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structures invariantes

10 Un état centralisé autour d'institutions clés et une organisation fondée sur la résidence et non plus sur les

2.4. Analyse des espaces : aperçu des outils choisis

Les enjeux, les difficultés et les différentes facettes de l’étude des sites du Malpaís de Zacapu sont maintenant établis. Mais quels sont les grands modes de présentation et d’analyse des données que nous collecterons ? Nous développerons en temps voulu le détail de ces méthodes, mais il était souhaitable de les contextualiser. Quelques grandes lignes sont à donner, dès à présent, à propos des outils techniques et analytiques :

 la cartographie ;

 l’analyse, notamment géostatistique, des données spatiales ;

les systèmes d’informations géographiques (SIG).

2.4.1.

Cartographie et information spatiale

La carte est l’outil de représentation et de synthèse de l’information géographique. C’est « l’objectif prioritaire », car elle constitue « l’expression condensée de notre savoir » (Galinié 2000, 21). Il s’agit à la fois d’un outil de représentation, d’analyse, de compréhension et de communication de l’information (Le Fur 2007, 7).

« La cartographie n’a pas pour objectif la reproduction exacte et fidèle de la réalité. Bien au contraire, elle est toujours une construction intellectuelle qui déforme forcément la réalité. En ce sens, elle nous apprend autant sur nos représentations de l’espace que sur l’espace lui-même. » (Zanin 2006, 1)

Elle peut envisager des degrés de complexité très divers de cette information, depuis la simple localisation d’un objet, dans un espace géographique, jusqu’à la mise en évidence de structures d’organisation spatiale complexes. Le langage graphique employé dans une carte doit être méticuleusement élaboré par le cartographe afin de transmettre clairement l’information géographique. La carte peut être le médium privilégié de l’étude des schèmes d’établissements anciens comme modernes :

« La carte est une représentation de la terre ou d’une portion de l’espace terrestre, quel qu’en soit le support matériel […]. Une carte est un modèle réduit, elle a donc une échelle […]. Elle utilise des signes conventionnels qui sont décryptés dans la légende […]. La sphéricité de la terre devant être traduite sur un espace plan, la carte utilise une projection particulière. L’espace représenté est donc toujours déformé : toute carte est une anamorphose […] les cartes peuvent […] représenter des phénomènes invisibles et des associations de phénomènes, et même des structures et des dynamiques ; elles sont devenues un instrument extrêmement puissant de la découverte géographique posant à elles seules d’amples problèmes d’explication des distributions, des disparités et des structures spatiales qu’elles révèlent […]. » (Brunet 1993, extrait sélectionné par Le Fur 2007, 10).

Peu importe la spécialité de l’archéologue, celui-ci sera à la fois « consommateur » et « créateur » de plans de localisation et de cartes analytiques. Le recours à la carte ou au plan est incontournable52,

même s’il reste pour certains très ponctuel. On ne consommera ou ne produira pas le même nombre de

52 La distinction entre carte et plan est relative à l’échelle du document produit. A. Le Fur (2007, 18) précise qu’à

partir du 1/20000, il ne s’agit plus d’une carte, mais d’un plan. Un parcellaire, un cadastre, les rues d’une ville, représentées en général à des échelles comprises entre le 1/10000 et le 1/500 seront présentés dans un « plan » et non une « carte ».

cartes selon que l’on étudie les caractéristiques de l’iconographie d’un corpus de pièces céramiques ou la structure sociospatiale des sites d’une région donnée. La provenance des objets céramique étudiés et la localisation de leur origine de production ne fera peut-être l’objet que d’une seule carte. Mais celle-ci n’en restera pas moins indispensable.

Dans le cadre de cette étude, la consommation et la production de cartes et de plans seront essentielles et centrales, pour la mise en contexte, la localisation, l’analyse et finalement pour la communication des résultats obtenus. Une fois encore, nous devons emprunter le langage, les règles et les modalités de production élaborés par les géographes afin d’utiliser, à bon escient et de façon optimale, cet outil. La carte sera utilisée à différents moments de notre étude. Elle sera surtout un outil précieux au cours du processus d’analyse. Elle permettra de spatialiser les informations que nous récolterons et donc de visualiser les caractéristiques d’articulation spatiale des objets archéologiques et environnementaux. D’autre part, la carte sera nécessaire à la présentation des résultats, à tous les stades de l’étude, depuis l’étape première, celle de la collecte des données spatialisées, jusqu’à la communication des interprétations que nous proposerons.

2.4.2.

Principes et utilisation de l'analyse spatiale

Une fois les données collectées et/ou spatialisées, les méthodes qui seront employées pour les observer, les modéliser et les interpréter utiliseront les outils de l'analyse spatiale. Nous l’avons déjà commenté, l'analyse spatiale est une « étude formalisée de la configuration et des propriétés de l'espace » produit et vécu par les sociétés humaines (Pumain, Paquot et Kleinschmager 2006, 16 ; Lévy et Lussault 2003, 69–70). Il s'agit de l'une des principales démarches géographiques permettant d'étudier le lien entre les sociétés et l'espace physique car elle fournit des concepts, des méthodes et des outils afin « [..] de comprendre les localisations, de démêler la complexité des interrelations entre objets géographiques, de révéler les structures spatiales et les processus qui les produisent. » (Bavoux 1998, 6). Elle permet d'observer les relations horizontales entre les lieux :

 en évoquant l'existence de récurrences, de structures et de lois générales dans l'arrangement des objets dans l'espace et les interactions entre ces objets ;

 en supposant que, lors des processus de production des systèmes géographiques, des règles interviennent pour expliquer ce qui relève de la volonté des sociétés et ce qui dépend de l'environnement naturel ;

 en cherchant à identifier les formes d'organisation spatiale, les processus de spatialisation à l'origine de structures (appropriation de l’espace, connexion, espacement, concentration, diffusion, homogénéisation, différenciation, accumulation), ainsi que les dynamiques des systèmes spatiaux par une approche diachronique (Lévy et Lussault 2003, 69–70) ;

 en modélisant ces structures. La modélisation rend intelligible certaines interactions et souligne les tendances principales d'une structure spatiale. Tout comme l'analyse spatiale en général, la modélisation participe à une démarche hypothético-déductive, « une exploration des possibles, obtenue par la ou les simulations. » (ibid.) ;

 en identifiant des centres et des périphéries : certains lieux acquièrent, notamment par leur accessibilité, une valeur sociale, symbolique et économique et forment des foyers de polarisation de « flux de personnes, d’énergie, de matériaux, d’information » (« centralité »). Une organisation hiérarchisée peut en surgir et être soulignée grâce à des modèles gravitaires tels que la théorie des lieux centraux (Pumain 2004).

Deux utilisations de l'analyse spatiale sont effectivement à envisager (Nuninger et Bertoncello 2011, 128). Tout comme la production cartographique, elles sont relatives au moment d'application de la démarche. L’analyse spatiale peut proposer un « explication partielle, et des possibilités de prévisions » (Pumain 2004, 2). Elle peut donc constituer le préambule d'une étude archéologique : elle permet d'identifier des continuités ou des discontinuités spatiales, d'élaborer des hypothèses et de projeter un travail futur, qui permettra des interprétations plus solides. Elle peut aussi être utilisée a posteriori, après collecte des données, et sera, dans ce cas, le moyen de justifier ou supporter des hypothèses préalablement établies. Nous verrons que, dans le cas de notre étude, certains principes de l'analyse spatiale ont été employés à la fois comme des outils exploratoires, mais aussi comme supports pour l'élaboration d'un « modèle spatial ».

L’analyse spatiale renvoie généralement à la géostatistique. Il n’est pas question d’inventorier ici tous les tests qui peuvent être mis en œuvre dans ce domaine, nous les présenterons au moment de leur application. Mais sur quoi vont-ils porter ?

 Menés dans l’espace, ils permettent d’interroger, pour un type d’objet donné, les notions de présence/absence, occurrence, densité, dispersion ou agglomération, hétérogénéité et homogénéité, finalement rapport de « voisinages ».

 Ils peuvent être envisagés à tous les niveaux d’étude de l’archéologue et, autre point essentiel, à tous les supports : artefacts, restes humains, édifices, ensembles d’édifices, établissements, régions etc.

 Les échantillons sur lesquels vont être établies ces analyses varient en taille et nature. Elles peuvent être établies pour tirer avantage d’un petit corpus, où les phénomènes sont trop discrets pour être directement perçus ou, au contraire, pour gérer des corpus aux dimensions et composantes importantes (c’est notre cas).

 L’analyse spatiale identifie des phénomènes d’associations de structures spatiales d’objets de natures distinctes. Des ensembles covariants peuvent être observés : c’est l’enjeu, par exemple, de l’analyse des ensembles (« cluster analysis ») ou de l’analyse des « correspondances ».

La présentation de telles analyses n’a pas toujours été réalisée dans des cadres bi ou tridimensionnels puisqu’il s’agissait, avant tout, de tests statistiques. L’espace, réduit à sa dimension euclidienne, constituait une variable numérique parmi les autres.

Il serait incorrect de dire que ce n’est pas cette dimension qui est aujourd’hui favorisée. Mais la nature et les finalités des tests ont évolué et ces tests se mettent donc au service de questionnements relatifs aux différentes démarches de la géographie : c'est-à-dire qu’ils sont relatifs autant à l’espace mesuré qu’à l’espace vécu.

2.4.3.

L’usage d’un système d'information géographique (SIG)

Un système d’information géographique (SIG) est « un instrument informatisé de stockage, d’analyse et de communication de l’information localisée. » (Pumain, Paquot et Kleinschmager 2006, 265). Il permet d’enregistrer et de représenter de l’information (c’est avant toute autre chose une base de données), mais aussi de l’interroger et de l’analyser. La cartographie est une de ses traductions principales. Développés pour et par la géographie, les SIG et la géomatique sont appliqués à des cas archéologiques et historiques depuis une vingtaine d’années environ. Dans notre domaine, cet outil a d’abord été adapté pour représenter des distributions d’artefacts (Redman et Watson 1970), obtenir les traductions cartographiques de données et finalement opérer certaines analyses statistiques spatialisées. Ils ont très rapidement été utilisés pour l’élaboration de modèles prédictifs de distributions spatiales.

Les programmes de SIG ont été développés en partie pour réaliser, digitalement, des procédures d’analyses géostatistiques (déjà connues manuellement : Hodder et Orton 1976) . Après un lent démarrage en Europe53, l’utilisation et le développement de SIG se généralise E.C. Robertson (2006).

L’outil de calcul, très puissant, des programmes de géomatique et géostatistique permet d’intégrer et de confronter des informations de natures très diverses (environnement naturel et anthropique, démographie, etc.) afin de développer des analyses sophistiquées et rapides de l’espace (analyses de réseaux, de mobilité, d’accessibilité et de centralités entre autres).

Dans une base de données SIG, plusieurs couches de données de différentes natures et format sont intégrées. Chaque couche est porteuse d’une thématique particulière, (par exemple, informations détaillées du réseau viaire, modèle d’élévation topographique, données sur l’habitat etc.) et correspondra à un certain type d’informations (une photographie aérienne, des levés de terrain, des recensements systématiques d’objets ou de personnes). L’ensemble des informations est groupé dans un système géo- référencé commun (même système géodésique de projection) permettant d’analyser les informations dans un cadre métrique cohérent à l’échelle du globe. L’usage et le montage d’un SIG doivent correspondre à un besoin analytique clair et doivent être développés après l’élaboration des problématiques de recherches, à la résolution desquelles, il participera :

"Si le recours aux SIG est devenu courant, il ne concerne bien souvent qu'une de leurs fonctions : la collecte, la gestion de corpus, la production graphique ou l'analyse des données." (Rodier et al. 2011, 10).

À l'heure actuelle, l'application généralisée et presque systématique des SIG a changé les outils et les démarches scientifiques. Nous manquons peut-être de recul pour discuter de cette dernière étape, trop récente et en cours, mais il était important de faire état des questions que soulève leur emploi. D’autre part, avant toute gestion et manipulation de l’information par SIG, ce sont de solides bases de données qui doivent être construites, comprenant de manière organisée, des informations quantitatives et/ou qualitatives pouvant être interrogées au moyen de l’outil SIG.

53 On explique ce décalage par le manque de communication et l’accessibilité difficile de cette technologie. L’ouvrage

Interpreting space : GIS and archaeology (Allen, Green et Zubrow 1990) est peut-être le premier volume collectif