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AGENT ETIOLOGIQUE : CLASSIFICATION ET TAXONOMIE

LA TULAREMIE ET SON AGENT

I. AGENT ETIOLOGIQUE : CLASSIFICATION ET TAXONOMIE

L’agent causal de la tularémie est l’espèce Francisella tularensis, qui est un cocco-bacille, Gram négatif, immobile, non hémolytique et aérobie stricte [29].

La position taxonomique de Francisella tularensis a connu de nombreuses modifications depuis sa découverte (Tableau I). Francisella tularensis, d’abord nommée Bacillus tularensis par Edward Francis, a été, suite à des études sérologiques, classée dans le genre Pasteurella. Ce n’est qu’en 1947 que Dorofe’ev propose de former le genre Francisella, avec comme seule et unique espèce Francisella tularensis [30].

Par la suite, des expériences d’hybridation ADN-ADN ont confirmé que le nouveau genre bactérien Francisella n’appartenait pas aux genres Pasteurella,

Yersinia ou aux entérobactéries [31]. En 1994, l’analyse de séquences d’ARN

ribosomal 16S n’a révélé aucun lien entre le genre Francisella et d’autres genres bactériens décrits [32]. De plus, ces études ont permis de classer Francisella dans la subdivision des gamma-protéobactéries et dans l’ordre des Thiotrichales. Au sein des gammaproteobacteria, la famille la plus proche des Francisellaceae est celle des Piscirickettsiaceae, dont fait partie la bactérie Piscirickettsia

salmonis, agent de septicémies du poisson [33]. Les organismes les plus proches

de Francisella sont des bactéries intracellulaires obligatoires, comme Wolbachia

Francisella tularensis comprend elle-même 2 principales sous-espèces : Francisella tularensis subsp tularensis ou neartica (type A) qu’est subdivisé en

2 biovars : biovar A.I et biovar A.II dont la virulence est moindre que le biovar A.I, et Francisella tularensis subsp holarctica ou palaearctica (type B), elle-même composée de 3 biotypes (biogroupes) ou biovars (biovar I, biovar II et

biovar III) (Tableau I).

Il existe 2 autres sous-espèces de Francisella tularensis : Francisella tularensis

subsp mediastica et Francisella tularensis subsp japonica. Cette dernière sous

espèce est également considérée comme le biotype ou le biovar III de

Francisella tularensis subsp holarctica [11, 24, 34].

Ces sous espèces sont très proches au point de vue phylogénétique, mais différentes en terme de virulence. Les cas humains de tularémie sont dus aux biovars A et B, le premier étant le plus pathogène [3,35].

Francisella tularensis subsp. novicida :

Isolée pour la première fois en 1951 dans un échantillon d’eau aux Etats-Unis,

Francisella tularensis subsp. novicida a tout d’abord été rattachée au genre Pasteurella [36], puis transférée dans le genre Francisella en 1959 sous le nom Francisella novicida.

Jusqu’en 1989, cette souche restera la seule représentante de l’espèce. En 1989, Hollis rapporte l’isolement de deux souches de Francisella novicida à partir de prélèvements d’origine humaine : une souche isolée des ganglions lymphatiques

ganglionnaire et une souche isolée du sang d’un individu âgé et alcoolique, présentant une infection comparable à la forme typhoïde de la tularémie. Au vu des caractères biochimiques et d’expérience d’hybridation ADN-ADN, il a proposé de reclasser la bactérie comme une sous-espèce de Francisella

tularensis [26]. Cette proposition a été confirmée en 1994 par une analyse de

l’ARN 16S ribosomal de Francisella novicida qui s’est avérée identique à celui de Francisella tularensis [32]. Il est donc communément admis l’actuelle taxonomie basée sur la phylogénie : Francisella tularensis subsp. novicida (Tableau I). Cependant, les différences de cycle de vie, de virulence et de pouvoir pathogène chez l’Homme entre Francisella tularensis subsp. novicida et les sous espèces tularensis et holarctica demeurent des points de discussion de ce classement.

Francisella philomiragia :

Une troisième espèce, appelée Francisella philomiragia, a été isolée d’un rat musqué dans l’Etat de l’Utah en 1959. L’année suivante, quatre isolats d’échantillons d’eau ont été étudiés et classés dans le genre Yersinia pour leur parenté d’ADN avec Yersinia pestis (25%), ainsi que leur ressemblance morphologique dans les tissus d’animaux infectés [37]. Ce n’est qu’en 1989, après des analyses d’hybridation ADN-ADN et l’étude de la composition en acide gras de la paroi bactérienne de Yersinia philomiragia, qu’Hollis et ses collaborateurs [26], ont proposé un transfert taxonomique vers le genre

 Nouvelles espèces et sous-espèces de Francisella :

En 2007, une bactérie responsable d’infections graves chez les cabillauds (Ou Morues : Un nom vernaculaire désignant en français des poissons de plusieurs espèces de l’ordre des Gadiformes. Ces poissons vivent dans les eaux froides) d’un élevage norvégien est décrite comme appartenant au genre Francisella. Elle est nommée Francisella piscicida [28, 38].

En 2010, l’analyse de la souche FhSp1T isolée de sang humain par séquençage de l’ARN16S et du gène recA a permis de mettre en évidence une nouvelle espèce de Francisella appelée Francisella hispaniensis [39].

En 2011, l’analyse d’une souche de Francisella pathogène d’ormeaux géants du Japon a permis d’identifier Francisella halioticida, une nouvelle espèce de

Francisella [40].

Une autre espèce de Francisella a été décrite en 2009 : Francisella noatunensis. Cette espèce, mise en évidence par l’Institut National Vétérinaire de Norvège lors d’examens de morues d’élevage présentant une maladie granulomateuse, constitue la quatrième espèce de genre Francisella. Dans un premier temps classée comme une sous-espèce de Francisella philomiragia, Francisella

noatunensis n’a été élevée au rang d’espèce qu’en 2009, suite à l’étude des

séquences ARN 16S et de neuf gènes domestiques [41].

Pour terminer, une nouvelle espèce de Francisella : Francisella guangzhouensis, a été identifié en 2013 dans l’eau de systèmes d’air conditionné

Tableau I : Position taxonomique des espèces du genre Francisella [30, 43]. Domaine Bacteria Phylum Proteobacteria Classe Gammaproteobacteria Ordre Thiotrichales Famille Francisellaceae Genre Francisella Espèces tularensis. philomiragia. piscicida. noatunensis. hispaniensis. halioticida. guangzhouensis. Sous-espèces de Francisella tularensis

tularensis (type A, 2 biovars tularensis). holarctica (type B, 3 biovars palaearctica). novicida.

mediastica.

gouvernementale américaine, dont le centre principal se trouve à Atlanta, a comme prérogatives la protection de la santé et de la sécurité publique. L’un de ces rôles est la surveillance internationale de l’émergence des maladies infectieuses, dont celles associées au bioterrorisme. Cette classification hiérarchisée prend en compte la facilité de dissémination, la transmission inter-humaine, la mortalité, les conséquences en terme de santé publique et de perturbation sociale, les exigences en terme de diagnostic et de surveillance (Tableau II).

La catégorie A comprend les pathogènes de haute priorité, dont l’utilisation aurait un impact majeur sur la santé publique et pourrait provoquer une désorganisation des structures économiques et sociales. Ils peuvent être produits et disséminés de façon aisée. Ces agents présentent une létalité importante et sont transmissibles par voie respiratoire. Les agents de la catégorie B sont faciles à disséminer mais présentent une morbidité modérée ainsi qu’une faible létalité. Ils possèdent donc un impact moins élevé sur la santé publique. Ils nécessitent cependant la mise en œuvre de procédures de diagnostic et d’un système de surveillance approprié. La catégorie C regroupe tous les agents qui ne présentent pas de hauts risques, mais qui pourraient être modifiés pour favoriser une dissémination de masse. Ils sont plus disponibles, plus faciles à produire et leur utilisation pourrait engendrer une mortalité élevée.

Cette classification est souvent utilisée comme référence et mise à jour par d’autres organismes nationaux, européens ou internationaux.

complétée par des agents biologiques ayant des spécificités épidémiologiques nationales. La « Health Protection Agency » en Angleterre, ainsi que l’Agence Européenne du médicament, répertorient les agents du risque biologique sur une base commune au CDC et établissent des recommandations concernant les agents des différentes catégories [30].

Aussi, pour protéger les travailleurs contre les risques résultant de leur exposition à des agents biologiques (Tableau III), on peut admettre un autre classement de ces agents en 4 groupes, en fonction de l’importance du risque d’infection qu’ils présentent [45].

 le groupe 1 : comprend les agents biologiques non susceptibles de provoquer une maladie chez l’homme ;

 le groupe 2 : comprend les agents biologiques pouvant provoquer une maladie chez l’homme et constituer un danger pour les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est peu probable ; il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficaces ;

 le groupe 3 : comprend les agents biologiques pouvant provoquer une maladie grave chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs; leur propagation dans la collectivité est possible, mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace;

 le groupe 4 : comprend les agents biologiques qui provoquent des maladies graves chez l’homme et constituent un danger sérieux pour les travailleurs ; le

risque de propagation dans la collectivité est élevé ; il n’existe généralement ni prophylaxie ni traitement efficace.

Tableau III : Liste des agents biologiques pathogènes des groupes 2, 3 et 4 : Tableau A (Les bactéries) [45]

(*) : Accolé à certains agents biologiques pathogènes du groupe 3. Cet

astérisque indique qu’ils peuvent présenter un risque d’infection limité car ils ne sont normalement pas infectieux par l’air.

T : Agent biologique qui est susceptible de produire des toxines. V : Un vaccin efficace est disponible.

spp : Cette mention (species) signifie qu’il fait référence aux autres espèces qui