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Affymetrix, pili et canneberge

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5 Discussion

5.2 La complexité des voies intervenant dans l’effet de la canneberge sur l’adhésion

5.2.2 Effet post transcriptionnel des composés du jus de canneberge

5.2.2.1 Affymetrix, pili et canneberge

Les résultats obtenus indiquent que l'extrait de canneberge affecte l'expression des gènes impliqués dans la synthèse, la régulation de certains des pili impliqués dans l’adhésion. Rappelons que les 10 subcultures en présence de C102 1% (P/V) répriment de manière significative l'expression des gènes suivants:

Pour les pili de type 1

fim A sub-unité majeure de fimbrine de type1

fim C Chaperone péri-plasmique nécessaire pour les pili de type 1

fim D Protéine de membrane externe OMP intervenant dans l’export et l’assemblage

des pili 1

fim F Précurseur protéine FimF et morphologie fimbriale

fim G morphologie fimbriale

fim H Sub-unité mineure fimbriale correspondant à l’adhésine D-mannose sensible

L’opéron fim code pour les 9 gènes nécessaires à la synthèse, l'assemblage et la régulation des pili de type 1. (61, 95). Nous observons que la culture en présence de C102 1% (P/V) est associée à une moindre expession de l’ensemble des gènes de structure des pili :

- fim A gène de structure de la piline ;

- fim I codant pour une protéine fimbriale dont la fonction demeure inconnue ;

- fim H dont dépend l’adhésine terminale des pili 1 ; il ne s’exprimerait pas chez les bactéries planctoniques; parallèlement, Staerk et al. (213) indiquent que l'expression est limitée lorsque les bactéries (UTI89) proviennent de populations sessiles;

- fim F et fim G codent pour des protéines associées à l’adhésine Fim H formant la structure filamenteuse qui ancre le pili et détermine sa longueur,

- deux gènes impliqués dans le transport et l’assemblage, fim C et fim D ; Fim C est une protéine chaperone périplasmique qui lie et plie les sous-unités fimbriales, et participe au transport des protéines fimbriales jusqu’à la protéine extramembranaire Fim D qui ouvre un pore par lequel les sous-unités sont exportées et assemblées en filament. Au moment d'entrer dans le périplasme, les sous-unités dépliées de piline, dont la configuration est de type immunoglobuline, interagissent instantanément avec la chaperone correspondante qui est FimC. Ces sous-unités vont être complétées par le G1 béta-stand "donné" par FimC, stabilisant le tout. Les sub-unités qui n'interagissent pas avec FimC sont incapables de se plier correctement et sont dégradées. La chaperone transmet ensuite la sous-unité à FimD qui lui permet de franchir la membrane, pour être alors assemblée en pili mature(2). Il est donc possible que C102 à 1% (P/V), en réduisant l'expression de Fim C et D, conduise à une plus grande proportion de sous-unités de piline dégradées, agissant selon un mécanisme de type pilicide plus que mannosidique. Enfin, ceci serait aussi en cohérence avec l'apparente disparition des fimbriae observée en microscopie électronique.

Notons que l’expression des gènes associés à la régulation et aux inversions de phase (fim B, E) n’est pas modifiée de façon significative (différence des logarithmes : respectivement 0,03 et -0,14, non significatif).

Nos résultats sont en accord avec les données de la littérature. En effet, l'effet anti-adhésion de la canneberge ne passe pas par des modifications du génome lui-même mais plutôt par une altération de l’expression des gènes. Dans nos conditions d'essai, l'effet canneberge ne se limite pas à une adhésion médiée par FimH. Les essais ave mannose, considéré comme inhibiteur spécifique de FimH, tels que l'hélagglutination sont des essais par contact direct, ne laissant pas de place aux mécanismes adaptatifs. Les 10 subcultures successives sur C102

induisent une modification d'expression génomique touchant beaucoup plus largement les pili de type 1 que ce soit au niveau constitutif ou fonctionnel.

Les pili de type 1 peuvent être présents et inopérants, car ils sont l'objet de variations de phase selon un mécanisme ON/OFF. Les bactéries peuvent rapidement moduler, selon l’environnement, leur choix en adhésines de surface, grâce aux variations de phase, à la fois stratégie d’évasion et réponse adaptative à un changement d’environnement, leur permettant de choisir l’adhésine la plus appropriée au tissu cible (226). Différents signaux environnementaux affectent les changements de phase du gène promoteur fimS, comme par exemple l’osmolarité et l’acidification du milieu: les bactéries qui remontent l’arbre urinaire trouvent dans la vessie une urine dont le pH est acide et l’osmolarité modérée. Une protéine induite par le système de tolérance à l’acidité commencerait alors à mettre l’opéron fim sur OFF (95). Le nombre de pili 1 est sous contrôle de l’opéron fim qui ne dépend pas seulement de ce mécanisme de variation de phase, mais est aussi modulé par régulation transcriptionnelle et post-transcriptionnelle (227), ce que nous observons ici.

Enfin, sur des surfaces inertes, l’adhésion médiée par les pili de type 1 détermine des modifications dans la composition des protéines membranaires (Omp) (outer membrane proteins) (228), OmpA, Omp X, Slp et TolC. Cet aspect pourrait être exploré ultérieurement afin de d'établir un lien ou non avec les modifications pariétales observées.

Fimbriae P

En revanche, concernant les fimbriae P, aucun des opérons de type pap ou foc ne voit son expression modifiée de façon significative par la C102 1% (P/V), en désaccord avec la littérature rapportant un effet de la canneberge sur les fimbriae P (15, 83, 127, 144, 217), plus précisément sur PapGII tel que décrit par Lavigne et al. (15) et Ermel et al. (16, 83).

Cependant, l'effet sur les fimbriae P pourrait être lié non pas à une odification de l'expression des protéines mais plutôt à une modification configurationnelle, post-transcriptionnelle. Cet effet est illustré par la modification de la configuration des macromolécules (127, 201), avec un raccourcissement par compression, et un tassement des pili P dont la longueur passe de 148 à 48 nm, alors qu'antérieurement cette inhibition était décrite comme relevant d'une compétition avec les adhésines des pili 1 et P. Nos résultats sont ainsi en accord avec les conclusions des travaux de Pinzon-Arango et al. (148), réalisés dans des conditions similaires (10-12 subcultures en miliue TS) et le sont pas discordants avec nos résultats en MET

Si l’implication des pili de type P dans l’action de la canneberge semble bien établie dans la littérature, les mécanismes restent malgré tout incertains.

Les autres systèmes piliés

C102 modifie l'expression des pili de type F1C et de type S

sfa B Protéine régulatrice putative de conversion des fimbriae F1C et S

sfa D Subunité mineure précurseur putative des fimbriae F1C

foc D F1C fimbrial usher

foc F Subunité précurseur des fimbriae F1C

Outre les pili de type 1 et P, d'autres fimbriae jouent un rôle important, comme les fimbriae S et F1C (opérons pap, sfa et foc); certaines adhésines non fimbriales participent aussi à l'adhésion. Par ailleurs, Lavigne et al. (16) constatent que l’activité anti-adhésion est présente aussi pour des souches ne présentant ni pili 1 ni fimbriae P, suggérant soit d’autres adhésines soit d’autres mécanismes. Lors de nos essais, nous notons des réductions singificatives d’expression de gènes impliqués dans la synthèse et/ou la régulation des fimbriae F1C. Miyazaki et al. (86) montrent parmi des UPEC issues d’urines de cystites, toutes adhérentes aux cellules T24, que la moitié d’entre elles ne présente pas d’adhésines identifiées, et que parmi celles-ci un tiers est pourtant invasive. Ils concluent que les pili de type 1, les fimbriae P et S, et l’adhésine afimbriale I ne sont pas essentiels à l’adhésion et à l’invasion et ils font l'hypothèse que l’adhésion n’est peut-être pas indispensable pour les bactéries à temps de doublement court (86).

Les gènes codés au sein des clusters de gènes correspondant aux fimbriae P (papB), S (sfaB) et F1C (focB) expriment des produits qui répriment la transcription et donc l’expression des pili de type 1 chez CFT073 (88). Lorsque la souche CFT073 n’exprime ni pili de type 1 ni fimbriae P, les auteurs notent une expression des fimbriae F1C. Ainsi, des protéines régulatrices d’autres systèmes piliés peuvent aussi réguler l’opéron fim par communication croisée : PapB affecte les variations de phase de l’opéron pap et inhibe le passage de la phase OFF vers la phase ON de fim S.

Rafsanjani (65) constate par RTq-PCR que selon les souches (E. coli 2980, NU14) et les conditions de culture, en présence ou en l'absence de cellules urothéliales (T24), les PAC peuvent augmenter ou diminuer l’expression de gènes clés comme papGII, papGIII, focG et

adhésines multifonctionnelles, le blocage d’une adhésine est compensé par d’autres adhésines, la bactérie adhérant quelle qu’en soit l’effecteur. De manière surprenante, l’addition d’extraits de canneberge, complets ou appauvris en PAC, entraine une augmentation de l’expression de

fimH que l’auteur attribue à une sorte de rétrocontrôle positif de l’effet d’inhibition directe des

extraits sur la protéine.

L’expression des pili de type 1 modifie d’autres CUPs, conduisant à une diminution de l’expression de pap et de la motilité (87, 88). Ainsi, les souches d’UPEC ont un système complexe d’expression des CUP pili et des flagelles. La littérature indique un rétro-contrôle entre l'expression des fimbriae et des flagelles, considérés comme impliqués dans des fonctions opposées (adhésion/mobilité). Simms &Mobley (229) indiquent ainsi que la surexpression de focX (régulation des fimbriae F1C) par CFT073 est associée à une répression de la mobilité et de la production de flagelline. Cependant les travaux de Greene(67) sur l'action du pilicide ec240 sur UTI89 indiquent des effets comparables sur les deux fonctions en parallèle. Ces aspects concernent le rétrocontrôle entre expression/fonction des adhésines et du flagelle et seront développés dans le chapitre suivant.

Alors qu'antérieurement l'effet inhibiteur de la canneberge était décrit comme reposant sur une compétition avec les adhésines des pili 1 et P (12), les mécanismes aujourd'hui paraissent plus subtils.

Pour conclure, la contribution de chaque pili à la virulence des souches UPEC n’étant pas totalement établie (8), nous devons considérer que l’adhésion est permise par des éléments bactériens très divers, que sont non seulement les adhésines mais aussi d’autres structures de surfaces comme les flagelles, ainsi que le LPS (224), et que la part relative de chacun de ces éléments varie dans le temps au cours du processus infectieux (50)

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