Chapitre 2 Comportement des sch´ emas de type Godunov dans la limite des faibles
2.6 Une alternative au pr´ econditionnement
Nous avons vu que la m´ethode de pr´econditionnement dans la limite des faibles nombres de Mach pour les sch´emas de type Godunov, revenait `a modifier le probl`eme de Riemann. N´eanmoins, cette m´ethode n’est utilisable que pour les solveurs de Riemann lin´earis´es (par exemple de type VFRoe). Ici nous pro-posons une approche l´eg`erement diff´erente qui consiste `a corriger la solution qLR utilis´ee pour le calcul des flux. Cette alternative est appliqu´ee au sch´ema original de Godunov c’est-`a-dire celui bas´e sur la r´esolution exacte du probl`eme de Riemann.
Dans la limite des faibles nombres de Mach, les flux calcul´es aux interfaces par le sch´ema de Go-dunov sont aux ordres dominants par rapport `a M∗, des flux issus de probl`emes acoustiques g´en´er´es artificiellement par les discontinuit´es des solutions discr`etes sur le maillage. Le premier point essentiel dans cette nouvelle approche est donc de faire disparaˆıtre toute contribution acoustique que l’on notera qLRacous. Cependant si l’on se limite `a cette modification des valeurs aux interfaces, le flux obtenu est proche d’un flux centr´e. Il est alors n´ecessaire pour stabiliser le sch´ema de rajouter une contribution qLRvis donnant lieu `a une viscosit´e artificielle. Cette contribution sera ´evalu´ee en se guidant par l’exemple du sch´ema pr´econditionn´e. Pour mettre en ´evidence l’importance de ces modifications, nous allons donc tester num´eriquement l’utilisation des flux suivants :
Φ(qL, qR,nLR) =F.nLR(qLR−qacousLR ) (2.73.1) Φ(qL, qR,nLR) =F.nLR(qLR−qacousLR +qLRvis) (2.73.2) o`uqLR est la solution du probl`eme de Riemann exact.
La premi`ere partie de cette ´etude consiste `a calculer la solution asymptotique du probl`eme de Riemann exact. Cette solution permettra de donner l’expression de la composante “acoustique”qLRacous malheureu-sement pr´esente dans la solution. Ensuite on comparera l’´etatqLR−qacousLR `a la solution asymptotique du probl`eme de Riemann pr´econditionn´e (2.66)-(2.67) et la diff´erence nous permettra de d´efinir une contri-bution visqueuseqLRvis.
On se donne comme conditions initiales du probl`eme de Riemann, les deux ´etatsqL et qR g´en´eraux suivants :
ρL=ρref(ρL,0+M∗ρL,1+M∗2ρL,2+. . .) uL=aref(0 +M∗uL,1+. . .)
vL=aref(0 +M∗vL,1+. . .)
pL=ρrefa2ref(p0+M∗pL,1+M∗2pL,2+. . .)
(2.74)
ρR=ρref(ρR,0+M∗ρR,1+M∗2ρR,2+. . .) uR=aref(0 +M∗uR,1+. . .)
vR=aref(0 +M∗vR,1+. . .)
pR=ρrefa2ref(p0+M∗pR,1+M∗2pR,2+. . .)
(2.75)
Pour valider cette approche dans un cadre assez g´en´eral, on suppose que les conditions initiales admettent une discontinuit´e de densit´e `a l’ordre 0. De ce fait on ne sait plus d´efinir exactement l’acoustique associ´ee au probl`eme. Ainsi la d´efinition de la contribution acoustiqueqLRacous sera une formule approch´ee.
Comme au paragraphe 2.3, on introduit ces d´eveloppements asymptotiques dans les courbes de d´ e-tentes et de chocs. Il est ais´e de voir que ces courbes sont alors confondues et qu’elles d´eg´en`erent en droites de pentes−1/√
γp0ρL,0 et +1/√
γp0ρR,0. Le point d’intersection donne les valeurs de u∗ etp∗ : u∗=aref(0 +M∗(
√ρL,0uL,1+√
ρR,0uR,1
√ρL,0+√ ρR,0
− 1
√γp0
∆p1
√ρL,0+√ ρR,0
) +M∗2(< u2>+(. . .)) +O(M∗3)
p∗=ρrefa2ref(p0+M∗(
√ρR,0pL,1+√
ρL,0pR,1
√ρL,0+√ ρR,0
+qacous,pLR,1 ∗) +M∗2(< p2>+qLR,2acous,p∗+ (. . .)) +O(M∗3) (2.76)
Les valeurs des densit´es de part et d’autre de la discontinuit´e de contact sont d´eduites par ´ecriture des invariants de Riemann et on obtient :
ρ∗L=ρref(ρL,0+M∗(ρL,1+qacous,ρ o`u (. . .) symbolise des termes d’ordre 2, qui ne sont pas significatifs et que l’on n’a pas explicit´es. Les termes dissipatifs en ∆u1pr´esents `a l’ordreM∗dans les expressions dep∗, ρ∗L, ρ∗Rsont purement d’origine acoustique et donc transpos´es dansqLRacous. En revanche les termes en ∆p1 `a l’ordreM∗ dans les valeurs de la vitesse et des densit´es n’ont pas ´et´e pris en compte dans la composante acoustique qLRacous car ces termes disparaissent dans l’hypoth`ese d’un champ initial incompressible o`u ∆p1= 0.
En conclusion, la contribution acoustique peut s’´ecrire en revenant aux variables dimensionn´ees : qacous,pLR ∗ =−
La solution limite obtenue en supprimant la contribution acoustique, s’´ecrit pour la pression sous la forme :
p∗=ρrefa2ref(p0+M∗(0) +M∗2(< p2>+(. . .)) +O(M∗3) (2.79) et pour les densit´es sous la forme :
ρ∗L =ρref(ρL,0+M∗(ρL,1+ ρL,0√
En supprimant toute contribution acoustique, on perd toute la viscosit´e sur la pressionp∗`a l’ordreM∗et il en est de mˆeme pour les densit´esρ∗L, ρ∗Rdans le cas de donn´ees initiales incompressibles o`u ∆p1= 0. En analysant la solution asymptotique du probl`eme de Riemann pr´econditionn´e (2.66), nous avons vu que des termes purement dissipatifs viennent se rajouter sur la vitesseu∗ `a l’ordreM∗. C’est ces termes qui nous int´eressent et qui vont d´efinir l’expression deqvisLR. Nous avons vu au paragraphe 2.4 que la solution limite du probl`eme de Riemann pr´econditionn´e, pour la vitesse, pouvait s’´ecrire sous la forme :
u∗=aref(0 +M∗(< u1>−< u1>
2√
X0 ∆u1− ∆p2
< ρ0>√
X0) +M∗2(< u2>+(. . .)) +O(M∗3) (2.81) Maintenant on compare cette solution `a celle du probl`eme de Riemann original et exact, dans le cas o`u
∆p1= 0 : Alors on distingue ais´ement les termes de viscosit´e artificielle induits par le pr´econditionnement, et la solutionu∗ du syst`eme pr´econditionn´e, s’´ecrit sous la forme :
u∗=aref(0 +M∗(< u1>+qvis,uLR,1∗) +M∗2(< u2>+qLR,2vis,u∗ + (. . .)) +O(M∗3) (2.83)
On d´efinitqvisLR en revenant aux variables dimensionn´ees, par l’expression :
ρLρRet β est proportionnel au nombre de Mach. Cette ´etude nous permet alors de proposer les deux corrections suivantes.
Premi`ere correction :Φ(qL, qR,nLR) =F.nLR(qLR−qLRacous) similaire a ´et´e propos´ee pour le sch´ema de Roe dans [68]. Cette derni`ere consiste `a modifier le flux de Roe comme ci-dessous o`ua=p
γp/ρ repr´esente la vitesse du son :
Φ(qL, qR,nLR) = 1 Revenons `a pr´esent aux calculs d’´ecoulements `a faible nombre de Mach autour d’une aile de NACA0012.
La Figure 2.11 pr´esente le champ de pression pour les deux sch´emas corrig´es et pour le sch´ema pr´ econ-ditionn´e VFRoe-Turkel.
La premi`ere correction donne un r´esultat acceptable `a Mach 0.1 mais en dessous de cette valeur les r´esultats se d´egradent et le sch´ema devient oscillant. En particulier, il faut noter que les r´esultats pr´ esen-t´es pour Mach 0.01 et 0.001 correspondent `a des calculs qui n’ont pas converg´e en temps. En utilisant la correction (2.85), le r´esidu se met `a osciller autour de la valeur 10−3. Comme nous l’avons expliqu´e ci-dessus, ceci est dˆu au manque de viscosit´e artificielle. On notera que ces oscillations ont d´ej`a ´et´e ob-serv´ees pour la correction (2.86) du sch´ema de Roe pr´esent´ee dans [68], et nous en expliquons ici les raisons.
En revanche dans les r´esultats pr´esent´es en Figure 2.11 et qui utilisent la deuxi`eme correction (2.87), la valeur d’interface a ´et´e corrig´ee de fa¸con `a incorporer une viscosit´e artificielle ´equivalente `a celle du sch´ema pr´econditionn´e. La Figure 2.11 montre que les r´esultats sont comparables `a ceux obtenus avec le sch´ema pr´econditionn´e.
Fig.2.11 –Isovaleurs de la pression normalis´ee, sur un maillage `a 3114 nœuds `a M∞= 0.1 (haut), M∞= 0.01 (milieu), M∞= 0.001 (bas). Premi`ere correction du sch´ema de Godunov (gauche), deuxi`eme correction (milieu) et sch´ema VFRoe-Turkel (droite).
En conclusion, nous avons propos´e dans ce paragraphe deux corrections des flux du sch´ema de Go-dunov qui repr´esentent une alternative au pr´econditionnement. Si la premi`ere correction aboutit `a un sch´ema qui peut devenir oscillant, la deuxi`eme donne des r´esultats comparables `a ceux obtenus avec la m´ethode pr´econditionn´ee. Cette alternative pr´esente le double int´erˆet d’ˆetre moins compliqu´ee que le pr´econditionnement `a mettre en œuvre et d’ˆetre possible en gardant un solveur exact de Riemann. En effet, le probl`eme de Riemann n’est pas explicitement modifi´e dans la mise en œuvre de cette alternative au pr´econditionnement.