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Aménagements contractuels par les professionnels assujettis

4. L’encadrement normatif des activités du médecin exerçant en centre hospitalier

4.2 L’adoption de normes départementales

4.2.4 Aménagements contractuels par les professionnels assujettis

Les tribunaux ont récemment eu l’occasion de se prononcer sur la validité d’une pratique des médecins, par ailleurs courante en milieu hospitalier, de convenir d’ententes par lesquelles ces dernier organisent entre eux l’exécution de certaines obligations qui leur sont imposées par les chefs de départements cliniques, dont la plus courante est sans doute la garde clinique.

147 Alinéa 2 de l’article 192 de la loi.

148 Alinéa 4 de l’article 100 du règlement. Sur l’impact de la présence de telles observations au dossier

professionnel du médecin, voir supra, p. 69.

149 L.R.Q., c. A-2.1.

Les auteurs Philips-Nootens, Lesage-Jarjoura et Kouri151, reconnaissent que l’émergence

de la pratique de groupe facilite le suivi des patients par les médecins pratiquant en centre hospitalier en offrant au patient l’accès à un groupe de médecins. Une telle pratique est fondée sur une triple entente, soit celle de l’usager qui accepte d’être traité indifféremment par l’un ou l’autre des médecins membres du groupe, celle des médecins entre eux quant au partage de la garde et des ressources départementales, et celle des médecins vis-à-vis des patients qu’ils s’engagent collectivement à traiter.

La qualification juridique de telles ententes peut varier selon le contexte. Par exemple, dans la décision Bernard c. Québec, la Cour d’appel constate que les cardiologues de l’Hôpital Laval y ont exercé leur profession au sein d’un contrat de société en nom collectif qu’ils avaient formée:

« Entre 1971 et 1984, tous les cardiologues de l’Hôpital Laval (Hôpital) font partie d’une société civile en nom collectif et partagent entre eux leurs revenus et dépenses. Ils forment alors un pool unique, un seul groupement assurant la gestion commune des opérations, des ressources et des moyens du service de cardiologie à l’Hôpital. Cette société est composée de deux groupes, soit le groupe des cardiologues cliniciens (dont fait partie l’appelant) et le groupe des cardiologues plein-temps universitaires (PTU). »152

Dans la décision Giroux c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, la Cour supérieure a été appelée à analyser une entente de pratique de groupe au sein du service d’orthopédie de la défenderesse, laquelle prévoyait les modalités de préparation de la liste

151 S. PHILIPS-NOOTENS, P. LESAGE-JARJOURA et R. P. KOURI, Éléments de responsabilité civile

médicale, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 338 et 339.

de garde à l’urgence par le chef de service. Le demandeur a été exclu de l’entente par les autres membres car il ne respectait pas les périodes de garde qui lui incombaient. Les arguments invoqués par le demandeur à l’encontre de cette exclusion sont doubles, soit tout d’abord la nullité de l’entente en ce qu’elle constituait une règle d’utilisation des ressources adoptée illégalement puisqu’elle n’a pas été élaborée par le chef du département ni approuvée par le conseil d’administration sur recommandation du CMDP. Le demandeur invoquait également que son exclusion de l’entente était une sanction de nature disciplinaire assujettie aux dispositions et garanties prévues à la loi, et que son effet était déraisonnable en ce qu’elle lui imposerait d’être en tout temps de garde. La cour ne retient pas ces arguments, et qualifie de contrat sui generis l’entente régissant les médecins membres du service d’orthopédie :

« [94] Aussi, le Tribunal considère que les articles 7 à 10 de la pièce P-8 constituent l’entente intervenue entre les membres. Cette entente vise essentiellement la pratique du Service d’orthopédie en groupe et ne relève d’aucun pouvoir réglementaire.

(…)

[109] La question se pose à savoir si on pouvait résilier ainsi l’entente contractuelle consignée à P-8B sans le consentement du demandeur.

[110] À l’analyse de la convention P-8, le Tribunal a retenu qu’il s’agissait d’un contrat sui generis à exécution successive.

[111] Or, lorsqu’une partie à un tel contrat néglige ou refuse d’exécuter de manière répétée les obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 1597 et 1605 du Code civil du

Québec, il est possible de résilier de plein droit l’exécution du contrat.

[114] Ce document P-9 est un acte juridique contractuel. Il ne peut d’aucune façon être déclaré invalide au sens qu’il violerait une norme législative ou réglementaire encadrant les activités de l’établissement ou le droit de pratique des médecins au C.H.R.T.R.

[115] Bien au contraire la pratique médicale est ainsi faite que la responsabilité d’un médecin vis- à-vis son patient lui appartient totalement, tel que le précise le Code de déontologie aux articles 32 et suivants.

[117] Or, avoir la charge de son patient découle d’une prescription légale imposée par l’Ordre

des médecins notamment par son Code de déontologie. À cet égard, la situation du demandeur est

identique à celle de tous les autres médecins dont les défendeurs.

[118] Mais lorsque dans le texte de P-9 on mentionne que le demandeur devra prendre charge de ses patients 365 jours par année, ceux-ci ne font évidemment pas référence à l’obligation d’être de garde. Cette obligation d’être de garde n’est imposée que lorsque les médecins sont à l’urgence. Le demandeur n’est pas de garde à l’urgence 365 jours par année, 24 heures par jour. (notre

emphase)».153 (notre emphase)

Il se dégage des décisions précitées que les tribunaux ont tendance à reconnaître la validité des ententes entre médecins comme constitutifs de droits et d’obligations issus du droit commun qui peuvent se superposer à ceux énoncés à la loi. Cette question sera sans doute précisée suite aux jugements à être rendus par la Cour d’appel dans la foulée des décisions Giroux c. Centre hospitalier universitaire de Trois-Rivières.