 Globalement:
- On relève une diversité des parcours, du point de vue des diplômes et des expériences professionnelles. Les salariés de la PME présentent des parcours avec une succession d'activités salariées dans des domaines très différents ("j'en ai tellement fait" "missions intérim dans le vin, les oléagineux, ouvrier de chai…"). Les postes occupés par une même personne sont divers ("enquêtrice commerciale", "chargées de recherche, recrutement", "attachée commerciale", "responsable d'agence"…). On peut remarquer aussi, que si l'obtention d'un diplôme de type bac permet une poursuite d'études en relation avec cette formation initiale, ce n'est pas toujours le cas ("j'ai fait un bac ES, j'ai fait IFSI [Institut de Formation en Soins Infirmiers]"). Un des formateurs au CFI, enseignant agrégé a suivi un parcours avec des formations continues ("j'ai moi-même été beaucoup en formation continue pour adultes" "agrégé, sans passer par la fac").
- La notion de formation continue est très présente dans les entretiens au sein des deux entreprises (PME et OI). Ces formations présentent diverses formes (formation juridique dès l'entrée dans l'entreprise OI par exemple, formation en alternance, formation sur «le tas», formation dans l'entreprise avec les pairs…).
- Les niveaux de diplôme vont de BEP au master et une personne n'est pas diplômée. En CFI, la majorité a un niveau BTS ou DUT.
- Six personnes (sur douze entretiens) font état de difficultés, de mal être, d'avoir souffert, ("souffert un peu, ouais", "jusqu'au jour où on me dit on va changer la façon de faire, ils ont pris des jeunes", "tombée en dépression" "ils m'ont clairement dit qu'ils n'avaient pas parié sur moi"…).
- Certaines personnes sont "assignées" ou contraintes par leur environnement ("t'es trop jeune", "stress", "on m'a dit toi, c'est mécanique" "vous êtes parfaite pour la couture" "ils voulaient m'envoyer en BEP", "il faut que tu fasses un truc de femme"…).
- On retrouve l'idée d'engagement ou de "s'engager" dans la majorité des entretiens ("j'ai gagné un challenge", "l'idée de progresser", "être force de proposition", "donner du sens au travail", "on vient chercher quelque chose", "envie d'apporter quelque chose de supplémentaire à mon travail" "participe à l'évolution de l'entreprise" "on apprend beaucoup plus en entreprise"…)
- L'expression de la reconnaissance d'autrui et les besoins de reconnaissance s'exprime de plusieurs manières, soit de façon claire ("on est reconnu", "savent nous valoriser", "réaménagement sur les postes, on nous écoute", "une façon de nous récompenser", "il a cru en moi", ici, ils m'ont permis de continuer"), soit d'une façon indirecte ("réunion hebdomadaire", "on nous dit peu de choses", "moi j'aurais besoin de faire remonter des choses", "là, j'suis content", "j'ai trouvé", "alternance ici, pour avoir une expérience", "moi, j'voulais aller à bac+5", "y'a vraiment un échange"…). Ces différents témoignages s'expriment soit vis-à-vis des formateurs (cas du CFI), soit des salariés vis-à-vis de leur direction.
- Lors de leur parcours, les personnes vivent des moments de blocage et de remise en question liés à un contexte que l'on pourrait qualifier de "contexte environnemental" ("j'en avais marre, envie de faire autre chose", "pas trop quoi faire", "dépasser ça", "autre chose que cette mauvaise image de chef d'entreprise", "c'est plus facile avec des diplômes quand même", "ça ne me plaisait plus", "c'était toujours rendement, rendement", "pas de diplôme", "je connaissais pas", "je suis de l'autre côté de la barrière", "je me cherchais pas mal", "c'est flou", "des choses qui ne nous serviront jamais [en parlant du lycée], "je me mettais dans un petit coin", "je n'osais pas demander",
129 manque de confiance en moi", "y'a un blocage", "je ne voyais pas d'évolution", "je suis pas quelqu'un de fonceur", "regret de ne pas l'avoir fait plus tôt", "évolution de mon poste"…).
- Au fil de certains entretiens, un besoin de soutien avec parfois un fort aspect symbolique est exprimé soit, à nouveau de façon explicite, soit de façon indirecte ("mon patron m'a payé" [pour faire une formation], "là, je suis fixe"[intérimaire], "j'ai vraiment le soutien de mon entreprise", "là, mon manager est plus à l'écoute de ce que je ressens", "on a tous un papa, et là mon manager c'est mon papa", "j'avais besoin de me retrouver dans un climat de confiance", "la société me guide véritablement"…).
- Beaucoup de personnes ont vécu des périodes de changement de "soi", leur entourage observe du changement chez eux, les personnes «s'observent» elles-mêmes ("je le ressens moi qui recrute en CDI", "problème d'autonomie", "j'aime bien comprendre comment ça fonctionne" "jamais être à la maison, j'ai plus envie", "j'aurais jamais pensé aller dans le monde du bâtiment" "j'ai mûri aussi", "j'aborde les études de façon différente", "j'assimile beaucoup plus", "reprendre les choses en main", "être en force de proposition", "les gens nous redécouvrent", "je pensais pas que j'avais les capacités de faire ce genre de choses", "je vais beaucoup plus facilement vers les autres", "je suis en train de me redécouvrir", "on a appris à se connaître", "y'a des collègues qui me disaient que j'avais changé" 'tu commences à prendre du recul", "là, c'était mettre la barre un peu haut" "je suis pas quelqu'un de fonceur"..).
- Enfin, le rôle du groupe joue un rôle important. On retrouve la notion de collectif dans plusieurs contextes, soit en termes d'esprit d'équipe, de soutien, de réseau, d'ambiance de travail, d'enrichissement ou encore d'aide du point de vue professionnel… ("très attachée au groupe", "réseau, très important", "on était top ten", "petit groupe de discussion" "aider par les collègues", "sympa, ambiance énorme ici, familiale, côté humain", "bon esprit", "formation sur le tas avec des gens d'expérience", "gymnastique avec le travail de l'autre", "enrichissant", "venir d'univers différents" "apporte des choses", "sans l'entre-aide on peut pas s'en sortir", "même en entreprise on a une cohésion", "pour moi c'est complètement nouveau, ça m'a permis de voir d'autres sociétés" "y'a des domaines où on croit être tout seul, y'a des personnes qui travaillent dessus et ils ont d'autres idées, complémentaires"…).