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II. Techniques d’analyses

1. Analyse de l’environnement des terres rares

a. Principe de la photoluminescence

La spectrométrie de luminescence (du latin lumen, la lumière) décrit la lumière émise par un échantillon après excitation par différentes sources : laser et lampe UV (photo), électrons (cathodo), ions chargés (iono), frottements (tribo), sons (sono), réactions chimiques (chimi) ou biologiques (bio). Le préfixe photo- indique ici que la source d’excitation est une source lumineuse (à large spectre dans le cas d’une lampe UV ou source monochromatique ponctuelle laser) [76].

Lorsqu’un ion qui possède des couches électroniques non complètes reçoit une certaine quantité d’énergie, il passe d’un état de référence à un état excité. Sa désexcitation peut alors se faire de deux façons différentes :

- transitions non radiatives : émission de phonons - transitions radiatives : émission de photons

Ces transitions se font suivant des niveaux discrets d’énergie qui sont très bien documentés, notamment pour les terres rares (Figure 30).

La nature du site cristallin dans lequel se trouve la terre rare a également un effet sur la luminescence. En effet, l’influence du champ cristallin entraîne la décomposition de certains niveaux d’énergie en sous-niveaux Stark. En étudiant précisément ces sous-niveaux, il est donc théoriquement possible de remonter au nombre et au type de sites occupés par la terre rare luminescente. Ceci est particulièrement vrai pour l’Eu3+ et ses transitions 5D07FJ

(J compris entre 0 et 6), chaque niveau 7Fj étant décomposé en 2J+1 sous-niveaux Stark (Figure 31).

Figure 30 : Niveaux d’énergie des terres rares [77].

Figure 31 : Levée de dégénérescence des niveaux électroniques de l'ion Eu3+ libre [52].

Le niveau 7F0 ne possédant qu’un seul sous-niveau Stark, le nombre de composantes de la transition 5D07F0 est directement lié au nombre d’environnements de l’Eu3+ dans l’échantillon sondé (une composante par site cristallin). L’étude des 3 sous-niveaux Stark de la transition 5D07F1 et les 5 sous-niveaux Stark de la transition 5D07F2 peut ensuite permettre, si leur nombre n’est pas trop important, de remonter aux caractéristiques de chaque site cristallin.

L’europium a donc été la terre rare la plus étudiée durant cette thèse comme sonde structurale de la phase powellite. Cependant, même si ses spectres de luminescence sont plus difficiles à interpréter, Nd3+ a lui aussi beaucoup été étudié en complément.

L’ensemble des transitions luminescentes observées durant ce travail pour les trois terres rares (Eu3+, Nd3+ et Pr3+) ainsi que pour le groupement molybdate [MoO4]2- est regroupé dans l’annexe VI.

b. Isolement des signaux des différentes terres rares et mesure des durées de vie grâce à la résolution en temps

La difficulté pouvant être rencontrée sur certains échantillons (dont la powellite) est la superposition de divers signaux de luminescence. Le Pr3+ et l’Eu3+ par exemple possèdent chacun plusieurs transitions aux alentours de 600 nm. L’Eu3+ peut être isolé en excitant l’échantillon à 532 nm par exemple, car le Pr3+ n’est que très peu excité par cette longueur d’onde. Mais dans un matériau contenant les deux terres rares, le Pr3+ ne peut être isolé de cette manière. Or, il est nécessaire de connaître les différentes caractéristiques de chaque élément luminescent afin de ne pas tirer de conclusions erronées à cause de potentielles superpositions des signaux de luminescence des différentes terres rares.

L’idée est donc de se servir de la durée de vie des signaux de luminescences, caractéristique intrinsèque à chacune d’entre elles. L’exemple utilisé ici est celui d’un échantillon de CaMoO4 :Eu3+, Nd3+, Pr3+ (Tableau 6).

Tableau 6 : Durée de vie de plusieurs centres luminescents dans une matrice CaMoO4.

Centre luminescent τ1/2 (µs) MoO4

2-15

Pr3+ 20

Eu3+ 370

En utilisant un laser pulsé à 10 Hz et en choisissant la bonne fenêtre d’acquisition (choix du moment où l’acquisition commence, et du temps qu’elle dure), il est donc possible d’isoler les signaux des différents centres luminescents (Figure 32).

580 600 620 640 660

Eu3++ Pr3+

Pr3+

Eu3+

Longueur d'onde (nm)

Intensité

Porte : 2,5 µs Délai : 0

Porte : 9 ms Délai : 50 µs Porte : 9 ms Délai : 0

Figure 32 : Spectres de luminescence résolus en temps d'une céramique tridopée CaMoO4:Eu3+, Nd3+, Pr3+

pour une excitation laser de 355 nm.

En effet, afin de séparer les signaux de luminescence de Eu3+ de Pr3+, il est nécessaire de commencer l’acquisition après que la luminescence de Pr3+ soit éteinte. Cette dernière ayant une durée de demi-vie d’environ 20 µs, un délai de 50 µs suffit à faire disparaître son signal du spectre. Pour isoler le signal du Pr3+, la technique utilisée est de fermer la porte. En effet, comme Pr3+ a une durée de vie beaucoup plus courte que Eu3+, au bout de par exemple 2,5 µs, le détecteur reçoit beaucoup plus de signal provenant de Pr3+ que de Eu3+.

Par contre, si ce même échantillon est excité à 266 nm (Figure 33), alors le centre luminescent MoO4

est lui aussi excité, mais on ne peut pas séparer son signal de luminescence (la large bande centrée vers 520 nm) de celui du Pr3+ car leurs demi-vies sont trop proches.

400 500 600 700

Porte : 5 µs Délai : 10 ns Porte : 9 ms Délai : 50 µs

Intensité

Longueur d'onde (nm) Pr3+

Eu3+

MoO2-3

Porte : 9 ms Délai : 10 ns

Figure 33 : Spectres de luminescence résolus en temps d'une céramique tridopée CaMoO4:Eu3+,Nd3+, Pr3+

pour une excitation laser de 266 nm.

En regardant en détail les spectres de la Figure 33, une quatrième contribution peut être aperçue. En effet, le signal de luminescence du Nd3+ n’est pas dans cette gamme de longueur d’onde mais des bandes d’absorption le sont, et ce sont ces bandes d’absorption qui

« creusent » la bande d’émission du MoO32- entre 570 et 590 nm.

c. Analyses in-situ sous irradiation par ionoluminescence Dans le cadre de l’ionoluminescence (IBIL, Ion Beam Induced Luminescence), la mesure de luminescence se fait in-situ sous le faisceau d’irradiation et c’est le faisceau d’ions qui remplace le laser monochromatique comme source d’énergie pour exciter l’échantillon.

La profondeur d’échantillon excitée est donc celle irradiée par le faisceau.

Ce phénomène d’ionoluminescence a été observé depuis toujours sur tous les implanteurs et c’est même le signal d’ionoluminescence d’un échantillon de verre de silice SiO2 qui sert à aligner le faisceau, mais très peu de personnes ont essayé de l’enregistrer.

Comme pour une implantation classique, l’échantillon est placé dans une cellule mise sous vide. Il a cependant fallu créer une cellule qui permette également l’acquisition du signal grâce à une fibre optique (Figure 34).

Même si cette technique n’est qu’à un stade exploratoire et n’a pas été un axe prioritaire de la thèse, j’ai aidé au développement de la cellule et à l’acquisition des premiers spectres.

Figure 34 : Cellule d'ionoluminescence montée sous faisceau d’ions (accélérateur Van de Graff, IPNL).

La photoluminescence permet de caractériser les sites cristallins dans lesquels se trouvent les terres rares. Leurs bandes d’émissions fines sont en effet sensibles aux modifications de l’environnement de l’élément.

La terre rare la plus utilisée est l’Eu3+ car une de ces transitions (la 5D07F0) présente la particularité d’avoir pour nombre de composantes, le nombre de sites cristallins dans lequel est présent l’Eu3+.

Enfin, la luminescence des terres rares est un bon marqueur de la cristallinité du matériau irradié. En effet, dans un amorphe, les raies fines laissent place à de larges bandes.