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Chapitre 6. Résultats et analyse

6.1 Les acteurs de l’aménagement du territoire

6.3.3 Analyse des produits de la deuxième étape

Il n’est pas aisé de retracer quelles modifications réglementaires ou légales survenues depuis 2006 et qui forment le PPA de la politique publique de verdissement peuvent être attribuables à une prise en compte de l’ACC. C’était d’ailleurs un problème de l’inclusion des mesures d’ACC dans les plans et instruments existants, rapporté par Dovers et Hezri (2010). Cependant, notre analyse des produits de la deuxième étape soulève quelques points intéressants.

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6.3.3.1 PPA : des instruments plutôt que des objectifs

Comme nous l’avons illustré, la prise en compte de l’ACC dans la politique de verdissement a occasionné des modifications au PPA qui sont surtout substantielles, en ce que les quelques lois et règlements ayant une incidence sur la politique publique de verdissement en étaient de contenu, et non pas d’organisation institutionnelle. C’est au niveau des instruments (surtout par la réglementation, donc la ressource juridique) que le PPA prend en compte l’ACC, et non pas au niveau des objectifs ou des énoncés évaluatifs (voir section 3.1.2.2) qui sont absents.

Chose certaine, les changements intervenus au niveau du PPA et qui témoignent d’une prise en compte de l’ACC concernent les ICU et la GEP, par exemple le règlement sur les stationnements durables de l’arrondissement de Saint-Laurent (2013). Ce n’est pas étonnant considérant la prégnance de ces deux enjeux sur la DP du problème public à la première étape du cycle (voir section 6.2.2.2).

6.3.3.2 Émulation entre arrondissements et relation bottom-up

L’organisation particulière de Montréal entre la ville-centre et les arrondissements, chacun doté d’une mairie, donne lieu à une dynamique particulière au niveau du PPA que notre analyse a relevé. En effet, si le PPA peut être éclaté à différents paliers, l’influence se fait généralement sentir dans une relation verticale de style top-down vu le processus d’examen de conformité, c.-à-d. d’influence des paliers du haut vers les paliers du bas. Or, les arrondissements montréalais disposent d’une autonomie suffisante en matière de réglementation et d’urbanisme pour mettre eux-mêmes de l’avant des mesures de verdissement visant l’ACC. Notre analyse des documents nous a permis de déceler un possible processus d’influence verticale de type bottom-up entre les paliers décisionnels et un autre d’influence horizontale d’émulation entre les arrondissements.

Le règlement de Rosemont—La Petite-Patrie qui lutte contre les ICU et améliore la GEP a précédé de quelques années l’inclusion de dispositions semblables dans le SADAM. De plus, il a été le premier arrondissement à adopter cette réglementation, les autres ayant emboîté dans les mois qui ont suivi. Ces résultats nous permettent de poser l’hypothèse qu’une prise en compte de l’ACC dans les règlements d’urbanisme relatifs au verdissement au niveau des arrondissements puisse avoir des répercussions sur les autres arrondissements ou même influencer les paliers supérieurs pour qu’ils établissent des normes plus sévères. Le SADAM exige, depuis le début de 2015, l’inclusion de dispositions relatives au verdissement des terrains et aux ICU dans la réglementation d’urbanisme des arrondissements (Agglo. Montréal, 2015,

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p. 151). Selon notre analyse, l’arrondissement a tiré profit de l’organisation particulière du partage de pouvoir (ressource interactive) pour prendre en compte l’ACC dans le verdissement et aurait généré des effets collatéraux bénéfiques.

6.3.3.3 Implication de nouveaux acteurs privés

Notre analyse montre également que les modifications apportées au PPA par les autorités publiques découlant de la prise en compte de l’ACC dans la DP n’ont pas, à leur tour, occasionné de modifications au niveau de l’APA pour cette même politique. Il semble plutôt que les nouvelles dynamiques au sein de l’APA tirent leur origine d’une redéfinition des acteurs et de nouvelles ressources mobilisées à l’étape de la mise en œuvre (la 3e étape). En

effet, c’est un plan d’action en faveur de l’ACC développé à cette étape du cycle (le Plan

d’action canopée) qui explique le contenu d’un produit de la seconde étape, plutôt que le

contraire. Ainsi, plusieurs acteurs privés intéressés par le verdissement et qui ne faisaient pas à l’origine partie de l’APA de la politique de verdissement en font maintenant partie : ce sont la SOVERDI et les partenaires de l’AFU. L’inclusion de ces partenaires dans l’APA lui permet d’étendre son spectre d’action, car il est plus facile pour les partenaires, qui possèdent des réseaux sur le terrain, de mobiliser leurs ressources humaines pour participer à la politique.

6.3.3.4 Gouvernance du verdissement

La nature d’un enjeu requiert parfois la création d’une nouvelle structure administrative, ou une redéfinition des objectifs d’une structure existante (cf. Larrue, 2000, p. 61). À la Ville de Montréal, on a intégré l’enjeu de l’ACC dans les structures existantes du verdissement, plutôt que de procéder à un nouvel arrangement politico-administratif. La Direction de l’Environnement est responsable de l’élaboration du plan d’ACC (acteur 4) et, pour sa part, le verdissement a une gestion éclatée partagée entre les arrondissements et la ville-centre. S’ils sont gérés indépendamment, les différents services et directions de la Ville peuvent cependant s’influencer entre eux. Un des acteurs interviewés mentionne d’ailleurs que la Direction de l’Environnement peut être vue comme une instigatrice du Plan d’action

canopée (dont il est question au chapitre suivant) étant donné qu’elle avait inclus dans son Plan de développement durable de la collectivité montréalaise une orientation qui

recommandait d’augmenter de 5 % l’indice de canopée de Montréal (acteur 4). Un autre acteur affirme que depuis quelques années, le SGPVMR est beaucoup plus sollicité qu’il ne l’était par le passé par les autres unités administratives lorsque vient le temps d’agir sur le territoire et de protéger les arbres (acteur 1). Ainsi, même si les différentes entités administratives concernées ne sont pas contraintes à collaborer à l’intérieur d’une structure

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formelle pour prendre en compte l’enjeu de l’ACC dans le verdissement, une collaboration peut exister.

6.3.3.5 Appuis financiers privés

Nous avons aussi noté que la Ville peut compter sur certains appuis ponctuels en faveur du verdissement. En effet, des compagnies privées ont, au cours des dernières années, investi des sommes d’argent (ressource monétaire) pour appuyer les actions de verdissement. C’est notamment le cas de la compagnie TELUS, qui a octroyé un financement de plus d’un million de dollars en 2006 afin d’appuyer une campagne de verdissement de la ville visant à combattre les ICU (TELUS, 2007). Il serait toutefois inapproprié de considérer ce « partenaire » comme faisant partie de l’APA étant donné qu’il n’est pas formellement appelé à participer au verdissement, mais qu’il le fait sur une base volontaire. Cette forme de mécénat environnemental témoigne toutefois de la nature consensuelle et fédératrice du verdissement, puisqu’il incite les acteurs privés à but lucratif à investir pour la cause en retour d’une sorte de publicité.

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