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Une analyse par les dépendances de sentier au Mali et à Madagascar Quel espace pour le développement durable entre ouverture et diversification économiques ?

Jean-François BÉLIÈRES, Pierre-Marie BOSC, Marie-Hélène DABAT, Jean-Jacques GABAS

Membres du collectif PROPOCID1 ; dabat@cirad.fr

La question du changement institutionnel – et des dépendances de sentier qui en modulent les formes – constitue de nos jours un objet central des analyses sur le développement. On peut aborder l’intégration du réfé- rentiel du développement durable (en tant qu’ensemble de normes et de « récits » issus des forums internatio- naux et nationaux) à l’agenda des politiques agricoles et rurales sous l’angle des changements institutionnels qu’il engage dans la production et les formes de mise en œuvre des politiques publiques agricoles et rurales.

Cette communication propose d’analyser les processus et les formes particulières d’adaptation et de remise en forme du référentiel global du développement durable dans le contexte des trajectoires nationales de cons- truction de politiques rurales et de leurs dispositifs de mise en œuvre dans deux pays africains comparables : processus assez récent de démocratisation du pouvoir ; isolement géographique qui contribue à la protection de la demande intérieure par rapport aux importations ; infrastructures de communication limitées et enclavement intérieur ; émergence récente des collectivités territoriales ; concentration de la population sur une partie du terri- toire ; existence de zones marginales oubliées des politiques publiques : hors zone Office du Niger et zone coton dans un cas, hors greniers à riz et Hautes Terres dans l’autre ; importance de l’agriculture dans l’économie natio- nale et de l’autoconsommation ; intensification limitée et faible adoption des innovations techniques ; aléas cli- matiques et dégradation accélérée des ressources naturelles : désertification dans un cas, déforestation dans l’autre, érosion des sols dans les deux cas ; potentiel touristique important : basé sur la valorisation du patri- moine historique et culturel dans un cas, sur les richesses naturelles dans l’autre ; récurrence des conflits ethni- ques et des crises alimentaires ; dysfonctionnement à des degrés divers des marchés en amont et en aval des exploitations ; enfin grande pauvreté rurale et urbaine.

Cependant ces pays présentent des divergences structurelles à la croisée des enjeux de durabilité, des tra- jectoires de développement et des formes d’intervention de l’État. La mobilité de la population vers les grandes villes et l’extérieur du territoire national comme échappatoire aux situations de crise et de pauvreté au Mali contraste avec la résilience aux mouvements migratoires à Madagascar où l’exode rural est très faible et les mi- grations essentiellement saisonnières. La structuration du monde paysan en est à ses balbutiements à Madagascar tandis que les producteurs maliens contribuent via leurs organisations à la gouvernance du secteur agricole et rural. La libéralisation des filières céréalières à partir du milieu des années 80 a entraîné une amélioration de la production et des rendements au Mali tandis que la production vivrière malgache n’a pas répondu aux signaux du marché : passage d’une économie rizicole excédentaire à déficitaire à Madagascar en quelques décennies alors que la situation s’est inversée au Mali malgré un recours récent aux importations. Contrairement au Mali, on note à Madagascar l’amorce de la présence des groupes internationaux de la grande ou moyenne distribution agro- alimentaire. L’économie agricole malienne est fortement dépendante du cours du coton sur le marché mondial tandis que Madagascar se trouve en situation de quasi-monopole pour plusieurs de ses produits de rente comme la vanille mais est confronté à la convoitise grandissante de ses ressources forestières.

Dans ces deux pays à la population majoritairement pauvre, le secteur agricole reste dominant, orienté massi- vement par la demande interne, avec une économie rurale assez faiblement diversifiée, reposant sur une produc- tion céréalière peu productive, faiblement monétarisée et fortement contrainte par la variabilité climatique et la

La comparaison sera organisée en trois phases. La première permettra d’analyser les trajectoires historiques des formes d’intervention de l’État dans le domaine agricole et rural, en soulignant notamment la divergence des approches entre les deux pays retenus. La seconde partie portera sur les modalités de l’émergence du référentiel du développement durable dans le cadre des politiques appliquées au cours des années 1990 et 2000 à trois secteurs socio-productifs stratégiques du point de vue des enjeux de durabilité et des processus d’intervention et de construction des deux États dans les milieux ruraux. Cela conduira à retenir la production rizicole dans les deux pays ; le secteur du coton au Mali et la gestion des forêts à Madagascar. Pour chacun de ces secteurs, on s’intéressera plus particulièrement aux modalités concrètes de la définition et de la légitimation des critères de durabilité retenus dans l’élaboration des politiques publiques. Une troisième partie portera sur l’analyse des pro- cessus d’intégration du référentiel du développement durable dans les politiques appliquées à chacun des sec- teurs considérés. L’attention sera portée d’une part sur le cadre général de définition des politiques et d’autre part sur les mécanismes de négociation et de coordination entre les acteurs publics et privés, aux différents niveaux de l’élaboration et de la mise en actes des politiques de développement durable pour ces secteurs. On s’inté- ressera en particulier aux processus de leur mise en œuvre au niveau des dispositifs locaux et régionaux d’an- crage et de représentation des États.

Cette comparaison permettra de discuter la pertinence du concept de dépendance de sentier pour expliciter les choix institutionnels impactant les processus et formes de durabilité des modes de développement. L’originalité de la proposition réside dans la révélation de ces choix par la réalité de l’intégration du référentiel du déve- loppement durable à l’agenda des politiques agricoles et rurales.

L’intégration du référentiel du développement durable

aux trajectoires d’intervention de l’État en milieu rural

Une analyse par les dépendances de sentier au Brésil et au Mexique