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La fluorine est également un des exemples d’échantillons susceptible de faire l’objet d’un examen approfondi en LIBS sans calibration, sans pour autant avoir à s’inquiéter de la possible présence de raies issues d’éléments comme l’oxygène. Il appartient à ce titre comme la Halite au sous groupe des composés Halides dépourvus d’eau *3+. Comme la Halite, sa ductilité rend très favorable les conditions d’ablation du matériau en présentant facilement des plans de très bonne qualité susceptibles de ne pas perturber localement l’ablation par des rugosités non maitrisées. La fluorine présente par ailleurs comme point commun avec la Halite de ne pas exhiber de raies issues du fluor sur toute la gamme spectrale caractéristique de l’appareillage que nous avons usité à Bordeaux, et ce même si il existe en principe des transitions de fluor très intenses à 350,31 nm – 350,56 nm – 384,71 nm – 385 nm – 385,17 nm – 402,47 nm – 402,5 nm et 402,55 nm pour l’ion F II, et 623,97 nm – 634,85 nm – 641,37 nm – 677,4 nm – 683,43 nm – 685,6 nm – 687,02 nm – 690,25 nm – 690,98 nm – 696,64 nm – 703,75 nm – 712,79 nm et 720,24 nm pour l’atome de F I. On peut s’apercevoir rapidement au détour de la Figure 2.10 que non seulement toutes ces raies (positions localisées en orange pour F II et en vert pour F I) n’apparaissent pas, mais que des signaux moléculaires émergent de façon significative dans le spectre LIBS.

85 Une analyse des bandes moléculaires présentes sur le spectre, et dont on peut apercevoir les détails en Figure 2.10, à l’aide des ouvrages de référence dédiés au sujet (*20+, *21+) révèle que ces structures spectrales sont caractéristiques de la molécule de CaF. La présence de fluor est donc uniquement détectable sous forme moléculaire dans les spectres générés à Bordeaux.

L’exploitation de ces bandes moléculaires n’autorisant pas à l’heure actuelle à remonter à la concentration élémentaire du plasma en l’absence de raies élémentaires de composés issus de la matrice [22], il ne nous est donc pas permis de poursuivre sur ce type de spectre.

Il est dès lors permis de s’interroger sur la capacité d’une instrumentation permettant une résolution en temps du rayonnement du milieu à aboutir à une analyse quantitative de ce type de plasma. Pour répondre à cette question, on présente en Figure 2.11 les profils de raies d’émission du fluor neutre et tels qu’enregistrés à différents délais et temps de pose dans l’air à pression atmosphérique, et dans de l’argon à 5 millibars.

Les paramètres d’acquisition de ces spectres sont les suivants : 100 ns de délai, 50 ns de temps de porte – 150 ns de délai et 50 ns de temps d’acquisition, et enfin 200 ns de délai et 50 ns de durée d’accumulation sur capteur.

Figure 2.10 : Spectre de CaF2 obtenu avec l’instrumentation utilisée à Bordeaux. Délai d’acquisition : 1 s. Temps

d’intégration sur la CCD : 250 s. On signale par des traits verticaux colorés, les longueurs d’ondes théoriques

d’apparition de transitions du fluor neutre (Vert) et du fluor une fois ionisé (Orange).

Si la Figure 2.11 révèle qu’il existe bel et bien une faible émission du fluor atomique qui tend très rapidement à disparaître (en moins de 1 s, ce qui explique l’absence de raies de fluor dans le

spectre montré en 2.7) pour laisser place exclusivement aux structures de bandes de la molécule CaF, celle-ci ne se limite malheureusement qu’à la raie à la raie de F I à 685,6 nm, toutes les autres

86 transitions fortes listées dans les bases de données de référence étant malheureusement absentes ou trop dégradées par un mauvais rapport signal sur bruit pour être pleinement utilisables.

En revanche, à l’image de la Halite, un examen attentif des spectres dérivés des expériences d’ablation de CaF2 (Figures 2.12 et 2.13) dans de l’argon basse pression permet de pointer du doigt la forte poussée des raies d’émission du fluor neutre et ionisé d’une part, et la nette prédominance en intensité des raies de F II d’autre part, ce qui semble être un indice là encore de fortes températures d’excitation au sein du panache d’ablation.

Figure 2.11 : Evolution temporelle de la raie de fluor neutre (F I) à 685,7 nm dans un plasma de CaF2 ablaté sous air à

pression atmosphérique pour différents paramètres délai-porte : 500 ns – 50 ns, 800 ns – 200 ns, 1,5 s – 500 ns et 3 s –

500 ns. Gain de l’iCCD : 210.

Ayant auparavant décrit la méthode CF-LIBS dans les grandes largeurs, nous nous bornerons simplement à fournir les résultats des analyses quantitatives que l’on peut effectuer sur l’échantillon de CaF2. Le rayonnement du plasma étant fortement impacté par le Bremsstrahlung dans la série de données obtenues pour le couple 100 ns – 50 ns, nous avons choisi de n’analyser que les données liées aux expériences dont les délais de détection sont de 150 ns et 200 ns.

Figure 2.12 : Evolution temporelle de la raie de fluor neutre (F I) à 685,7 nm dans un plasma de CaF2 ablaté sous 5 millibars d’argon. Les paramètres d’acquisition délai – porte des spectres sont les suivants 100 ns – 50 ns, 150 ns – 50 ns, et 200 ns – 50 ns. On a représenté pour comparaison en pointillés bleu clair la même zone du spectre ainsi qu’elle est obtenue dans de l’air à pression atmosphérique pour des paramètres de détection de 800 ns – 200 ns. Gain de l’iCCD : 210.

87 On trouvera en Figure 2.14 un exemple de graphique de Saha-Boltzmann obtenu de façon analogue à la procédure décrite pour la Halite, pour un délai de 200 ns et un temps de porte de 50 ns. On découvre avec désappointement qu’au contraire de ce dernier échantillon pour lequel une seule valeur de température d’excitation pouvait décrire avec un très bon accord les groupements de transitions utilisées, le graphique 2.14 généré pour CaF2 semble indiquer la présence de trois températures d’excitation d’environ 24700, 9800 et 32700 K, associables respectivement aux groupes de niveaux d’argon I et II, de calcium I et II, et de fluor I et II.

Figure 2.13 : Figure analogue à la Figure 2.12, mais pour l’évolution temporelle du triplet de raies de F II à 350,15 – 350,31

et 350,56 nm dans un plasma de CaF2 ablaté sous 5 millibars d’argon. Gain de l’iCCD : 210.

Nous pouvons avancer plusieurs remarques pour tenter d’expliquer cette mauvaise performance des graphiques de Saha-Boltzmann, et en péalable à cela commencer par réitérer les avertissements précédemment formulés à l’encontre des traitements idoines pour le cas de la Halite. Même si ce traitement semble pour l’heure le mieux à même pour assurer la détection d’éléments comme le chlore ou le fluor, l’ablation sous atmosphère raréfiée de l’échantillon de fluorine n’en constitue pas moins une situation connue pour être malheureusement plus défavorable à l’établissement d’une situation d’ETL qu’une ablation à plus forte pression.

Figure 2.14 : Graphique de Saha-Boltzmann obtenu dans le cas d’un échantillon de CaF2 ablaté dans 5 mbar d’argon à 200

ns et 50 ns de temps de porte. On représente en bleu les groupes de points représentatifs de raies d’argon neutre et une fois ionisé, en rouge les raies issues du calcium neutre et une fois ionisé, et en vert les raies d’émission du fluor neutre et une fois ionisé.

88 L’intégration spatialle du rayonnement d’un milieu inhomogène pourrait constituer un premier indice pour expliquer pourquoi le traitement des données d’émission fait apparaît des températures d’excitation différentes pour les différents constituants de la matrice. Si l’on prend par exemple le cas d’études portant sur la répartition au sein du panache des éléments constitutifs d’une matrice métallique comme un alliage nickel-fer-aluminium [23], il apparait clairement que les distributions spatialles de ces éléments sont légèrement différentes entre elles, même si celles-ci se recoupent sur de larges portions du milieu. Ces légères différences mesurées sont avant tout interprêtées comme provenant des larges erreurs sur les mesures des densités relatives des éléments (> 50 % dans le cas du fer par exemple). Cependant les auteurs semblent également souligner, à la suite d’autres études sur le sujet *24+, que la présence d’éléments possédant des propriétés physico-chimiques de transition de phase très différentes6 peut induire des phénomènes d’abalation préférentielle pour certains éléments au détriment d’autres composés présents dans la matrice, induisant ainsi des répartitions spatialles dans la plume différentes.

La température relevée dans les graphes de Saha-Boltzmann étant une moyenne sur les températures d’excitation relevées dans les zones où la concentration élémentaire d’un composé est suffisante pour induire une émission significative, il n’est dès lors pas difficile de concevoir que deux éléments possédant des zones de répartition potentiellement assez différentes au sein du milieu, puissent exhiber des températures apparentes différentes.

On notera en revanche que les températures d’excitation de l’argon trouvées dans les cas de l’ablation de NaCl ou de CaF2 sont sensiblement du même ordre de grandeur – 25800 K pour la Halite contre 24 700 K pour CaF2, ce qui pourrait être intéressant pour obtenir des conditions d’excitation assez stables quelle que soit la matrice considéré, même si à la vue de ces résultats, une faible influence de la matrice analysée dans le comportement de l’argon ne semble pas à exclure.

Cependant, l’expérience que l’on peut tirer de la littérature existant sur le sujet incite à penser que cet effet ne peut en réalité expliquer que des écarts eux-mêmes inférieurs aux différentes températures existant au sein du panache. Ici, ce phénomène ne pourrait être uniquement invoqué pour expliquer la différence existant entre la temlpérature de calcium et celle du fluor. Il s’agit donc de tenter de dégager d’autres pistes pouvant expliquer cet écart.

En particulier, une connaissance des sources lasers excimères peut ainsi nous conduire à remarquer que la présence simultanée d’argon et de fluor dans un milieu hautement excité peut conduire à produire des inversions de populations suffisament significatives pour produire un rayonnement laser *25+. On sait notamment que les populations d’atomes de fluor et d’argon forment un exciplexe ArF*, stable uniquement sous une forme excitée, lequel finissant par se scinder après avoir émis un rayonnement de dé-excitation à 193,3 nm. Ce rayonnement n’étant pas accessible facilement à l’expérimentateur car nécessitant pour être détecté d’employer une appareillage spectroscopique sous vide, il ne nous a malheureusement pas été possible de l’étudier dans l’immédiat.

En outre, une étude attentive de la dynamique des signaux moléculaires du complexe CaF permet de constater (comme montré en Figure 2.15) que ces derniers sont présents dès les tous premiers

6 Ce qui est le cas du fluor et du calcium qui possèdent à pression atmosphérique des températures de fonte respectives de 53 K et de 1125 K, et des températures d’ébullition de 97 K et 1757 K !

89 instants du plasma quand celui-ci est encore extrêmement chaud. Au-delà de cette présence qui révèle l’intensité des processus de recombinaison au sein du panache (les signatures moléculaires de CaF étant presque inexistantes aux instant initiaux de formation du plasma), il peut être utile de nous interroger sur l’importance des différentes réactions chimiques pouvant exister dans ce type de plasma et sur l’influence que ces dernières peuvent avoir sur la physico-chimie du milieu, et celle de son rayonnement.

Le lecteur intéressé par faire la lumière sur cette thématique pourra consulter en référence certaines publications de Emmanuel Marode *26+ ou d’Annemie Bogaerts *27+, mettant notamment en lumière que les processus inter-atomiques dans les plasmas denses et froids (comme l’ionisation de Penning, mettant en jeu deux atomes d’argon excités [27]) peuvent être caractérisés par des sections efficaces les faisant compter de manière significative à la physique du milieu, au même titre que d’autres processus collisionnels ou radiatifs qui feront l’objet du chapitre 3.

Figure 2.15 : Spectre moléculaire de la bande A2→ X2+

de CaF [21] émise par un plasma de CaF2 généré sous 5

millibars d’argon. Les températures d’excitation du milieu telle que donnée par l’argon à ces instants (150 ns et 200 ns après l’ablation) sont de 25300 K et 24700 K respectivement.

En conclusion de cette section, nous avons montré que certains plasmas pouvaient faire montre de nombreuses réactions chimiques en leur sein, lesquelles manifestent leur empreinte via l’émergence de bande moléculaires reconnaissables. A l’heure actuelle, l’émergence de ces signatures semble consister la piste la plus sérieuse pour expliquer l’échec de la procédure CF-LIBS, due à différences températures d’excitation prennant place au sein du plasma.

II) Application de la CF-LIBS à des matrices complexes

Même si les échantillons de compositions « simples » n’ont pas permis d’aboutir à des résultats satisfaisants, ils ont néanmoins constitué une démonstration concrète de la technique de

90 LIBS sans calibration et permis de pointer du doigt certaines difficultés d’analyse élémentaire découlant directement de complications inattendues dans la détection de certains composés chimiques.

Connaissant ces limitations, il reste intéressant de se pencher sur des matrices dont les compositions s’approchent plus de celles exhibées par des matrices de type sol pollué. On sait par avance, eu égard aux points soulevés dans la première partie de ce chapitre, qu’il nous sera difficile d’analyser tous les éléments de ces matrices, mais rien n’empêche d’analyser ces dernières de façon partielle en raisonnant sur des rapports de concentrations élémentaires.

Cette partie de chapitre traitera de deux composés multi-élémentaires : l’un est un spéléothème (dépôt calcaire formé au sein de grottes et renfermant à mesure de sa croissance de nombreuses impuretés métalliques), l’autre un sol pollué comportant en son sein plus d’une douzaine de composés différents. Ce dernier exemple particulièrement illustrera de façon appréciable ce que pourraient être à l’heure actuelle les performances d’un algorithme de type CF-LIBS sur un sol pollué. Cette partie se terminera par un exemple d’analyse CF-LIBS affinée, récemment mise en œuvre dans l’analyse d’alliages métalliques par Aguilera et al. *28+, qui nous permettra de façon détaillée de désigner les points sur lesquels des marges de manœuvre autorisent encore à améliorer la performance de l’outil. Hormis dans cette section particulière pour laquelle des nouveaux concepts seront présentés, soulignons encore une fois que nous ne détaillerons pas outre mesure les étapes d’un calcul que nous avons déjà présenté dans le préambule de ce chapitre.