• Aucun résultat trouvé

c) Analyse d’un alliage certifié par un algorithme plus élaboré

L’échantillon de référence intitulé C4 ici étudié est un alliage faisant partie d’une collection de standards fabriqués par le BAM comportant outre du fer (élément majoritaire de la matrice) et du titane non renseignés de façon quantitative, des éléments comme le chrome, le nickel, le manganèse, le cobalt, le carbone, le molybdène, ou le silicium. On trouvera les concentrations de ces éléments dans le tableau 2.7. Parmi ces éléments, seuls Co – Cr – Mn – Ni et Si ont fait l’objet d’une analyse quantitative, excluant le carbone du traitement pour les mêmes raisons qu’invoquées précédemment, et le molybdène de par l’absence totale de raies pouvant être renseignées en niveaux d’énergie et/ou en coefficients d’Einstein dans la base de données du NIST, rendant inadéquate pour cet élément la méthode graphique d’évaluation des groupes de transition dans le plan de Boltzmann.

105 Le plasma à été généré sur l’échantillon par le biais du montage expérimental utilisé à Marseille lors de nos expériences au laboratoire LP3. Néanmoins, les spectres réalisés avec notre expérience de Bordeaux permettent également d’exploiter convenablement les signatures spectrales des éléments présentement investigués. Dans l’immédiat, nous traitons du spectre collecté par un capteur iCCD durant 300 ns après un délai de 1,5 s.

Tableau 2-7 : Compositions massiques (en %) des éléments composant les alliages de référence C1-C10. Cette étude porte plus spécifiquement sur l’échantillon dont la composition est entourée en rouge.

Après traitement des raies appartenant aux métaux lourds évoqués dans cette étude, on génère comme à notre habitude un graphique de Boltzmann dans lequel tous les groupes de raies sont ajustés par des droites parallèles à celle générée par le groupe de transitions appartenant au fer neutre et une fois ionisé. Ce graphique est imagé en Figure 2.23. ci-dessous.

On remarque que nous avons remplacé le symbole D(T) par B(T). La signification de ce terme est mathématiquement exactement la même, mais permettra d’introduire un second terme D(T) qui participera à la seconde étape du traitement.

Figure 2.23 : Graphe de Saha-Boltzmann traitant de l’émission d’un plasma d’acier certifié. On attire l’attention du

lecteur sur le remplacement du terme D, présent dans les précédents graphes de Boltzmann, par un terme B(T) (voir

texte). Transitions du fer (losanges bleus), du chrome (carrés rouges), du manganèse (croix violettes), du nickel (triangles jaunes), du silicium (le disque orange), et enfin du cobalt (étoiles bleu claires).

106 Pour l’heure, nous constatons qu’à l’instar du graphe de Saha-Boltzmann montré en Figure 2.22, que certains éléments comme le cobalt ou le manganèse persistent à être caractérisés par des régressions « naturelles » (par opposition à la régression forcée qu’on leur applique afin d’extraire les valeurs des concentrations) dont les pentes sont assez différentes de la pente de -1,15.

En substance, on peut s’apercevoir si l’on décline notre analyse à tous les autres éléments constitutifs de la matrice hormis le fer, que les valeurs des températures d’excitation que l’on peut retrouver pour caractériser chaque tendance s’échelonnent entre 8300 K et 10100 K, soit un écart bien supérieur aux incertitudes pesant a priori sur la mesure de chacune de ces valeurs.

La question qui se pose alors pourrait être : « existe-il un moyen de définir une température moyenne s’imposant de manière globale à tous les éléments de la matrice, sans qu’on puisse ressentir le besoin de définir un corps préférentiel qui servirait d’étalon à tous les autres ? ». Un élément de réponse à été fourni récemment par Aguilera et Aragon *44+ sous la forme d’une procédure appelée « graphique de (Saha) Boltzmann multi-élémentaire ».

Dans son utilisation concrète, par exemple sur des alliages cuivre-fer-nickel comme dans [44], celle-ci consiste à enclencher une analyse en LIBS sans étalonnage tout à fait classique, où chaque groupe de transitions est ajusté par une droite dont la pente est fixée par la pente de la raie du fer (comme dans la Figure 2.23). On aboutit alors à des concentrations « primitives » à l’issue d’un calcul identique à celui décrit maintes fois précédemment. Pour le moment, nous ne nous attarderons pas sur leurs valeurs, mais nous allons les utiliser pour continuer la procédure d’analyse.

Pour la suite du calcul, nous allons recalculer intégralement les grandeurs B(T) de chaque élément (y compris du fer) et donc redessiner un graphique de Saha-Boltzmann après avoir cherché une valeur de T qui prenne en compte non pas seulement un unique élément.

Pour ce faire on trace, un graphique de Saha-Boltzmann multi-élémentaire. En repartant de l’équation 1) donnée dans ce chapitre :

8)

Cette équation ne pouvant fournir dans un graphique, a priori, qu’une mesure de la densité totale de l’élément neutre, on est en pratique obligé de passer par l’équation de Saha pour calculer à chaque fois la densité de l’ion une fois ionisé. Cela en sachant que la densité totale de l’élément (N en cm-3) est supposée correspondre à la somme de sa densité sous sa forme neutre (N0 en cm-3) et une fois ionisé (N1 en cm-3), en raison des températures souvent modestes (Texc < 3 eV [45]) rencontrées dans le milieu (équation (8)).

On peut perfectionner cette équation de manière à directement relever en ordonnée la densité totale de l’élément. Tout d’abord, on introduit la grandeur S10 qui correspond au ratio de la densité associée à l’élément ionisé sur la densité de l’élément présent sous forme neutre (N1/N0).

107 Or on sait par l’équation de Saha que :

10)

Où Z1(T) et Z0(T) sont respectivement les fonctions de partition à la température T du plasma (en K), ne la densité électronique du plasma (cm-3), me la masse de l’électron (kg), kB la constante de Boltzmann (eV.K-1), ħ la constante de Planck réduite (J.s), et Eion (en eV) le potentiel d’ionisation de l’atome neutre.

On obtient donc au final, en combinant les expressions (8)-(9) et (10), une formule s’exprimant de la façon suivante :

11)

Tout se passe donc comme si un graphique de Saha-Boltzmann multi élémentaire était un graphique de Saha-Boltzmann « standard », mais pour lequel les ordonnées des points dépendent également de l’ajout d’un terme différent pour chaque élément chimique mais agissant de manière égale que l’on considère une raie d’émission atomique ou ionique. Ce terme que nous nommerons D(T) est en quelque sorte l’opposé du terme B(T) qui lui, agit de la même façon sur tous les éléments, mais ne s’applique qu’aux transitions ioniques.

Avec la température trouvée dans le cas du fer, et les concentrations primitives que nous en avons déduit, nous pouvons dès lors générer une graphique de Saha-Boltzmann multi-élémentaire que nous présentons en Figure 2.24. La première qualité de ce type de graphique saute immédiatement aux yeux : en replaçant dans une même zone toutes les classes de raies rencontrées auparavant dans le graphique de Saha-Boltzmann de la Figure 2.23, on peut tirer une régression d’un nombre considérable de transitions et en extraire par la même une température d’excitation moyenne (ici de 8450 K environ) avec un assez bon degré de précision à en juger avec la valeur du coefficient R² associé à cet ajustement.

On remarque tout de même la présence de 4 points situés très en dessous du groupement de points situé sur la Figure 2.24. Un examen attentif de leur placement dans le plan de Boltzmann permet de révéler que ces 4 transitions sont les 4 raies associées à l’atome de cobalt (une raie de Co I à 347,4 nm et trois émissions attribuables à Co II à respectivement 228,61 nm – 230,78 nm et 236,38 nm). Cet élément étant le composé dont la température d’excitation semble la plus éloignée de celle imposée par le fer dans la Figure 2.23, on pouvait se douter que celui-ci serait plus délicat à inclure, y compris dans un graphique de Saha-Boltzmann multi-élémentaire.

108

Figure 2.24 : Graphique de Saha-Boltzmann multi-élémentaire regroupant toutes les transitions des éléments métalliques listées dans la Figure 2.23.

Une fois cette température moyenne déterminée, on peut alors réintroduire cette valeur dans le calcul d’un graphique de Saha-Boltzmann standard (i.e. n’intégrant pas le terme surnuméraire D(T)) et tirer de nouvelles régressions, en prenant toujours toutefois comme référence la régression obtenue pour un élément présentant un grand nombre de raies, i.e. ici le fer. Ce nouveau graphe de Saha-Boltzmann peut être consulté en Figure 2.25 et comparé avec son homologue exhibé en Figure 2.25.

S’il est manifeste que la qualité de la régression reste très bonne, on observe avec satisfaction une réduction manifeste du désaccord existant entre la tendance exprimée par cette moyenne et celle inhérente au manganèse ou au cobalt.

Il est également important de voir que le nickel est désormais placé au dessus du manganèse dans l’ordre décroissant des ordonnées à l’origine, ce qui est favorable au respect du fait que la teneur en nickel dans la matrice considérée est supérieure à celle de manganèse (cf. Tableau 2.8).

Le tableau 2.8 qui récapitule ces comparaisons nous apprend premièrement que la bonne connaissance de la température d’excitation du plasma est un paramètre qui peut s’avérer critique dans l’obtention de résultats d’une justesse acceptable pour l’analyse. Ainsi on peut conclure qu’une variation de l’ordre de 15 % dans la valeur de ce paramètre (environ 10000 K pour le traitement 1, puis environ 8500 K pour le traitement 2) peut aboutir un facteur 2 dans la concentration prédite d’un élément comme le nickel.

109

Figure 2.25 : Graphique de Saha-Boltzmann issu de l’intégration dans le calcul de la température trouvée en Figure 2.21. Transitions du chrome (losanges bleus), du manganèse (triangles jaunes), du nickel (carrés rouges), du silicium (l’étoile bleue claire), et enfin du cobalt (croix violettes)

On constate néanmoins que cette procédure itérative8 semble permettre de converger graduellement vers des prédictions de concentrations affichant des écarts relatifs de l’ordre de 10 à 20 % pour les éléments de cet alliage. Il est à ce titre d’ores et déjà patent qu’un très bon accord se fait jour concernant la quantification du silicium ainsi que celle du chrome.

Tableau 2-8 : Comparaison entre les concentrations atomiques certifiées de l’alliage et celles obtenues déduites de l’expérience. Traitement 1 : La température est mesurée à partir d’un SBP sur le fer ; traitement 2 : la température est mesurée à partir d’un graphique de Saha-Boltzmann multi élémentaire (cf. Fig.2.24)

Elément Concentration