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1.3 LA THÉORIE DES AMBIANCES:

1.3.2 AMBIANCES THERMIQUES ET

La filiation historique de la recherche architecturale sur les ambiances remonte selon Alain Châtelet au mouvement des auto-constructeurs américains des années soixante [CHAt 1998]. Les chocs pétroliers, les catastrophes écologiques et, plus récemment, l’émergence de la notion de développement durable en constituent les principaux jalons.

Le terme d’ambiance par rapport à l’architecture et l’urbanisme recouvre en fait un champ d’investigation très vaste et mal délimité, du fait de ses nombreuses acceptions. La notion s’est d’abord située dans le domaine de l’architecture bioclimatique, terme esquissé par V. Olgyay [OLG1963],

aujourd’hui reconvertie sous les vocables de « bâtiment à haute qualité environnementale » ou « green building » [CHAt 1998].

Le thème des ambiances a, dans un premier temps, été abordé à travers l’étude des ambiances physiques40. Il a ensuite intégré des préoccupations liées à la pollution, à la gestion des ressources en matière premières, et, surtout, à la crise énergétique liée au premier choc pétrolier. Cette approche énergétique du bâtiment et de son environnement dans la recherche architecturale donna le jour à la notion d’architecture solaire qui évolua vers le concept actuel de bâtiment à haute qualité environnementale (HQE). Que ce soit dans la recherche à vocation théorique où dans le domaine plus pragmatique de la réalisation de bâtiments plus ou moins expérimentaux, l’insertion de l’architecture solaire dans le débat architectural a été problématique. Tournée vers la seule performance énergétique, elle donnait l’image d’une architecture gadget, inesthétique et chère. Incapable de constituer une véritable approche (écologique) de la conception du bâtiment. Une approche analytique et plus scientifique contribue à faire accepter l’architecture bioclimatique comme un « principe de conception architecturale visant à utiliser, au moyen de l’architecture elle-même, les éléments favorables du climat en vue de la satisfaction des exigences du confort thermique » [OLG1963]. L’objectif n’étant plus de produire des bâtiments expérimentaux mais de donner au concepteur des outils de base pour l’élaboration de projets architecturaux permettant la compatibilité entre le climat extérieur et le confort des usagers [BAN 1969].

Ces principes sont le plus souvent issus de l’analyse de bâtiments vernaculaires et modernes correctement adaptés.

V. Olgyay, et à sa suite B. Givoni [ GIV 1978], présentent des savoirs scientifiques d’ordre physiologique, climatologique et thermique. Ils proposent notamment l’utilisation du diagramme bioclimatique pour repérer les conditions de confort dans un contexte donné.

Figure 37: diagramme de confort d'Olgyay, source [1980]

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Le nom du groupe de recherche marseillais ABC, fondé en 1973, reprend les initiales d’ambiances bioclimatiques

1.3.2.1 DE LA THERMIQUE AU « MULTICRITÈRE » :

MODÈLES D’INTELLIGIBILITÉ ET MODÈLES INTÉGRATEURS

Avec la prise en compte des autres facteurs physiques du projet, la problématique des ambiances urbaines connaît une avancée essentielle. L’espace urbain est appréhendé en fonction de ses qualités lumineuses, sonores, aérauliques, olfactives…

Cette dimension multisensorielle est d’abord limitée aux aspects techniques et mécanistes des différents registres sensoriels. Les différentes recherches étendront leur champ d’investigation, non seulement aux aspects socioculturels et esthétiques de la perception de l’espace urbain mais aussi à des tentatives d’intégration de plusieurs sens donnant ainsi naissance à l’analyse multicritères41.

En mettant en avant les notions d’ambiances thermiques, lumineuses, sonores, aérauliques et olfactives, la recherche sur les ambiances participe, ainsi, à la réinvention de l’espace architectural à cinq sens. Elle affranchit ainsi l’espace urbain de l’emprise du visuel ayant prévalu depuis la Renaissance. La recherche sur les ambiances architecturales et urbaines revient à l’état premier des choses où les différents sens sont égaux en droit [AUG 1998].

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Les travaux du CSTB de Nantes et du LASH de l’ENTPE de Lyon développent une problématique d’une meilleure utilisation de l’éclairage naturel en concordance avec le traitement thermique.

La réhabilitation des sens dans la construction de l’espace urbain donne lieu à l’émergence de plusieurs notions théoriques sans lesquelles les qualités sonores aérodynamiques, olfactives ou tactiles de l’espace ne seront que des adjonctions à la perception visuelle.

D’abord un modèle d’intelligibilité capable de rendre compte des dimensions objectives et subjectives, liées à la perception physiologique ou à l’usage socioculturel des variables physiques.

En effet, tout signal physique n’est pas intelligible par la seule caractérisation mathématique pouvant être effectuée par des mesures de laboratoire. Il est entièrement dépendant des qualités morphologiques et matérielles du lieu dans le lequel il se propage ainsi que des connotations individuelles, sociales et culturelles de sa perception qui lui donnent une qualité hic et nunc42 [AUG 1998]. Le ‘ même’ son, la ‘ même’ lumière ne sont jamais exactement les ‘ mêmes ‘, ni par ce qui est filtré du signal, ni par les connotations qui les chargent.

La problématique des ambiances urbaines privilégie donc les approches in situ. En face du sujet-type de laboratoire, cible des stimuli, se dessine le citadin concret pénétré de son histoire individuelle, de son imaginaire, de son réseau de sociabilité, acteur aussi de l’environnement, producteur de signaux, voire de nuisances [AUG 1998].

Gordon Cullen s’insurgeait déjà contre des normes d’esthétique urbaine élaborées à partir d’une normalisation des citadins, des conditions climatiques ou des conditions de sécurité [CULn 1961].

Une intelligibilité à même d’intégrer, dans des approches pluridisciplinaires, les diverses ambiances (lumière, son, chaleur, odeur…) qui donnent une intelligibilité globale plus forte que l’extrême diversité des registres invoqués. Intégrées, car une connaissance plus pertinente des impacts techniques et sensibles d’un objet architectural et urbain, autorise l’utilisation préventive de ce registre dans des phases très en amont du processus de conception, temps privilégiés des choix stratégiques sur le projet. Interdisciplinaires, car

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Citons les exemples suivants : temps de réverbération et timbrage pour le son ; réflexion particulière, modification de température de couleur et organisation des ombres, pour la lumière ; turbulences particulières des flux de l’air autour de certaines configurations architecturales, volatilité variable des odeurs en fonction de la vitesse du vent.

elles appellent à la confrontation concurrentielle entre des savoirs et processus de nature différente43.