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Soient E et F deux espaces vectoriels sur k de dimension finie, munis de formes ses-quilinéaires non dégénéréesf etg respectivement, qui sont simultanément symétriques ou hermitiennes.

Proposition 1.6. Pour toutu∈L(E, F), il existe une unique application u∈L(F, E) telle que

∀x∈E, ∀y ∈F, f(x, u(y)) =g(u(x), y). (9) L’application u 7→ u est involutive (c’est-à-dire qu’elle vérifie l’égalité (u) = u pour tout u ∈ L(E, F)) et semi-linéaire (c’est-à-dire qu’elle vérifie (u +λv) = uσv pour tous les λ∈k et u, v∈ L(E, F)). Elle est aussi contravariante (c’est-à-dire qu’elle vérifie id = id et (u◦v) = v ◦u pour tous les u ∈ L(F, G) et v ∈ L(E, F)). En particulier (un) = (u)n pour tous les n∈N et u ∈L(E). L’opérateur u est inversible si et seulement si u l’est, et alors (u)−1 = (u−1) et si E =F alors (u)n = (un) pour tout n∈Z.

L’applicationu est appelée l’adjoint deu (relativement àf etg). Puisquef etg sont simultanément symétriques ou hermitiennes, la formule (9) est équivalente à

∀x∈E, ∀y ∈F, f(u(y), x) =g(y, u(x)).

Démonstration. Pour l’existence, soientfe:Eσ →E eteg:Fσ →F les isomorphismes de dualité, de sorte que f(a)(b) =e f(a, b) pour tous les a, b ∈ E. Soit

b

u ∈ L(F, E) l’applicationduale(on dit parfoistransposée) deu, qui est l’application de précomposition paru des formes linéaires surF, donc définie par`7→`◦u. Notons que si `est une forme linéaire surF, alors `◦u est bien une forme linéaire surE, et que l’application u7→

b u est linéaire.

Rappelons que les groupes additifs sous-jacents àE et àEσ coïncident, ainsi que ceux de F etFσ. Montrons que l’application

u =fe−1◦ b

u◦eg , (10)

considérée comme une application de F dansE convient. En effet, pour tous les x∈E et y∈F, nous avons

f x,fe−1◦ b

u◦eg(y)σ

=f fe−1◦ b

u◦eg(y), x

=fefe−1◦ b

u◦eg(y) (x)

= ( b

u◦eg(y))(x) =eg(y)(u(x)) =g(y, u(x)) =g(u(x), y)σ . Ceci montre la formule (9). De plus, u est un morphisme de groupes additifs, comme composé de trois tels morphismes. Comme l’application

b

u est linéaire et les applications fe:E→Eet(fe)−1 :E→E sont semi-linéaires (et puisqueσest involutif), l’application u est linéaire.

L’unicité deu est claire, car un vecteur deE orthogonal à tout vecteur deE est nul puisquef est non dégénérée. Elle implique les propriétés d’involution, de semi-linéarité, et

la relation de contravariance (u◦v)=v◦u.

Un opérateur linéaireu∈L(E) est dit

• auto-adjoint siu=u (on dit aussihermitien, etsymétriquedans le cas particulier où f est symétrique),

• positifsi f(u(x), x)∈ {λλσ : λ∈k} pour tout x∈E,22

• normal siu◦u =u◦u,

• unitaire siu◦u =u◦u= id.

Remarques. (1) SiA(respectivementB) est la matrice def (respectivementg) dans une baseB (respectivementC) deE (respectivement F), siM est la matrice deu∈L(E, F) dans ces bases, alors la matrice M de u ∈L(F, E) dans ces bases est23

M = (Aσ)−1tMσBσ . (11)

En particulier, siE etF sont des espaces euclidiens (respectivement hermitiens), et si B et C sont orthonormées (voir la partie 1.7), alors M est la matrice transposée de M (respectivement la matrice transposée de la matrice conjuguée de M) :

M = tM (respectivement M = tM ).

22. lorsque(k, σ) = (R,id)ou(k, σ) = (C, z7→z), ceci s’écritf(u(x), x)0pour toutxE

23. En effet, siX,Y sont les vecteurs colonnes des coordonnées de n’importe quelsxE,yF dans les basesB,C, alors

tX(A(M)σ)Yσ = tXA(MY)σ=f(x, u(y)) =g(u(x), y) = t(M X)BYσ= tX(tM B)Yσ.

DoncA(M)σ= tM B etM= (A−1)σ(tM)σBσ.

Donc si E = F et B = C, un opérateur u ∈ L(E) est auto-adjoint si et seulement si sa matrice M dans la base orthonormée B est symétrique tM = M (respectivement hermitienne tM =M ).

(2) Un opérateur linéaireu∈L(E) auto-adjoint ou unitaire est normal. Siu∈L(E) est normal et v∈L(E) est unitaire, alorsv◦u◦v−1 est normal, car

(v◦u◦v−1)= (v◦u◦v) =v◦u◦v =v◦u◦v−1

et les conjugués par un même automorphisme de deux endomorphismes qui commutent commutent encore. (3) SiE=F, pour toutu∈L(E), l’applicationh: (x, y)7→f(u(x), y) est une forme sesquilinéaire surE, qui est hermitienne si et seulement siuest auto-adjoint, et qui est positive si et seulement si u est positif.

(4) SiE =F, siσ 6= idet si la caractéristique dekest différente de2, alors un opérateur positif uest auto-adjoint. En effet, par ce qui précède, en posanth: (x, y)7→f(u(x), y), il suffit de montrer que la forme sesquilinéaire positiveh est hermitienne. La forme h, étant positive, prend ses valeurs sur la diagonale de E×E dans l’ensemble {λλσ :λ∈k}, qui est contenu dans le sous-corps fixe k0 de σ. Donc pour tous les x, y∈E, nous avons

h(y, x) +h(x, y) =h(x+y, x+y)−h(x, x)−h(y, y)∈k0.

Notonsι∈kun élément donné par le lemme1.1. En remplaçantyparι−1ydans la formule centrée ci-dessus, nous avons

h(y, x)−h(x, y) =ι h(ι−1y, x) +h(x, ι−1y)

∈ι k0 .

Donc

h(y, x)−h(x, y)σ

= h(y, x) +h(y, x)σ

2 +ιh(y, x)−h(y, x)σ

2ι −h(x, y) +h(x, y)σ

2 +ιh(x, y)−h(x, y)σ

= (h(y, x)−h(x, y)) + (h(y, x)−h(x, y))σ

2 +ι(h(y, x) +h(x, y))−(h(y, x) +h(x, y))σ

= 0.

Ceci montre queh est hermitienne.

(5) Par exemple, id∈ L(E) est auto-adjoint et unitaire, et pour tout u dansL(E), les opérateurs linéairesu+u etι(u−u) (celui-ci n’étant défini que lorsqueσ 6= idet la caractéristique dekest différente de2) sont auto-adjoints, par les propriétés d’anti-linéarité et d’involution. Si de plus f est positive, alorsidest positif. Siu∈L(E) est auto-adjoint et si v∈L(E) est unitaire, alorsv◦u◦v−1 est auto-adjoint.

De même, pour toute application linéaireu ∈L(E, F), les opérateursu◦u∈L(E) etu◦u = (u)◦u ∈L(F) sont auto-adjoints, car

∀x, y∈E, f(u◦u(x), y) =g(u(x), u(y)) =f(x, u◦u(y)).

L’opérateur u ◦u ∈ L(E) est positif si g est positive (et donc l’opérateur u◦u = (u)◦u ∈L(F) est positif sif est positive), car

∀x∈E, f(u◦u(x), x) =g(u(x), u(x))∈ {λ λσ :λ∈k}.

Le résultat suivant regroupe les relations élémentaires entre les propriétés d’une appli-cation linéaire de E dansF et celles de son adjoint.24

Proposition 1.7. Soitu∈L(E, F).

(i) L’orthogonal de l’image de u est le noyau de son adjoint et le noyau de u est l’orthogonal de l’image de son adjoint :

u(E)

= ker(u) et ker(u) = u(F)

.

En particulier, u est injectif si et seulement si u est surjectif, et u est surjectif si et seulement si u est injectif.

(ii) Si f et g sont anisotropes, alors

ker(u) = ker(u◦u) et ker(u) = ker(u◦u).

(iii) Sif etg sont anisotropes, alors les endomorphismesu, u, u◦u etu◦u ont le même rang.

Dans la suite de cet énoncé, nous supposons que E =F.

(iv) Soit λ∈k. Alors λest valeur propre de u si et seulement si λσ est valeur propre de u :

Vp(u) = Vp(u)σ

.

(v) Si V est un sous-espace vectoriel de E invariant (oustable) par u (c’est-à-dire tel que u(V)⊂V), alors V est invariant par u. En particulier, siu est auto-adjoint, et si V est un sous-espace vectoriel de E invariant par u, alors V est aussi invariant par u.

(vi) Sif est anisotrope et siuest auto-adjoint (respectivement anti-auto-adjoint (c’est-à-dire siu =−u), unitaire), alorsVp(u)est contenu dans le sous-corps fixe k0 ={λ∈k: λσ =λ}de σ (respectivement dans {λ∈k:λσ =−λ}, dansN−1(1) ={λ∈k:λλσ = 1}, dans {λλσ : λ ∈ k}). Si f est anisotrope et positive, et si u est positif, alors Vp(u) est contenu dans {λλσ :λ∈k}.25

(vii) Si f est anisotrope, et si u est normal,26 alors x∈E est un vecteur propre de u associé à la valeur propre λsi et seulement si x est un vecteur propre de u associé à la valeur propre λσ. En particulier ker(u) = ker(u) et plus généralement, nous avons, pour tout λ∈k, l’égalité suivante entre les espaces propres Eλ(u) de u pour la valeur propre λ et Eλσ(u) deu pour la valeur propreλσ :

Eλ(u) =Eλσ(u).

24. Nous renvoyons à un cours d’algèbre linéaire pour la théorie générale de la réduction des endo-morphismes (linéaires) u d’un espace vectoriel de dimension finie E0 sur un corps commutatif k0. L’en-semble Vp(u)desvaleurs propresdeuest l’ensemble desλk0 tels que l’endomorphismeuλiddeE0 soit non inversible dans l’algèbre L(E0) des endomorphismes linéaires de E0. Pour tout λ k0, posons Eλ0 = {x E0 : u(x) = λx}, que nous noterons Eλ0(u) lorsqu’il convient de préciser u. Le scalaire λ appartient àVp(u)si et seulementEλ0 n’est pas le sous-espace nul, etEλ0 est alors appelé l’espace propre deuassocié à la valeur propreλVp(u).

25. En particulier, si E est un espace euclidien ou hermitien, et siu est auto-adjoint (respectivement anti-auto-adjoint, unitaire, positif), alorsVp(u)est contenu dansR(respectivement dansiR(et donc est nul siE est euclidien), dans le cercleS1 ={zC:|z|= 1}(et donc dans{±1}siEest euclidien), dans [0,+∞[).

26. Attentionà ne pas oublier l’hypothèse queuest normal dans cette assertion (vii).

Démonstration. (i) Pour tout vecteur y ∈ F, nous avons y ∈ u(E) si et seulement si g(y, u(x)) = 0pour tout x dansE, si et seulement sif(u(y), x) = 0 pour tout xdans E, donc (puisque f est non dégénérée) si et seulement si u(y) = 0, c’est-à-dire y ∈ker(u).

La seconde égalité de (i) découle de la première en remplaçant u paru et en utilisant la propriété d’involution de u7→u.

(ii) L’inclusionker(u)⊂ker(u◦u)est immédiate, car siu(x) = 0, alorsu◦u(x) = 0.

Réciproquement, si u◦u(x) = 0, alors 0 =f(u◦u(x), x) =g(u(x), u(x)), donc u(x) = 0 carg est anisotrope. La seconde égalité de (ii) découle de la première en remplaçantu par u et en utilisant la propriété d’involution de u7→u.

(iii) Comme f est non dégénérée, par l’assertion (i) et par le théorème du rang, nous avons

dim(imu) = dimE−dim (imu)

= dimE−dim(keru) = dim(imu), ce qui est l’égalité des rangs de u et deu.

Par deux utilisations du théorème du rang et par l’assertion (ii), nous avons dim(im (u◦u)) = dimE−dim(ker(u◦u)) = dimE−dim(keru) = dim(imu). Ceci montre l’égalité des rangs deu et de u◦u. La dernière égalité entre les rangs de u et de u◦u en découle en remplaçant u paru et en utilisant la propriété d’involution de u7→u.

Supposons maintenantE=F.

(iv) L’opérateur linéaireu−λid∈L(E) est inversible si et seulement si son adjoint, qui estu−λσid, est inversible. DoncVp(u) = Vp(u)σ

.

(v) Soient u et V comme dans l’énoncé, et soit x ∈ V. Pour tout y ∈ V, puisque u(y)∈V, nous avons f(u(x), y) =f(x, u(y)) = 0. D’oùu(x)∈V.

(vi) Soit λ∈Vp(u) une valeur propre de u associée à un vecteur propre non nul donc non isotrope x ∈ Eλ− {0}. Notons que si u est unitaire, alors u est inversible, donc de valeurs propres non nulles, et u =u−1 donc u(x) = 1λx car

x=u−1(u(x)) =u−1(λ x) =λ u(x).

Siu est autoadjoint (respectivement anti-auto-adjoint, unitaire), posonsλ0 =λ (respecti-vement λ0 =−λ,λ0 = 1λ). Alors

λf(x, x) =f(λx, x) =f(u(x), x) =f(x, u(x)) =f(x, λ0x) = (λ0)σf(x, x).

Puisque f(x, x) 6= 0, nous avons doncλ= (λ0)σ. Si u est auto-adjoint, ceci signifie que λ appartient au sous-corps fixek0 de σ. Siu est unitaire, ceci signifie queN(λ) =λλσ = 1.

Siuest positif, alors

λ f(x, x) =f(λ x, x) =f(u(x), x)∈ {µµσ :µ∈k}.

Sif est positive, puisquex n’est pas isotrope, nous avonsf(x, x)∈ {µµσ :µ∈k} − {0}= N(k×), doncλ∈ {µµσ :µ∈k}.

(vii) L’égalité ker(u) = ker(u) découle de l’assertion (ii) lorsque u est normal, et l’assertion (vii) en découle en appliquant cette égalité à l’opérateur normal u−λid, dont

l’adjoint est u−λσid.

Exercice E.2. Pour tout polynômeP =Pm

i=0aiXi ∈k[X], notonsPσ ∈k[X]le polynôme Pσ =Pm

i=0aσiXi. Soit u∈L(E), de polynôme minimal unitaire Qet de polynôme carac-téristique R. Montrer que le polynôme minimal unitaire de u est Qσ et que le polynôme caractéristique de u estRσ.