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Analogues synthétiques du site actif des hydrogénases NiFe

2. Chimie bio-inspirée et chimie biomimétique

2.3. Modèles du site actif des hydrogénases

2.3.2. Analogues synthétiques du site actif des hydrogénases NiFe

Avant la résolution de la structure de l’hydrogénase NiFe de Desulfovibrio gigas en 1995 la communauté scientifique pensait que le site actif était un complexe mononucléaire ou dinucléaire de nickel. Dans ce cadre, un grand nombre de complexes mononucléaires et dinucléaires de nickel ont été développés mais nous nous concentrerons ici aux modèles structuraux dinucléaires nickel-fer mimant réellement la structure du site actif. Cette chimie n’a pris de l’ampleur qu’après 1995.

Le premier complexe de ce type (7), dont la structure est représentée figure 17, a été développé par le groupe de Darensbourg en 199677 mais ne possédait pas les deux ponts thiolates entre le fer et le nickel comme cela est le cas dans le site actif. Différentes substitutions sont possibles; on peut noter par exemple le complexe (8) (figure 17) décrit par Schröder en 2006.78 Dans cette famille de complexes, le fer est relié au nickel par un seul ligand soufré ce qui entraine une plus grande flexibilité du ligand et une distance Ni-Fe plus grande que celle déterminée pour le site actif de l’enzyme.

Figure 17. Complexes dinucléaires NiFe avec un centre Fe(CO)x rattaché à un complexe de nickel.

En 1997, Pohl79 a décrit la synthèse d’un premier complexe bis-thiolatoponté (9) (figure 18) donnant une géométrie plus ressemblante au site actif et rapprochant le nickel et le fer avec une distance de 2,9Å similaire à celle que l’on observe dans l’hydrogénase. La sphère de coordination du fer est alors complétée par des ligands nitrosyle.

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Figure 18. Complexe dinucléaire NiFe bis-thiolatoponté.

Finalement c’est le groupe d’Evans qui proposa en 199980

le premier analogue synthétique (10) avec des propriétés structurales similaires au site actif des hydrogénases NiFe à savoir un pont dithiolate entre le nickel et le fer ainsi que des ligands carbonyles pour le fer. De plus, dans ce complexe, le nickel a une géométrie pseudopyramidale à base carrée que l’on retrouve dans la forme oxydée du site actif de l’enzyme. On peut remarquer que ce complexe possède également quelques similarités avec le cluster A ((11) figure 19 à droite) d’une enzyme bifonctionnelle : la carbone monoxyde deshydrogenase / acetyl-CoA synthase (CODH/ACS). Le cluster A est responsable de l’activité acetyl-CoA synthase. En effet on retrouve les ponts 2-aminoethanethiol, ligands du nickel dans le site actif,81 comme ligands du fer dans ce complexe biosynthétique ainsi que les deux ligands soufrés pontant entre les deux métaux ((10) figure 19 à gauche).

Figure 19. Gauche : Complexe dinucléaire NiFe (10) avec un pont dithiolate entre le nickel et le fer ainsi que des ligands carbonyle pour le fer. Droite : cluster A de CODH/ACS.

En 2005, le groupe de Schröder82 a décrit un complexe dinucléaire Nickel-Fer (12) stable à l’état réduit NiI

FeI présentant un pont propylènedithiolate comme ligand commun au nickel et au fer. La sphère de coordination du nickel est encore complétée par des ligands phosphines.

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Figure 20. Structure du complexe NiIFeI synthétisé par le groupe de Schröder.

La même année, le groupe de Tatsumi83 a quant à lui mis au point la synthèse de complexes dinucléaires nickel-fer avec des ligands carbonyle et cyanure pour le fer.

Figure 21. Schéma de synthèse de complexes dinucléaires nickel-fer avec des ligands CO et CN- pour le fer et un pont propanedithiolate entre le nickel et le fer.

Les complexes 13 et 14 présentent des caractéristiques structurales ainsi que des distances métal-métal et métal-soufre similaires aux formes oxydées des sites actifs des hydrogénases

Desulfovibrio gigas (D. gigas) et Desulfovibrio fructosovorans (D. fructosovorans).83

Distances (Å) 13 14 D. gigas D. fructosovorans

Fe-Ni 3,0587 (6) 3,0364(8) 2,9 2,9 Fe-S-Ni* 84,43 84,71 73,7 nd Fe-S (pont)* 2,337 2,338 2,2 2,4 Ni-S (pont)* 2,213 2,111 2,6 2,4 Ni-S (terminal)* 2,206 2,209 2,2 2,3

Tableau 2. Distances (Å) des différentes liaisons et angles caractéristiques des complexes 13, 14 et des sites actifs de D.

gigas et D. fructosovorans. * : moyenne. nd : donnée non disponible sur la banque de données des protéines.

Cependant les complexes décrits jusqu’à présent ne possèdent pas d’activité catalytique pour la réduction de protons, ou du moins elle n’a jamais été testée.

On ne dénombre en effet qu’un petit nombre d’analogues synthétiques du site actif des hydrogénases NiFe catalytiquement actifs pour la production d’hydrogène84-88

Ainsi, le groupe de Rauchfuss a synthétisé en 200987,88 une série de complexes dinucléaires NiFe avec des ligands phosphine pour la première fois actifs pour la production d’hydrogène. Il s’est basé sur le complexe (12) et a pu, en présence de protons, former l’hydrure pontant correspondant (15) qui s’est révélé très stable et responsable de l’activité catalytique. On peut noter cependant que ces complexes ne sont actifs qu’en imposant un potentiel beaucoup plus

négatif que le potentiel d’équilibre du couple H+/H2 correspondant à une surtension d’environ

1V.86

Figure 22. Cycle catalytique proposé pour les complexes dinucléaires NiFe avec L = CO, P(OPh)3, PPh3 ou PPh2py. De manière concomitante, notre groupe86 a proposé un autre complexe dinucléaire également catalytiquement actif pour la production d’hydrogène moléculaire avec une surtension de 730mV.

Figure 23. Structure du complexe sous sa forme active pour la production d’hydrogène.

Enfin, on peut noter dans ce cadre le très récent travail du groupe de S. Ogo84 qui a préparé un complexe binucléaire NiFe (16) actif à la fois en réduction de protons et pour l’activation de H2.

Figure 24. Activation héterolytique de H2 (0.1 MPa) par le complexe (16) dans MeCN/MeOH + MeONa pour former l’hydrure (17) correspondant. Réduction de l’hydrure (17) par transfert de l’hydrure à H+

ou d’électrons à MV2+. La présence de ligands triethoxyphosphine sur le fer permet de modifier ses propriétés redox et d’activer l’hydrogène. Il y a formation d’un hydrure caractérisé par structure RX que l’on peut soit protoner (et libérer H2) soit oxyder par réduction par exemple du méthylviologène (MV).

Même si ce système ne fait qu’un cycle catalytique en oxydation, il s’agit du premier exemple de complexe dinucléaire NiFe actif, comme les hydrogénases, en oxydation et en réduction et dans ce sens il montre bien les progrès constants de la chimie dans ce domaine.